A30 - L'archive, entre poétiques et pratiques 2/2

Fondé en 2019, Archives des luttes des femmes en Algérie se définit comme un projet indépendant, collectif et bénévole, dont l’un des principaux objectifs est de constituer une archive numérique et ouverte des mobilisations féministes algériennes. Notre démarche consiste à exhumer et à numériser des traces, aussi bien écrites qu’audiovisuelles, de ces luttes. La plupart des documents jusqu’ici numérisés furent produits par des groupes, des collectifs et des associations de lutte pour les droits des femmes, sur une période allant des années 1970 au milieu des années 1990. Il s’agit aussi bien de déclarations, de tracts, de revues, d’affiches, que de photographies, de documents filmiques et sonores. Aujourd’hui, ces documents sont pour beaucoup conservés par les actrices de ces luttes, ou par leurs proches, en Algérie et parmi la diaspora. Suite à la disparition de la plupart des collectifs et des associations, et en l’absence d’une structure se chargeant d’archiver ces documents, les retrouver nécessite de reconstituer un réseau de personnes qui ont pris part ou assisté à ces luttes, et pourraient en avoir conservé des traces. L’archive que nous construisons est ainsi alimentée par un ensemble de fragments d’archives personnelles conservées par ces femmes. Il s’agit par ailleurs de mettre en récit ces documents, de les faire circuler et de les faire vivre, notamment à travers la mise en place d’expositions. Notre contribution retracera la genèse et la démarche de ce projet, et reviendra sur les perspectives et les problèmes posés par ces expériences curatoriales.

En parcourant quelques exemples de travaux artistiques issus de disciplines diverses (littérature, photographie, cinéma) qui s’emparent d’archives visuelles dans leur pratique, je propose d’esquisser des tendances qui non seulement illustrent une dynamique de sauvegarde, mais opèrent également un déplacement vers la création d’un matériau nouveau qui va nécessairement nourrir des narrations à venir. Faire dialoguer différents médiums et croiser les disciplines permet ainsi d’explorer ce que des traces visuelles, lorsqu’elles sont prises en charge par des artistes et des chercheurs, peuvent annoncer comme enjeux pour la mémoire collective et les imaginaires.

Mon travail artistique se déploie dans une approche ethnographique et historique, où j'utilise l'archive dans mes projets depuis 2013. Je considère l’archive comme un lieu de production de connaissances, et non comme une simple source. Je la manipule de manière expérimentale, comme un prisme à travers lequel passe l'information, comme un faisceau de lumière pour en extraire de multiples spectres de pensées et de lectures.

Je travaille à intégrer les documents d'archives comme outils dans mes projets artistiques en les sortant de leur contexte et de leurs lectures initiales, en les intégrant dans diverses techniques telles que les dessins, les bandes sonores et visuelles, et les photographies, pour créer des compositions artistiques avec d’autres géographies et temporalités. Je m’interroge aussi sur l'effacement de la mémoire et l'oubli du fait de l'absence de l'archive, de son masque ou de sa suppression.