Responsable: >Isabelle Rivoal

AG45 - Les mouvements sociaux au Liban : du mandat au hirak. Le temps long des mouvements sociaux : perspectives historiques FR 1/2

Date : 2022-09-21 | 11:00:00-13:00:00

Évènement : Congrès INSANIYYAT

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A.G
Lieu :
ISAMM
Salle :
C9
Responsable : Isabelle Rivoal
Modérateur·trice :
Discutant·e : Stéphanie Latte Abdallah
Les intervenant·e·s :
Chaib Kinda Paris 1 Panthéon Sorbonne
France Pierre Paris 1 Panthéon Sorbonne
Kammourieh Sarah Madona EHESS
Rivoal Isabelle LESC/CNRS
Seurat Leila Université Saint Quentin en Yvelines
Spera Simone Nanterre

AG45 - Les mouvements sociaux au Liban : du mandat au hirak. Le temps long des mouvements sociaux : perspectives historiques FR 1/2

Salle: C9
Responsable(s): Isabelle Rivoal, LESC – CNRS, France

Discutante : Stéphanie Latte Abdallah, SciencePo CERI CNRS)

  • Kinda Chaib, CNRS Paris 1, ERC DREAM,  (France), En 2019, sur les traces d’un mouvement révolutionnaire des années 1960-1970
  • Pierre France, CESSP-CRPS, (France), Mobilisations feutrées, solidarités discrètes, et non-mobilisations : les retraités de la fonction publique libanaise face au social et à la crise. 
  • Sarah Madona Kammourieh, EHESS, Iris, (France), « Patriotes » et « ennemis de la nation » face aux mobilisations
  • Isabelle Rivoal, CNRS, (France), La "politique des femmes"... une mobilisation invisible? 
  • Leila Seurat, Sciences Po Paris, (France), Entre opposition et adhésion à la thawra : trajectoires, circulations et appartenances des jeunes du quartier de Khandaq al Ghamiq
  • Simone Spera, Université Paris Nanterre – UPL, (France), L’alphabétisation en milieu populaire : genèse et mutations d’une mobilisation aux visées plurielles


AG45 - Les mouvements sociaux au Liban : du mandat au hirak. Le temps long des mouvements sociaux : perspectives historiques FR

Dans l'histoire sociale du Liban, si l’histoire des tensions communautaires et des conflits est bien documentée, il n’existe paradoxalement aucun équivalent à une “histoire des mouvements sociaux” et ce, en dépit de leur prévalence depuis la création de cet Etat. Les mobilisations politiques de l’automne 2019 ont en effet mis en évidence l’absence d’une approche globale des mouvements sociaux au Liban et avec elle la nécessité de repenser l’objet « mobilisation » d’un point de vue historique et sociologique. Il est apparu que ces mouvements dépassaient le seul espace beyrouthin et/ou urbain ; ils englobaient et interrogeaient plusieurs frontières (entre mobilisations politiques, syndicales, communautaires, genrées; entre démarches collectives ou plus atomisées) tout en soulevant la question d’une analyse des dynamiques de maintien de l’ordre dans une “démocratie” du Moyen-Orient.

L’atelier se propose d’aborder l’étude des mobilisations à partir de terrains originaux, qui permettent notamment d’en penser le temps long et d’interroger cette trajectoire globale : par exemple, sur les mobilisations rurales et ouvrières au Liban-Sud, l’histoire du maintien de l’ordre au Liban, les mobilisations de femmes ou encore les mobilisations des fonctionnaires ordinaires. Nous invitons des contributions de type ‘études de cas’ de mobilisations actuelles ou passées qui s’attachent à les historiciser en interrogeant notamment les “ruptures” supposées du Mandat (1919-1946) et de la guerre civile (1975-1990). 

Responsable(s): Isabelle Rivoal, LESC – CNRS, France

Discutante : Stéphanie Latte Abdallah, SciencePo CERI CNRS)


  • Kinda Chaib, CNRS Paris 1, ERC DREAM,  (France), En 2019, sur les traces d’un mouvement révolutionnaire des années 1960-1970
Il s’agira dans cette communication de suivre l’actualité de la mémoire d’un mouvement révolutionnaire libanais (le MRSL). Actif dans les années 1960-1970, ce mouvement qui comptait dans ses rangs nombre d’enfants de petits agriculteurs, posait de manière frontale la question de la dignité et de la justice sociale. Fin 2019, un groupe manifestant devant la Banque du Liban se revendiquait de l’héritage d’un des membres emblématiques du MRSL. Comment la mémoire de mouvements révolutionnaires est-elle ravivée en 2019 ? Comment les manifestants ancrent-ils leurs revendications dans le prolongement de celui d’un mouvement révolutionnaire prônant l’action clandestine ?


  • Pierre France, CESSP-CRPS, (France), Mobilisations feutrées, solidarités discrètes, et non-mobilisations : les retraités de la fonction publique libanaise face au social et à la crise. 
Cette communication aborde l’étude socio-historique du « Majlis al Watani li Qudama muazafi ad dawle », organisme créé en 1989 et destiné à défendre les intérêts des fonctionnaires au Liban. Forme d’action collective institutionnalisée, quasiment de type syndicale, elle consiste à faire du lobbying auprès des pouvoirs publics et dans le même temps à proposer des mécanismes de solidarité quotidiens entre les membres. L’enjeu de cette recherche est de montrer premièrement comment se monte puis fonctionne un mécanisme de solidarité professionnelle (plutôt que confessionnelle – ou du moins apparemment), et une mobilisation qui ne vise pas à se rendre visible dans l’espace public. Deuxièmement, dans le contexte de la crise d’octobre 2019 au Liban, ce travail vise à s’interroger sur les formes de mobilisations très courtes (limitées à quelques manifestations, ou à une mobilisation à titre personnel sans emporter avec soi son institution), et surtout la non-mobilisation prudente de ce type de rassemblements.


  • Sarah Madona Kammourieh, EHESS, Iris, (France), « Patriotes » et « ennemis de la nation » face aux mobilisations
À travers l’exemple de la « révolution » de 2019, cette communication visera à examiner le clivage entre « patriote » et « ennemi de la nation » qui scinde le Liban. La « révolution » a mis en exergue les différentes stratégies discursives sur l’identité nationale des différents partis politiques ainsi que leurs allégeances respectives à des puissances étrangères. En effet, au Liban, le poids des mémoires communautaires fait obstacle à l’émergence d’un récit national. Les différents acteurs politiques instrumentalisent ainsi les notions de « patriote » et d’« ennemi de la nation » afin de faire perdurer les fractures identitaires empêchant alors la mise en place d’un « nous » national. Afin d’étayer ce propos, une focalisation sur les villages frontaliers du Sud Liban permettra d’examiner la manière dont le clivage « patriote » / « ennemi de la nation » s’y installe et se négocie notamment par le biais de mobilisations passées. 


  • Isabelle Rivoal, CNRS, (France), La "politique des femmes"... une mobilisation invisible? 
Il s'agira dans cette communication de considérer une dimension transversale et peu visible des mobilisations récentes : l'investissement des femmes - des mères - dans les espaces villageois et régionaux. Comment ces femmes qui ont mariés leurs enfants et sont souvent veuves ou vivent seules articulent-elles leur existence quotidienne à la réalité des mobilisations politiques en cours. S’impliquent-elles dans le jeu politique et de quelle manière s’y mobilise-t-elles ? La « politique des femmes » est-elle principalement balisée par l’investissement dans les mouvements religieux comme l’a récemment documenté l’anthropologie ou sourd-elle d’autres pratiques, et quelles pratiques ?


  • Leila Seurat, Sciences Po Paris, (France), Entre opposition et adhésion à la thawra : trajectoires, circulations et appartenances des jeunes du quartier de Khandaq al Ghamiq
Cette communication porte sur la répression des manifestations qui se déroulent dans le centre-ville de Beyrouth depuis le 17 octobre 2019 et qui engage, aux côtés de la police, la participation de forces « privées ». Parallèlement à la violence déployée par la police du parlement qui demeure sous les ordres de Nabih Berri, président de la chambre et chef de la milice Amal, de jeunes vigilants chiites du quartier de Khandaq al Ghamik font régulièrement irruption dans le centre-ville pour frapper les manifestants et détruire leurs tentes et autres symboles de la révolution. Pour dénoncer ce qu’ils perçoivent comme une collusion de l’État avec les « voyous » de Berri, l’expression usuelle utilisée par les manifestants est « baltajiyya al sulta » (les mercenaires du pouvoir). En s’intéressant à ces profils-limites que sont les baltaji du quartier de Khandaq, cette communication insiste sur la complexité de leurs motivations, de leurs identifications ainsi que leur va-et-vient entre opposition et adhésion à la révolution en fonction de dynamiques conjoncturelles de mobilisation. 


  • Simone Spera, Université Paris Nanterre – UPL, (France), L’alphabétisation en milieu populaire : genèse et mutations d’une mobilisation aux visées plurielles
Vers la fin des années 1960, des initiatives d’alphabétisation dans les usines et les quartiers populaires de Beyrouth rassemblent des éducateurs aux profils assez hétérogènes : des étudiants de l’Université Libanaise, des assistantes sociales, des membres des organisations de la jeunesse chrétienne, des religieuses, des prêtres du Prado, des militants de l’Organisation de l’Action Communiste au Liban… Puisant dans le courant de la « pédagogie des opprimés » freirienne qui s’affirmait comme référence mondiale à l’époque, ces programmes deviennent un espace de politisation autour de la cause palestinienne et des mouvements ouvriers, pour ensuite s’institutionnaliser, au cours de la guerre civile, dans des organisations qui vont perdre, selon le regard rétrospectif des acteurs, leur « souffle militant ». Il s’agira ici non seulement de reconstruire les mutations de ces programmes d’alphabétisation, mais aussi d’analyser la pluralité des significations de l’action et des rapports au politique qui s’y jouent depuis leurs débuts. La même pluralité se retrouve encore dans un nouveau projet d’alphabétisation de durée éphémère monté pendant le mouvement de contestation d’octobre 2019.


Social movements in Lebanon : from Mandate to hirak

If the history of communal tensions and conflicts in the social history of Lebanon is well documented, there is paradoxically no equivalent to a “history of social movements”, despite their prevalence since the creation of the Lebanese State. The political mobilizations that have stemmed during autumn 2019 have indeed highlighted the absence of a comprehensive approach to social movements in Lebanon. It has drawn attention to the necessity of rethinking the object of "mobilization" from a historical and sociological point of view. It appeared that these movements went beyond the Beiruti and / or Lebanese urban space alone; these movements encompass and question several borders (between political, union, community, gender mobilizations; between collective or more atomized approaches) while raising the question of an analysis of the dynamics of maintaining order in a “democracy” in the Middle East. 

The workshop intends to tackle the study of mobilizations from original fields, addressing long-term dynamics and questioning this global trajectory: for example, on rural and workers mobilizations in South Lebanon, the history of the maintenance of order in Lebanon, the mobilizations of women or the mobilizations of ordinary civil servants. We invite discussions that attempt to historicize social mobilizations by questioning the supposed “ruptures” of the Mandate (1919-1946) and of the civil war (1975-1990).

Responsable(s): Isabelle Rivoal, LESC – CNRS, France

Discutante : Stéphanie Latte Abdallah, SciencePo CERI CNRS)

  • Kinda Chaib, CNRS Paris 1, ERC DREAM,  (France), En 2019, sur les traces d’un mouvement révolutionnaire des années 1960-1970
In the footsteps of a 1960's revolutionary movement

This paper seeks to trace how the afterlives of a Lebanese revolutionary movement (the MRSL) have manifested themselves in the recent history of Lebanon and especially in the demonstrations that occurred in the country in the past years. This political group was active in the 1960s and 1970s and most of its militants came from rural regions, many of them being the children of small farmers. The questions of dignity and social justice were central in the MRSL leaders' discourses and poetry. Many years later, at the end of 2019, a group demonstrating in front of the Bank of Lebanon claimed the heritage of one of the emblematic member of the MRSL. How is the memory of revolutionary movements revived in 2019? How do the demonstrators set their claims in the continuation of a revolutionary movement advocating clandestine action?

  • Pierre France, CESSP-CRPS, (France), Mobilisations feutrées, solidarités discrètes, et non-mobilisations : les retraités de la fonction publique libanaise face au social et à la crise. 
Quiet solidarities and aborted mobilisations: Lebanese civil service retirees facing social and political issues.

This paper deals with the socio-historical study of the "Majlis al Watani li Qudama muazafi ad dawle", an organisation created in 1989 to defend the interests of civil servants in Lebanon. A form of institutionalised collective action, almost trade union-like, it consists of lobbying the public authorities and at the same time proposing daily solidarity mechanisms between its members. The challenge of this research is to show firstly how this double-folded organization appeared and have been working since: a mechanism of professional (rather than confessional - or at least apparently) solidarity between its members, a form of muffled mobilisation that does not aim to be visible in the public space and carries the interests of civil servants through negociations rather than demonstrations. Secondly, in the context of the October 2019 crisis in Lebanon, this work highlights some forms of very short-term mobilisations (limited to a few demonstrations, or mobilisation in a personal capacity without involving the majlis per se), sometimes even to the point of being non-mobilisations of these individuals. This work argues that a study of these non-mobilisations and dynamics of quiet loyalism is long overdue in the study of social movements in Lebanon. 

  • Sarah Madona Kammourieh, EHESS, Iris, (France), « Patriotes » et « ennemis de la nation » face aux mobilisations
Mobilization and the patriot / enemy division in the nation on the Lebanese-Israeli border

Through a case study of the 2019 “revolution”, this presentation aims to examine the dichotomy between the notions of "patriot" and "enemy of the nation" in Lebanon. The "revolution" has led to the emphasis of different discursive strategies on the national identity of political parties as well as their respective allegiances to foreign powers. In fact, in Lebanon the weight of sectarian memory has repeatedly hindered the emergence of a national narrative. Political actors thus instrumentalize the notions of "patriot" and "enemy of the nation" as a tool to perpetuate identity fractures, hence the impeding of the establishment of a national "us". In furtherance of this argument, a particular focus on the border situation in South Lebanon will allow us to examine the process in which the “patriot" / "enemy of the nation” dichotomy is implemented and is negotiated, precisely in light of past mobilizations.

  • Isabelle Rivoal, CNRS, (France), La "politique des femmes"... une mobilisation invisible? 
« Women’s politics »... an invisible mobilization ?

This communication will consider a transversal and hardly visible dimension of recent mobilizations: the investment of women – more particularly mothers - in village and regional spaces. How do women who have married their children and are often widows or live alone articulate their daily existence to the reality of the political mobilizations underway. Do they get involved in the political game and how do they get involved? Is "women's policy" primarily marked out by investment in religious movements, as anthropology has recently documented, or does it spur other practices, and what practices?

  • Leila Seurat, Sciences Po Paris, (France), Entre opposition et adhésion à la thawra : trajectoires, circulations et appartenances des jeunes du quartier de Khandaq al Ghamiq
Between opposition and adherence to the Thawra: Trajectories, circulation and sense of belonging of youth in the neighbourhoods of Khandaq al-Ghamik.

This paper deals with the repression of demonstrations that took place in Downtown Beirut  since 17 October 2019 and which, on the side of the police, mobilized "private" forces. In parallel with the violence deployed by the Lebanese Parliament's police, which has remained under the authority of Nabih Berry, President of the Chamber and leader of the Amal militia, young Shia vigilantes from the Khandaq al-Ghamik neighbourhood have regularly descended on Downtown Beirut to beat up demonstrators and destroy their tents and other symbols of the revolution. In order to denounce what they perceive as the State's collusion with Berry's "louts", the  common expression used by demonstrators is "baltagiyaa al-sulta" (the authority's mercenaries). By focusing on these liminary profiles of the Khandaq neighbourhood's baltagi, this paper highlights the complexity underlying their motivations, their identifications, as well as the back-and-forth movement between opposition and adherence to the revolution, as function of conjectural dynamics of mobilization.

  • Simone Spera, Université Paris Nanterre – UPL, (France), L’alphabétisation en milieu populaire : genèse et mutations d’une mobilisation aux visées plurielles
Literacy courses for the working classes: genealogy and transformations of a multifarious mobilization

Towards the end of the 1960s, literacy initiatives in the factories and working-class neighbourhoods of Beirut brought together educators with fairly diverse profiles: students from the Lebanese University, social workers, members of Christian youth organisations, nuns, Prado priests, militants of the Communist Action Organisation in Lebanon... Drawing on the Freirean method of the "pedagogy of the oppressed", which was emerging as a world reference at the time, these programmes provided a space for political mobilisation around the Palestinian cause and workers’ movements. Later, during the civil war, they became institutionalised and turned into organisations that, according to the retrospective view of most of their actors, lost their "militant inspiration". The aim here is not only to reconstruct the transformations of these literacy programmes, but also to analyse the plurality of meanings and relationships to politics that have been at stake since their beginnings. This same plurality can be found in a new literacy project of ephemeral duration set up during the October 2019 protest movement.

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