AG33 - Warlike Environments : Time, Conflict and Ecology in the MENA

AG33 - Warlike Environments : Time, Conflict and Ecology in the MENA EN

Au cours des dernières décennies, des nombreuses régions du Moyen-Orient ont connu des conflits et des guerres. Outre les effets dévastateurs sur la population humaine et sur les infrastructures construites, ces actes de guerre ont eu un impact considérable sur l'environnement naturel. Du brûlage des blés aux eaux souterraines polluées par des résidus de munitions toxiques, l'immédiateté et la soudaineté des blessures de guerre interagissent avec des échelles temporelles plus vastes: effets à long terme de la pollution, du déplacement et de la destruction, mais aussi des engagements écologiques plus anciens remontant à des décennies ou même des siècles, inscrits dans les paysages locaux, établissant des liens entre les acteurs humains et non-humains.

Intégrant les disciplines de l'anthropologie historique et de la géographie, ce panel rassemble des recherches empiriques sur les écologies de la guerre du Moyen-Orient contemporain pour analyser cette intersection de différentes échelles temporelles dans les moments de conflit. Sans négliger la terrible destruction de vies humaines, nous prenons en compte comment les actes de guerre affectent des acteurs non-humains (par exemple, le bétail ou la faune, les plantes, les sources d'eau, etc.). Comment sont-ils militarisés, traités comme des ennemis ou utilisé comme des lignes de défense? Comment les communautés ciblées par la violence engagent-elles des acteurs non-humains pour générer la survie, la résistance ou la guérison?  Et comment considérer les droits des acteurs humains et non-humains à la justice, au domicile et à la vie?

Responsables : Katharina Lange et Juliane Schumacher,  Leibniz-Zentrum Moderner Orient, Berlin, Allemagne

Discutante : Schumacher, Juliane, Leibniz-Zentrum Moderner Orient, Berlin, (Allemagne)

En 2013, une communauté rurale syrienne a été expulsée de son domicile lors d'une campagne militaire impitoyable menée par le régime d'al-Assad et des militants du Hezbollah. L'expulsion a été suivie par «le voyage de la mort», un vol périlleux vers le Liban où la communauté a construit un petit camp et une école. Peu de temps après leur construction, les deux espaces ont été transformés en jardins ornés non seulement de plantes et de fleurs, mais aussi de peintures représentant l'interaction humaine avec la nature et la maison perdue de la communauté. Sur la base d'un travail de terrain ethnographique à long terme commencé en 2014, cet article examine ces jardins comme un site pour articuler l'origine politique de l'histoire de la guerre, de l'exil et de la révolution de la communauté ainsi que l'état affectif de perte permanente généré par cette histoire. Alors que les pertes tragiques et banales constituant la situation difficile de la communauté sont réduites au silence et indescriptibles dans le projet politique révolutionnaire, je soutiens que cette histoire et cette perte collectives sont imprimées dans les jardins exiliques. Les rencontres de la communauté avec les plantes, les fleurs et les peintures animent un amalgame de modalités sensorielles et de canaux de communication autres que la voix - comme la performativité et l'esthétique - à travers lesquels des fragments de cette histoire collective peuvent être évoqués.

Au Sud-Liban, la guerre est vécue comme paysage, environnement, milieu. Ceux qui poursuivent la vie dans de tels quartiers font ce qu'ils peuvent pour vivre et leurs bouées de sauvetage sont aussi souvent vitalisantes que mortelles: les producteurs de tabac s'allient à ce qu'ils appellent une «récolte amère» qui s'épanouit dans une zone de guerre aride tandis que les éleveurs marchent dans des champs explosifs leurs chèvres évitant les mines. Ces alliances multi-espèces prospèrent grâce à leur capacité à survivre aux infrastructures mortelles de la guerre. Habitant aux côtés de deux familles inébranlables dans les régions frontalières du Sud-Liban, cet article explore la vie en temps de guerre en s'éloignant des tropes du traumatisme pour saisir un monde militarisé depuis le terrain quotidien et vécu de ses opérations. Ni utopie teintée de vert ni dévastation totale, ces collectifs de survie plus qu'humains - ce que j'appelle des «écologies résistantes» - rendent possible la continuité dans une région à la mort insistant. Penser la vie dans des zones de guerre désastreuses dans le Sud global oblige la théorie anthropologique à prendre en compte les dures réalités ethnographiques tout en mettant en lumière des alliances méconnues d'espoir pour la vie.

En Syrie, la destruction délibérée des cultures agricoles est devenue une arme de guerre. L'occupation de la région à majorité kurde d'Afrin, nord-est d'Alep, par des milices islamistes syriennes sous commandement turc en janvier 2018 suggère qu'elle peut également être utilisée comme un moyen d'élargir les cadres temporels du changement démographique et des déplacements. Parmi les habitants exilés et locaux de la région, la destruction des plantes de la région est une question douloureuse et très discutée, car les histoires et les images d'oliviers coupés abondent sur les médias sociaux. Les exilés juxtaposent le gain à court terme de la coupe d'arbres pour le bois de chauffage, ou l'utilisation imprudente des vergers pour le pâturage du bétail par les éleveurs alliés aux occupants, aux décennies de soins qui ont été investis dans ces arbres. Ils articulent la destruction délibérée des arbres en termes de contrastes plus anciens et ethnisés entre les pratiques nomades et agraires, ainsi qu'une politique turque de couper les racines qui ont lié les habitants à cette région. S'appuyant sur des entretiens avec (d'anciens) habitants de la région ainsi que sur des rapports publiés via les médias sociaux et d'autres sources, cet article cartographie ces changements violents et les contextualise avec les pratiques et relations agraires avant 2018 pour analyser les sentiments et les projections du temps inhérents à ces images.

 

Cette intervention portera sur deux groupes d'animaux qui ont dû participer à des guerres. Le premier groupe comprend ceux qui sont recrutés comme soldats ou utilisés comme armes par un entraînement persistant, des modifications comportementales / physiologiques et même en les fusionnant dans des machines. Le deuxième groupe est celui qui est tué dans le but de nuire à l'ennemi. Dans la plupart des cas, ce sont des animaux domestiques dont les humains dépendent. Dans cette veine, je me concentrerai sur le conflit armé kurde en Turquie qui remonte au début des années 1980. J'étudierai comment les animaux figurent des deux côtés du conflit - dans des témoignages, des chansons, des films ou dans des récits fictifs. Comme chez les humains, je vais le montrer, il y a des animaux qui sont traités comme des traîtres, des héros, des compagnons ou des ennemis, mais le plus souvent, ils ne sont pas inclus dans les histoires (nationales) uniquement humaines. Ceci, je dirai, n'est en fait pas un problème simple auquel on pourrait remédier par la simple addition de non-humains. Leur inclusion pourrait potentiellement remettre en cause un certain nombre de concepts tels que la démocratie, la citoyenneté ou les droits de l'homme ou la définition de la société en premier lieu. Cela nécessite, comme le propose Bruno Latour, une redéfinition de l'agence et une redéfinition des frontières entre l'animal et l'homme.