AI30 - Gender, Race and the Trans/National Politics of lslamophobia

Ce panel examine les manifestations contemporaines de l’islamophobie et leur interaction avec la politique raciale et genrée. Le panel est composé de trois présentations qui explorent les articulations nationales et transnationales de l’islamophobie dans les sphères politiques, culturelles et juridiques.

« Réseaux transnationaux de solidarité féministe et état carcéral : le cas de Rasmea Odeh et Dareen Tatour »
 Cet article se concentre sur les cas de l’activiste palestinienne américaine Rasmea Odeh (qui a été poursuivie et expulsée en Jordanie en 2017 par le gouvernement américain pour avoir prétendument menti dans ses documents de naturalisation américains au sujet de son incarcération passée par Israël), et de la poétesse palestinienne Dareen Tatour (qui était arrêtée et détenue par le gouvernement israélien en 2018 pour des poèmes qu’elle avait publiés en ligne). Dans ma discussion sur les cas d’Odeh et de Tatour, je décris comment la violence d’État anti-arabe et anti-musulmane opère, au-delà des frontières nationales, à travers des circuits mondiaux interconnectés et des mécanismes de surveillance, de détention et d’incarcération. En examinant comment les châtiments carcéraux sont imposés aux corps arabes et musulmans sexués des prisonnières comme Odeh et Tatour, en particulier dans le contexte des luttes de libération des femmes et de l’activisme politique, j’ai mis en avant les critiques féministes formatrices des configurations du « terrorisme » des états carcéro-coloniaux. Je soutiens que les méthodes de « contre-terrorisme » genrées et racialisées imposées par l’État sont importantes dans un cadre relationnel qui relie directement des sites géopolitiques apparemment discrets et séparés de contrôle et de réglementation de l’État à un investissement commun dans les structures carcérales mondiales. En mettant au premier plan ces liens entre différents sites d’incarcération et de détention d’État, ma discussion met en évidence le rôle interventionnel important des solidarités et coalitions féministes transnationales dans les mobilisations mondiales de soutien et de plaidoyer dans le contexte de l’emprisonnement, de la détention et de la déportation politiques. De telles solidarités et coalitions produisent des projets féministes interconnectés et des archives de dissidence qui reconfigurent le (dé)placement et l’emprisonnement des Arabes et des Musulmans sexués à travers les clivages géographiques tout en développant des critiques de l’État carcéral impérial dans le contexte de multiples sites de lutte interconnectés. 

« Resignifier la famille : islam, genre et politique du divorce »
 Ces dernières années, les médias arabes ont rapporté des augmentations record des taux de divorce chez les femmes dans divers États-nations arabes. En Jordanie et en Palestine, les tribunaux de la chari‘a ont enregistré en moyenne 60 divorces par jour, un taux qui suggère que 20% de tous les mariages se terminent par un divorce. À la suite des changements juridiques survenus à la suite des révolutions arabes, les femmes jordaniennes peuvent demander le divorce de leur mari devant les tribunaux, un droit auparavant réservé aux hommes. Connu sous le nom de pratique du khulu’, ce mécanisme juridique n’accorde pas aux femmes le droit automatique de divorcer des hommes (Singerman 2005 ; Sonneveld 2010). Au contraire, cela leur donne la possibilité d'entamer des négociations juridiques complexes avec les hommes qu’ils cherchent à divorcer, l’État et ses représentants religieux agissant en tant qu'arbitres et décideurs majeurs dans ce processus. En plus d’étudier l’impact des changements juridiques sur la compréhension sociale de l’institution du mariage et la politique du divorce et la relation des femmes à l’État, cet article examine les systèmes juridiques et religieux complexes que les femmes qui demandent le divorce doivent négocier, révélant comment le système récemment modifié imbrique les femmes (et les hommes) dans un ensemble nouveau et complexe de lois et de réglementations qui régissent leur vie et leur corps. Mon objectif en explorant les discours et les pratiques nationales entourant ces questions découle d’un désir de comprendre si le pouvoir de la famille nucléaire et hétérosexuelle arabe et musulmane en tant qu'unité sociale centrale a diminué, (diminué) ou s'est transformé au cours de la dernière décennie et si des changements juridiques dans les contrats de mariage et de divorce ont conduit à l’émergence de nouveaux modèles de parenté qui transgressent la biologie, l’hétéro-normativité et la parenté patrilinéaire et donc potentiellement subvertissent l’État-nation et ses politiques et dynamiques sexuées patriarcales. En se concentrant sur le divorce dans les sociétés musulmanes, cet article nous invite à repenser et à remettre en question les idées préconçues sur le genre, la nation et la vie des femmes musulmanes, idées souvent façonnées par des hypothèses sur l’Islam en tant que religion et les histoires et structures mondiales plus larges de l'islamophobie et de la lutte contre le préjugé anti-musulman. 

 

« La visualité transnationale/nationale de l’islamophobie : une étude des films de la guerre mondiale contre le terrorisme »
 Cette présentation examine la visualité de l’islamophobie dans les films de la guerre contre le terrorisme. Le pouvoir de l’imagerie visuelle a été souligné à plusieurs reprises dans la guerre mondiale, de la diffusion en direct des attentats du 11 septembre et de la couverture en première page de l’invasion de l’Afghanistan au bombardement de Bagdad aux heures de grande écoute. 

Alors que la circulation transnationale de ces images en vint à dominer les champs politique et culturel, elles devinrent rapidement des éléments indispensables de la guerre mondiale. Mon article interroge les politiques raciales, de genre et sexuelles de la visualité de l’islamophobie dans deux films canadiens primés qui dépeignent des conflits violents au Moyen-Orient. Le premier, Incendies (2010), montre l’impact durable de la guerre civile libanaise sur une famille immigrée canadienne-française tandis que le second, Inch’Allah (2013), suit les défis auxquels fait face une jeune médecin canadienne alors qu’elle travaille dans une clinique en Cisjordanie. La première partie de mon exposé traite des stratégies de représentation de ces films, qui, selon moi, sont façonnés par les discours du terrorisme ainsi que par le multiculturalisme canadien. Je montre ensuite comment la représentation cinématographique de la violence rompt le lien entre le politique et le culturel, l’historique et le contemporain, l’individuel et le social. Délimitant la politique de genre/sexuelle de ces représentations, je soutiens qu'elles s’appuient sur des tropes islamophobes qui disciplinent le sujet spectateur dans le discours de la terreur. Enfin, je montre comment ces films associent la terreur à la sexualité, le désir à l’innocence, et la mort au corps musulman, masculin comme féminin. Ce faisant, ces stratégies de représentation construisent un type distinct de sujet héroïque genré - la féministe blanche transnationalement mobile qui devient codée comme innocente, mais vulnérable aux horreurs émanant du musulman diabolique. L’engagement direct de ce sujet avec la violence devient inséparable de sa construction héroïque.