Responsable: >Amélie Chekroun
AG11 - Circulations savantes et mobilités culturelles : productions discursives, identités et normativités dans l’histoire et l’historiographie du Dār al-Islām (IVe-IXe/Xe-XVe s.)
Date : 2022-09-21 | 11:00:00-13:00:00
Évènement :
Congrès INSANIYYAT
Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie : | ||
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A.G | ||
Lieu : | ||
ISAMM | ||
Salle : | ||
C6 |
Responsable : Amélie Chekroun | |
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Modérateur·trice : | |
Discutant·e : Amélie Chekroun | |
Les intervenant·e·s : | |
Collet Hadrien | IFAO |
Gareil Rémy | Université Lumière Lyon 2 |
Mochtari de Pierrepont Zacharie | Université de Liège |
Cecere Giuseppe | Università di Bologna |
AG11 - Circulations savantes et mobilités culturelles : productions discursives, identités et normativités dans l’histoire et l’historiographie du Dār al-Islām (IVe-IXe/Xe-XVe s.) FR Salle: C6 Responsable et discutante : Amélie Chekroun, CNRS, IREMAM, France
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La question des circulations est un sujet très présent dans l’historiographie du monde musulman médiéval. Pour autant, la question des mobilités, et particulièrement des mobilités savantes, n’a été que peu étudiée dans son rapport à la production d’une culture normative, au cœur de la construction et des transformations des identités locales et régionales. Les mises en scène de cette historiographie participèrent à élaborer une mémoire et une histoire des productions et des transmissions du savoir et de ses principaux ayants droits, les savants des sciences religieuses et profanes. Elles délimitèrent aussi le rôle de ces circulations et de leur réception auprès des élites du Dār al-Islām, soulignant leur rôle dans l’ordonnancement social et leur intégration dans les discours normatifs qui produisirent son histoire.
À l’appui de renouvellements historiographiques récents, cet atelier souhaite interroger et réexaminer le rôle des circulations savantes dans l’élaboration d’un univers de valeurs commun, et leur place dans l’historiographie qui lui donna corps. En s’appuyant sur plusieurs espaces en contact du monde musulman médiéval, dans une perspective d’histoire connectée, de l’Iraq au Mali, nous nous interrogerons sur le rôle des circulations savantes dans le déploiement des modes d’expression culturel, social et politique de l’Islam, tout en portant une réflexion sur les enjeux conceptuels et les difficultés méthodologiques que l’étude de ces circulations pose au chercheur.
Responsable et discutante : Amélie Chekroun, CNRS, IREMAM, France
- Giuseppe Cecere, Université de Bologne, Savants persans en Égypte ayyoubide et mamelouke, entre soufisme et ash'arisme philosophique.
La présente communication porte sur la présence de cheikhs d’origine persane unissant savoirs "ésotériques" et "exotériques" (y compris certaines branches des sciences philosophiques), tels Šams al-Dīn al-Iṣfaḥānī (m. 688/1290), Šams al-Dīn al-Īkī et Najm al-Dīn al-Iṣfaḥānī, au sein de réseaux intellectuels et spirituels en Égypte entre fin de l’époque ayyoubide et première période mamelouke, soit à un moment crucial pour l’affirmation de ce qui Griffel a défini "le compromis entre soufisme et ash’arisme philosophique".
Les trois cheikhs mentionnés figurent dans le réseau du maître soufi Abū l-‘Abbās al-Mursī (m. 686/1287), premier successeur (khalīfa) du cheikh Abū l-Ḥasan al-Šādilī (m. 656/1258) à la tête de la tariqa Šādiliyya, laquelle joua un rôle essentiel dans l’intégration entre savoirs mystiques, juridiques et (avec caution) philosophiques. En particulier, Šams al-Dīn al-Iṣfaḥānī, figure complexe de juriste-soufi-philosophe qui exerça la judicature à Qūṣ, puis enseigna dans la capitale, semble avoir joué un rôle dans la formation du célèbre cheikh Ibn ‘Aṭā’ Allāh al-Iskandarī (m. 709/1309), disciple et successeur d’al-Mursi.
L’étude de ces trois maîtres persans en milieu égyptien peut donc s'avérer très porteuse pour la reconstitution des circulations savantes en Islam à une époque cruciale où, le Califat éteint à Bagdad par les Mongols, l'Égypte s’impose sur la scène politique et culturelle du monde musulman.
- Hadrien Collet, IFAO, Un bilād al-Sūdān en quête de sciences. La présence sahélienne dans le Dār al-Islām africain (Xe-XVe s.)
L’islamisation est l’une des thématiques centrales des études sur le Sahel médiéval. Assez logiquement, les efforts pour en rendre compte se sont avant tout portés sur les processus travaillant localement le Sahel par le biais des textes arabes, de l’épigraphie et de l’archéologie. Écrire l’histoire de l’islamisation du Sahel implique évidemment de s’y situer a priori. Toutefois, dans un contexte de rareté des sources, cette focalisation limite l’appréhension du phénomène. L’adoption de l’islam se doublait généralement de l’essor d’une culture savante islamique qui s’appuyait en partie, au temps de Islam médiéval, sur le voyage en quête de science et la mobilité savante. Dès lors, l’islamisation du Sahel doit s’appréhender comme un processus qui s’opère également hors du Sahel, par le voyage d’aspirants partant se former au Maghreb ou en Égypte auprès de grands savants, ou grâce à des communautés sahéliennes implantées de manière permanentes dans les grandes villes du Dār al-Islām africain qui pouvaient aussi recevoir les acteurs de cette mobilité. À la dimension locale, il convient donc d’ajouter la dimension d’une islamisation en réseau faisant état des connexions ayant intégrées de manière progressive le Sahel au Dār al-Islām à la période médiévale. Cette communication, à travers l’exemple de l’Égypte, tentera de rassembler les fragments textuels dans lesquels affleurent cette histoire islamique sahélienne hors du Sahel.
- Rémy Gareil, Université Lyon 2, Ciham, (France), Les mobilités savantes abbassides et bouyides (IVe/Xe siècle) : difficultés textuelles et enjeux méthodologiques
La question des circulations savantes au IVe/Xe siècle, dans l’espace abbasside, reste largement dans l’ombre de Bagdad, pôle intellectuel dominant des terres centrales de l’empire, en particulier dans le domaine des sciences rationnelles. Or, cette période voit se déployer à la périphérie de la capitale abbasside des réseaux de mobilité, en particulier dans l’espace bouyide, à la faveur de l’émergence de cours régionales qui deviennent à leur tour autant de pôles d’attraction des savants rationnels. Parallèlement, des évolutions se font jour dans le rapport qu’entretiennent les lettrés avec l’espace au sein duquel ils se déplacent.
Cette présentation vise à exposer à la fois les difficultés textuelles qui font obstacle à l’évaluation des circulations savantes dans les terres abbassides et bouyides, et les manières de les contourner, pour aboutir à la mise en évidence des dynamiques spatiales qui apparaissent au cours de ce IVe/Xe siècle, et de leurs conséquences sur les structurations du monde savant.
- Zacharie Mochtari de Pierrepont, Université de Gand, Orient & Méditerranée (Belgique), ‛Abd Allāh al-Yāfi’ī (m. 768/1367) et les réseaux de la transmission savante : La Mecque au cœur de l’historiographie proche-orientale ?
C’est au milieu du VIIIe/XIVe siècle que le savant ‛Abd Allāh b. As‛ad al-Yāfi‛ī (697-768/1298-1367), natif du Yémen, connut à La Mecque l’apogée de sa carrière. Ce spécialiste des sciences religieuses, maître mystique réputé, fut un acteur remarquable dans l’environnement religieux de l’Arabie occidentale médiévale, à la fois par ses réseaux au sein des milieux syro-égyptiens et yéménites, mais aussi par l’influence que son œuvre exerça dans la construction historiographique du mysticisme oriental. À ce titre, ‛Abd Allāh al-Yāfi‛ī fut un personnage majeur des réseaux de la circulation savante dans le Proche-Orient médiéval.
L’étude des liens de ce savant et l’utilisation de ces derniers dans la mise en scène de la transmission savante au sein de l’historiographie du IXe/XVe siècle, dans le corpus yéménite et syro-égyptien, soulignera le rôle de La Mecque dans la circulation des savoirs au Proche-Orient, et la place symbolique occupée par ce passeur de sciences, figure emblématique du triple espace de référence qui constitua principalement son horizon géographique et social (Syrie, Arabie, Yémen).
The question of circulation is a prevalent subject in the historiography of the medieval Muslim world. However, the question of mobilities, and particularly scholarly mobilities, has been little studied in its relation to the production of a normative culture, at the heart of the construction and transformation of local and regional identities. This historiographical display contributed to elaborate a memory and a history of the production and transmission of knowledge and of its main beneficiaries, the scholars of religious and secular sciences. They also defined the role of these circulations and their reception among the elites of the Dār al-Islām, emphasizing their role in the social order and their integration into the normative discourses that produced its history.
In support of recent historiographical renewals, this session seeks to question and re-examine the role of scholarly circulations in the elaboration of a common universe of values, and its place in the historiography that gave it substance. In the perspective of a connected history of the Muslim world, from Iraq to Mali, we will explore the role of scholarly circulations in the deployment of the cultural, social, and political modes of expression of Islam, while focusing on the conceptual challenges and methodological issues that such a study raises.
- Giuseppe Cecere, Université de Bologne, Savants persans en Égypte ayyoubide et mamelouke, entre soufisme et ash'arisme philosophique.
Persian scholars in Ayyubid and Mamluk Egypt, between Sufism and philosophical Ash’arism.
The present contribution deals with the presence of sheikhs of Persian origin who combine "esoteric" and "exoteric" knowledge (including certain branches of the philosophical sciences), such as Šams al-Dīn al-Iṣfaḥānī (m. 688/1290), Šams al-Dīn al-Īkī and Najm al-Dīn al-Iṣfaḥānī, within intellectual and spiritual networks in Egypt between the end of the Ayyubid period and the early Mamluk period, at a crucial moment for the affirmation of what Griffel defined as "the compromise between Sufism and philosophical Ash'arism".
The three sheikhs mentioned are in the network of the Sufi Master Abū l-'Abbās al-Mursī (d. 686/1287), the first successor (khalīfa) to the Sheikh Abū l-Ḥasan al-Šādilī (d. 656/1258) at the head of the Tariqa Šādiliyya, which played an essential role in the integration of mystical, legal and (with caution) philosophical knowledge. In particular, Šams al-Dīn al-Iṣfaḥānī, a complex figure of jurist-soufi-philosopher who practiced jurisprudence at Qūṣ and then taught in the capital, seems to have played a role in the formation of the famous Sheikh Ibn 'Aṭā' Allāh al-Iskandarī (d. 709/1309), al-Mursi's disciple and successor.
The study of these three Persian masters in the Egyptian environment can thus prove to be very promising for the reconstitution of the scholarly circulations in Islam at a crucial time when, with the Caliphate extinguished in Baghdad by the Mongols, Egypt imposed itself on the political and cultural scene of the Muslim world.
- Hadrien Collet, IFAO, Un bilād al-Sūdān en quête de sciences. La présence sahélienne dans le Dār al-Islām africain (Xe-XVe s.)
From travelling to settling. The Sahelian presence in Egypt (10th-15th)
Islamization is one of the key thematics in the studies on Medieval Sahel. Logically, most of the works focuses on its process in the Sahel itself, through external Arabic texts, epigraphy and archaeology. To write the history of Islamization in the Sahel entails to locate the study in the Sahel, it goes without saying. Yet, in a context where sources are scarce, this focalization hinders our capacity to approach fully this phenomenon. Kingdoms or elites converting to Islam were generally giving birth to the soar of an Islamic scholarly culture, which relied heavily, at the medieval period, on journeys in quest for science and scholarly mobility. Therefore, Islamization of the Sahel has to be apprehended as a phenomenon happening also outside the Sahel, through scholars travelling to the Maghreb and Egypt in order to follow the teaching of great scholars, or through local communities permanently settled in the great cities of the African Dār al-Islām who could take care of the actors of this mobility. To the local dimension, we have to add the dimension of an Islamization deployed in networks pointing out connections that contributed slowly to integrate the Sahel in the Dār al-Islām at the medieval period. This presentation, through the example of Egypt, will attempt the gather textual fragments in which appears this Islamic history of the Sahel outside the Sahel.
- Rémy Gareil, Université Lyon 2, Ciham, (France) Les mobilités savantes abbassides et bouyides (IVe/Xe siècle) : difficultés textuelles et enjeux méthodologiques
Abbasid and Buyid era scholarly mobilities (4th/10th century): textual problems and methodological issues
The question of scholarly circulation in the Abbasid space during the 4th/10th century still by and large remains in the shadow of Baghdad, leading intellectual center of the heartland of the caliphate, especially in the field of rational sciences. We nevertheless can spot mobility networks at the periphery of the Abbasid capital, especially in the Buyid space, in the wake of the emergence of regional courts which in turn become new centers of attraction for rational scientists. New developments appear simultaneously in the way scholars relate to the space they operate in.
This paper aims at presenting both textual problems hindering the assessment of scholarly circulations in the Abbasid and Buyid lands, and the solutions to circumvent them in order to bring to light the spatial dynamics that develop during the 4th/10th century and their repercussions on the structuration of the scholarly milieu.
- Zacharie Mochtari de Pierrepont, Université de Gand, Orient & Méditerranée (Belgique), ‛Abd Allāh al-Yāfi’ī (m. 768/1367) et les réseaux de la transmission savante : La Mecque au cœur de l’historiographie proche-orientale ?
‛Abd Allāh al-Yāfi’ī (d. 768/1367) and the networks of religious transmission: Mecca in the heart of Middle Eastern historiography?
In the middle of the 8th/14th century, the Sunni scholar ‛Abd Allāh b. As‛ad al-Yāfi‛ī (697-768/1298-1367), native of Yemen, was at the height of his fame in Mecca. This specialist in religious sciences, renowned as a mystical master, was a remarkable actor in the religious environment of medieval Western Arabia, through his networks within Syro-Egyptian and Yemeni circles, but also through the influence his works wielded in the historiographical construction of Oriental mysticism. As such, ‛Abd Allāh al-Yāfi‛ī was a major figure in the networks of scholarly circulation in the medieval Near East.
This paper will examine the links of this scholar and the use of these networks in the display of scholarly transmission, within 9th/15th century Arabic historiography, in the Yemeni and Syro-Egyptian corpus. It will therefore underline the role of Mecca in the circulation of knowledge in the Middle East, and the symbolic role occupied by this broker of sciences, an emblematic figure of the triple space of reference in which was displayed his geographical and social horizon (Syria, Arabia, Yemen).