AI07 - The Law of Waqf Endowments in the Islamicate World: Theory and Praxis 1/2

Le droit relatif au waqf dans le Dâr al-Islâm se situe au carrefour de trois systèmes qui se chevauchent. Le premier est la jurisprudence religieuse (fiqh) qui a produit des règlements et des directives pour la création et l’administration des fondations waqf qui, dans des sociétés islamiques, prennent la forme de hadiths mais aussi de traités spécifiques au waqf comme les ahkâm al-awqâf ainsi que de fatwâ et de nawâzil, dont nombre d’entre eux concernent la logistique des opérations conduites sur le waqf (d’autres communautés religieuses dans le Dâr al-Islâm où le waqf est également utilisé à grande échelle ont produit des sources comparables). Le deuxième champ se réfère à la pratique, à savoir les usages de waqf dans la société où ses racines se trouvent dans des pratiques coutumières (‘urf). Ceci est rendu visible, pour le chercheur, notamment par les documents enregistrés par des individus auprès des tribunaux afin de sauvegarder la viabilité des transactions comme des contrats de location sur les propriétés possédées par les waqfs, le transfert des droits de revenu d’un bénéficiaire à un autre tel que cela est précisé dans la charte de création du waqf, etc. Le troisième système est celui de l’État qui légifère sur les pratiques du waqf, une préoccupation majeure depuis des premiers siècles de l’Islam dans la mesure où des ressources considérables tels des terrains agricoles, des bâtiments de toute sorte, du mobilier, des sommes d’argent, etc., ont été versés aux waqfs. L’autorité politique exerce ses pouvoirs par des décrets, des qânûns, etc., à l’ égard des ressources économiques à l’intérieur de ses frontières. Le kadak, un contrat de location à long-terme, négocié sur des propriétés appartenant aux waqfs, est l’exemple examiné dans cette présentation en regard avec ces trois systèmes à partir des documents produits dans la Damas ottomane ainsi que de la législation de la Syrie mandataire et indépendante. 

Pendant la période ottomane des Tanzimat, les nouvelles législations ottomanes faisaient une distinction entre les waqfs non musulmans et les waqfs musulmans. Cette distinction avait un impact non seulement sur la réalité des waqfs non musulmans, mais aussi sur leurs applications pratiques, notamment en ce qui concerne les objectifs des fondateurs/fondatrices et des clauses dans leurs chartes de fondations des waqfs. Dans ce cadre, nous étudions les questions suivantes : comment et pourquoi les droits des waqfs musulmans évoluent-ils dans le contexte des waqfs des juifs et des juives ? Comment ces développements ont-ils impacté, positivement et négativement, les waqfs juifs de la Jérusalem ottomane, en particulier ? Quelles étaient les démarches pour que les juifs de Jérusalem soient mobilisés et profitent de ces développements afin d’implanter leur présence dans cette ville sainte ? Par ailleurs, de quelle manière cette exploitation des waqfs a-t-elle affecté l'émergence des juifs dans la société de Jérusalem ?  Cette étude tente de répondre à ces questions en suivant l'évolution des droits du waqf musulman dans le cadre des waqfs fondés par des juifs de Jérusalem, en étudiant et en analysant, d’une part, les évolutions de droits du waqf vis-à-vis de la législation ottomane relative à cette question. D'autre part, nous nous appuyons sur nos recherches qui portent sur les waqfs juifs enregistrés dans les archives du tribunal religieux de Jérusalem ottoman avant et après la période des Tanzimat. L'intérêt de cette étude réside dans l’originalité du sujet et dans les démarches mobilisées pour ce faire. En effet, nous constatons une rareté de publications à ce sujet. De manière générale, peu d'études traitent le thème de waqfs non musulman de Jérusalem, notamment, des waqfs juifs.

Dans le fiqh chiite duodécimain, les conditions relatives à la création d’un waqf sont au nombre de sept dont les quatre premières sont acceptées par l'ensemble des jurisconsultes tandis que les trois autres sont sujettes à la controverse. Commençons par les quatre conditions reconnues par la majorité des jurisconsultes chiites. Il s’agit des concepts de la perpétuité (al-dawâm) et de l'inconditionnalité (al-tanjîz). Cette deuxième, celle de tanjîz, sous-entend qu'il est impossible de prévoir, lors de la réalisation d’un waqf, des conditions qui s'opposeraient à la prise d'effet d’un waqf, puis de sa perpétuité. Ensuite, nous allons examiner la condition selon laquelle il est interdit de se dépouiller de la propriété d’un bien donné à une fondation waqf (ikhrâj ‘an nafsihî). Cette condition stipule qu'il est illicite pour que le fondateur soit, lui-même ou elle-même, bénéficiaire de son propre waqf. Enfin, la quatrième condition est celle de la prise de possession par le bénéficiaire (al-iqbâḍ) de la part des revenus qui lui est destinée par le fondateur d’un waqf. En effet, la prise de possession (qabḍ) du waqf après la mise en possession (iqbâḍ) par le fondateur conditionne la validité du waqf : donc, en l'absence de qabḍ, le contrat est invalide. Quant aux conditions sujettes à la controverse, il s’agit de la prononciation de la formule de waqf (talaffuẓ bi-l-ṣîgha) ainsi que celle de l'acceptation (al-qabûl). Toutefois, les jurisconsultes s'accordent sur le fait que dans la charte de fondation d’un waqf, le fondateur doit créer et « offrir » le waqf (îjâb). Enfin, concernant l'intention de se rapprocher de Dieu par l'acte de créer un waqf (niyyat al-taqarrub) : certains jurisconsultes considèrent cette intention comme condition pour la validité d’un waqf contrairement aux autres qui, pour la plupart, n'y voit pas une condition nécessaire.

En droit islamique, le waqf est un acte juridique par lequel un propriétaire immobilise une partie ou la totalité de ses biens fonciers ou immobiliers, les plaçant sous la protection de la loi islamique, au profit d’une institution religieuse ou de membres de sa famille nommément désignés. Notre étude porte sur le droit et les waqfs mamelouks de Tunis du XVIIe au XIXe siècle, à l’époque ottomane et durant une partie du Protectorat français, en s’appuyant principalement sur les chartes des fondations (les waqfiyyas) qui sont conservées dans les fonds d’archives tunisiens. Nous allons examiner la question du statut juridique de mamelouk et de son droit de propriété et ainsi, de sa capacité de créer des fondations waqf. Nous aurons à montrer la forte implication des mamelouks et de leur participation dans les échanges économiques et fonciers de Tunis et à l’extérieur de la ville. Les documents montrent, en effet, que ces mamelouks, au milieu urbain mais aussi rural, disposaient de fortunes personnelles qui étaient parfois considérables. Ces mamelouks, esclaves d'origine chrétienne, pour la plupart, libérés par leurs maîtres ont eu de rapides promotions dans la structure militaire de la Tunisie ottomane.