AG32 - Réaliser l’espace public : dispositions et dispositifs urbains

AG32 - Réaliser l’espace public : dispositions et dispositifs urbains FR

En suivant une proposition d’H. Arendt, laquelle interprète l’espace public comme « espace potentiel d’apparence entre les Hommes agissant et parlant », il s’agit d’interroger cette notion depuis un corpus de situations et temps spécifiques, analysés à partir d’un même substrat : celui de la ville. Les deux acceptions de l’espace public : lieu où se déroulent des manifestations plurielles (rassemblements, célébrations, pèlerinages, mobilisations protestataires, etc.), et lieu du contact avec l’autorité où s’exprime une opinion publique, où s’opère une transaction entre les individus et l’État pourraient, dès lors, être accommodées. De fait, l’espace de la ville, lorsque sollicité en ce sens, est augmenté, surexposé, révèle de nouveaux possibles, des interprétations inédites. Dans un paysage de surimpositions, de multiples modes d’être et de faire s’observent, dans leurs esquisses ou leurs réalisations, à partir de jeux de proximités, de côtoiements et d’esquives, depuis des expériences partagées, des situations de « mitoyenneté », notion intéressante dans sa simplicité et son ambiguïté mêmes, puisque selon son acception première, est mitoyen ce « qui est entre deux choses, commun à l’une et à l’autre » (Le Robert). De manière plus complexe, la mitoyenneté suggère la simultanéité de ce qui sépare et réunit, soit les deux polarités de l’être ensemble.

Responsable : Madoeuf Anna, Université de Tours, France

Au cours des Révolutions arabes, et depuis lors à l’occasion des différentes mobilisations urbaines, des tentes sont apparues dans l’espace public des villes arabes. Elles servent de points de repère pour la sécurité et les soins médicaux, mais de façon plus fluide et discrète, elles forment aussi des pôles visibles où se retrancher pour souffler, se reposer, mais aussi pour parler. Héritières d’une longue tradition d’usages divers des tentes dans le monde arabe, celles-ci constituent des sortes d’« espaces voilés », inscrits dans un jeu dialectique du dedans/dehors, du caché/montré, où se font jour de nouvelles formes d’expressions et de paroles contestataires qu’il s’agira ici de décrire et de qualifier.

En Algérie, depuis les années 2010 et tout particulièrement depuis le Hirak, on observe un renouvellement des formes et des lieux d’expression des artistes. Ces derniers, contraints et dont le discours et le geste oscillent entre motivations politiques et/ou esthétiques, mettent en lumière les carences urbaines et culturelles au regard du nouveau rapport à l’espace public, à l’art public et aux publics perceptibles. En effet, malgré l’interdit qui pèse sur les pratiques artistiques publiques, celles-ci semblent reconfigurer la fonction de la ville et contribuer en creux à la requalification urbaine et à la réhabilitation citoyenne. Dès lors, cette communication entend proposer une analyse de l’espace public en questionnant le pouvoir de l’art public en contexte contraint à l’aune des nouvelles urbanités qui se dessinent. Ainsi, dans cette optique, il s’agit d’étudier dans quelle mesure les pratiques artistiques publiques bousculent-elles les logiques à l’œuvres et participent-elles à l’établissement d’une ville témoin et support de l’expression de la société civile ?

Depuis la destitution de M. Morsi de la présidence par l’armée en 2013, le calendrier égyptien a été émaillé de différents événements politiques parmi lesquels les élections présidentielles (2014 & 2018) ainsi que le référendum constitutionnel (2019). Ces événements constituent une façade démocratique qui permet au régime de se légitimer aux yeux des citoyens et de la communauté internationale. En prenant l’exemple du référendum constitutionnel, qui a abouti notamment à l’extension du mandat de Sissi, cette présentation se veut une réflexion sur la manière dont le régime autoritaire se met en scène dans le paysage urbain visuel et sonore du Caire. Cette occupation des rues s’accompagne d’une mobilisation des citoyens par leur mise en mobilité forcée pour se rendre aux bureaux de vote, par ailleurs fortement sécurisés. On se propose d’aborder ces manifestations avec le concept de « performance » : une chorégraphie orchestrée par le régime et les acteurs qui l’incarnent, où chacun doit avoir un rôle dans un décor urbain. La notion de performance permet aussi d’étudier sa performativité : en quoi cette présence du régime influence la prise de paroles ou les pratiques de contestation ? S’il y a eu des performances contestataires dans les espaces urbains, elles ont été fortement réprimées empêchant l’émergence d’une sphère démocratique dans les espaces de la rue. 

À partir de l’étude de l’investissement de la ville du Caire, et en particulier des quartiers modernes de la ville ismaïlienne, par les lieux et les infrastructures de la Nahda, il s’agit de questionner la mise en scène d’un espace public de production, de diffusion et de discussion des savoirs et des idées dans l’espace urbain cairote. En effet, l’essor intellectuel de la période est marqué par la prolifération de lieux et d’institutions – cafés, salons, journaux, imprimerie, librairies – typiques de la transformation des formes de la vie culturelle et intellectuelle vers un régime de publicité.