A35 - La réinvention des confréries au Maghreb et au Moyen-Orient du XIX ième siècle à nos jours

A35 - La réinvention des confréries au Maghreb et au Moyen-Orient du XIX ième siècle à nos jours FR

Comment les confréries font-elles face à des enjeux majeurs des XIXième et XXième siècle au Maghreb et au Moyen-Orient ? Nous analyserons comment elles s’adaptent, que ce soit à travers la confrontation à des expériences de changement radical ou aux prises avec des guerres. 

Tout d’abord, nous étudierons la confrontation des confréries au processus des réformes des Tanzîmât au XIXième siècle et à celui de la révolution kémaliste au XXième siècle. Au XIXième siècle, le rôle joué par la ṭarīqa Naqšbandīya à Damas, notamment dans les mutations sociales et politiques impliquées par la mise en oeuvre des Tanzîmât ottomans, sera analysée à un niveau local. Au XXième siècle, l’avènement de la république de Turquie en 1923 est suivi par l’interdiction des confréries. Ainsi, les ṭarīqa passent dans la clandestinité pour subsister ou s’effondrent. L’expérience de la Mevleviye dans la Turquie contemporaine est un exemple de réinvention d’une confrérie résurgente à partir des années 1940 grâce à sa culturalisation, puis à sa folklorisation. Ultérieurement, elle amorce un phénomène de reconfrérisation.

En temps de guerre, les confréries sont des acteurs non négligeables en proie aux ambitions des diverses formes d’autorités étatiques sur les territoires où elles sont présentes, mais elles sont aussi sollicitées ou combattues par des puissances étrangères. Nous présenterons des études de cas de ṭarīqa au Maghreb face aux impérialismes et à la Grande Guerre, notamment la Sanûsiyya.

Responsable : Odile Moreau, Université Montpellier 3 – SIRICE, université Paris 1, Panthéon Sorbonne, France

La ṯarīqa Naqšbandīya-Ḫalidīyya a joué un rôle sociétal important à Damas pendant les réformes des Tanzîmât, notamment grâce à l'influence de son principal shaykh charismatique, Shaykh Ḫālid al-Naqšbandī. La ṯarīqa avait un projet de réforme de la société et des pratiques religieuses. Le rôle social et politique de cette ṭarīqa a façonné les relations interconfessionnelles ainsi que les réseaux de pouvoir des ulema et notables de Damas. 

Alors qu'au début du XIXième siècle, la ṯarīqa a contribué à justifier les réformes ottomanes, vers le milieu du XIXièmesiècle, les membres de la ṯarīqa ont plutôt dénoncé les transformations sociétales, en particulier l'abolition des distinctions entre musulmans et non-musulmans. Les ressentiments contre les réformes ottomanes sont à l'origine de tensions qui contribuèrent à l'éclatement de la violence contre le quartier chrétien de Damas en 1860. Cette présentation explorera le rôle sociétal et politique de la ṯarīqa Naqšbandīya-Ḫalidīyya à Damas et son influence sur les relations interconfessionnelles. 

Confrérie savante récente, née au début du XIXième siècle, la Sanûsiyya fonde sa zâwiya mère à al-Bayda’, en Cyrénaïque en 1842. Dirigée par Muhammad al-Mahdi, elle devient une force politique incontournable en Afrique. Entre 1860 et 1900, elle acquiert une dimension transsaharienne. Face aux menaces impérialistes, la ṯarīqa renforce son alliance militaire avec l’Empire ottoman dès 1894, devenant une véritable « organisation politico-militaire ». L’année 1911 marque le début d’une guerre de 20 ans contre l’Italie.

Pendant la Grande Guerre, dirigée par Ahmad al-Sharif, elle répond à l’appel au djihâd ottoman, combattant Français, Britanniques et Italiens. En 1916, défait en Égypte par les Anglais, Ahmad al-Sharif se retire en faveur de son cousin, Idrîs al-Mahdî. En 1918, il est exfiltré dans l’Empire ottoman, où il soutient Mustafa Kemal pendant la guerre d’indépendance. Simultanément, la résistance anti-italienne continue en Libye, conduite par Omar el-Mukthar, un cheikh Sanusi.

L’islam turc est fortement imprégné du soufisme. Les confréries (tarikat) qui incarnent la forme sociale de ce courant, constituent un thème crucial dans l’étude du fait religieux en Turquie car malgré leur place importante dans la vie religieuse des musulmans turcs, leur existence a été menacée par l’instauration de la République de Turquie. Cela a créé une situation conflictuelle qui perdure entre les différents acteurs étatiques et religieux et a fait naître de nouvelles configurations dans le paysage religieux turc. Cette présentation portera sur les évolutions politiques et socio-culturelles de la fin de l’Empire ottoman à nos jours qui ont engendré l’apparition d’une nouvelle catégorie de sociabilité religieuse, la néo-tarikat, dans laquelle s’inscrit la Néo-Mevleviye, entité polycéphale et protéiforme qui se trouve à mi-chemin du confrérisme traditionnel et des spiritualités New Age. 

 

Bien avant le début de la Première Guerre mondiale, l’empereur Guillaume II d’Allemagne et son entourage définissaient le djihâd comme une arme secrète contre les puissances de la Triple Entente en élaborant une stratégie instrumentalisant le djihâd contre les ennemis de l’Allemagne, pour inciter les populations musulmanes dans les colonies orientales des puissances ennemies à se révolter.
En se fondant sur des archives allemandes, nous questionnerons le rôle attribué aux confréries, notamment à la Sanûsiyya, à la Madaniyya et à la Qâdiriyya, dans le cadre de cette politique pour analyser dans quelle mesure elles ont coopéré avec les représentants allemands et comment elles en furent affectées. Si l’instrumentalisation de la Sanûsiyya et de la Madaniyya à des fins politiques fut pensée par des acteurs allemands et autochtones, le premier contact entre la Qâdiriyya et les Allemands s’établit à sa demande et certains de ses représentants proposèrent leur coopération aux Allemands.