Responsable: >
Conférences : L’avenir des humanités arabes classiques
Date : 2022-09-23 | 08:45:00-10:45:00
Évènement :
Cycle "Les sciences humaines et sociales au Maghreb et ailleurs : bilans et perspectives”
Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie : | ||
---|---|---|
C | ||
Lieu : | ||
AMPHITHÉÂTRE CARTHAGE AL-HADATHA | ||
Salle : | ||
Amphithéâtre Carthage al-Hadatha |
Responsable : | |
---|---|
Modérateur·trice : Éric Vallet | |
Discutant·e : | |
Les intervenant·e·s : | |
Bray Julia | Université d'Oxford |
Kacem Abdelaziz | La Manouba |
Conférences : L’avenir des humanités arabes classiques Modérateur : Éric Vallet, Université de Strasbourg, GIS MOMM, France
|
- Julia Bray, University of Oxford, Perspectives sur l’étude et l’enseignement de la littérature arabe pré-moderne dans les universités britanniques et françaises.
Formée aux études arabes à Oxford dans les années 1970, j’ai par la suite enseigné la littérature arabe classique dans plusieurs universités britanniques (Manchester, Edimbourg, St Andrews, Oxford) ainsi qu’en France de 2009 à 2012 (Paris 8, Paris 4), tout en ayant des liens étroits avec des collègues états-unisiens. Quels progrès, quelles rechutes dans les approches et méthodes des universités anglophones et francophones pendant cette période? Comment ont évolué nos publics étudiants? Comment envisageons-nous l’avenir de notre discipline?
- Abdelaziz Kacem, Université de la Manouba, Que peuvent encore les Humanités ?
Pour un intellectuel du tiers-monde, l’homme des deux rives que j’ai toujours voulu être, oser poser la question, c’est déjà y répondre.
L’ancien monde n’arrête pas d’agoniser, le nouveau monde peine à naître. La crise sanitaire vient aggraver une crise économique et socioculturelle, planétaire, elle aussi. Nous l’avons vue venir depuis les guerres d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie, de Libye. Depuis l’aboiement de l’OTAN aux portes de la Russie, pour reprendre une expression du pape François, depuis la guerre d’Ukraine, nous savons qu’un conflit atomique dévastateur est possible… Qu’en pensent les penseurs ? L’alignement de tant de journalistes et d’écrivains sur les va-t-en-guerre est proprement scandaleux.
Finis les temps où nous nous sommes engagés à fond dans ce que l’on avait appelé le dialogue des civilisations. Nous avons fait appel à ce qu’il y avait de positif dans l’histoire commune, les lettres et les sciences sociales. Le monde n’est plus ce qu’il était. La littérature s’en ressent, qui tente de se trouver une place toujours plus étriquée dans un macrocosme de plus en plus civilisé et de moins en moins cultivé. L’activité éditoriale s’amplifie mais le tirage décroit. Le lectorat, abimé par des médias médiocrates se crétinise. Des questions maintes fois posées et débattues, telles que pourquoi, pour qui, sur quoi écrire ? se posent à nouveau avec une cruciale urgence. La littérature dans tous ses états se doit de reconsidérer sa présence au monde.
Nous dûmes nous rendre à l’évidence : il y a une invincible détérioration des relations humaines due à une baisse du QI dument constatée. Mais où sont passées les promesses de nos intelligences du siècle passé ? Il n’y a plus, nulle part dans le monde, d’idées neuves, il n’y a plus de maîtres à penser…
Nous autres, lettrés arabes de jadis et de naguère, avons suivi avec un intérêt particulier, l’évolution de la pensée occidentale, nous nous en sommes imprégnés… Puis, déçus, traumatisés, nous avons sombré dans une quête stérilisante d’une identité inactuelle.
Nous avons pourtant, de par les deux rives de la Méditerranée, travaillé ensemble sur des projets culturels communs. Un exemple nous vient à l’esprit. Tout au long du XXe siècle, au sein des universités européennes, entre orientalistes et romanistes, la question des origines de la lyrique romane et la thèse de l’influence de la poésie arabo-andalouse avaient suscité des débats académiques souvent passionnants, parfois passionnés. Guidés par nos maîtres en Sorbonne, nous avons suivi à la trace cette influence arabe dans la poésie française depuis le premier jusqu’au dernier des troubadours, de Guillaume IX à Louis Aragon, lui-même auteur de Zajals dans la pure tradition andalouse, en passant par le jeune Hugo, également auteur de nombreuse strophes zajalesques. Pour l’auteur des Orientales et de la Légende des siècles comme pour celui du Fou d’Elsa, c’est par l’Espagne qu’il a fallu entrer en arabité.
Nous avons repris et complété le thème de l’inter-culturalité. Avec en prime, l’amour courtois qui, charrié de Médine à Cordoue, via Bagdad, vint enflammer la passion méridionale. Tout le douzième siècle européen en fut littéralement submergé. Puis ce fut la transmission d’Aristote, l’averroïsme, l’algèbre, la médecine et autres alchimies.
Longtemps, nous avons cherché dans la littérature comparée la moindre trace de parenté entre les cultures d’Orient et d’Occident. Nous avions attribué à cette littérature une fonction «politique » qui n’était pas forcément la sienne. Lui avions-nous demandé plus qu’elle n’en pouvait fournir ?
Mais les routes de la pensée sont longues et peu sûres. Lors même que vous croyez avoir trouvé un lien, une trace, un repère, surgissent les médiocrates, les arsouilles des idéologies en panne, qui vous dépouillent de vos rêves de communion passé et à venir. Derrière chaque grande gueule qui vous insulte, il y a tant de plumitifs qui ne savent que raturer les pages calligraphiées par l’histoire. Naguère cantonnés dans les bas-fonds de la littérature, ces voyous de l’intellect commencent à infecter l’Université où commence à émerger «l’islamophobie savante ».
Nous nous en tenons encore à la nostalgique sagesse de notre regretté maître Jacques Berque, qui termine sa leçon de clôture au Collège de France par une ardente adjuration : « J’appelle à des champs de signification qui ne soient pas si brutalement décentrés, mais coïncident avec nos paysages héréditaires. J’appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l’inlassable espérance. »
Pour avoir longtemps travaillé sur le patrimoine arabe, André Miquel, professeur et administrateur honoraire du Collège de France, le sait, qui lançait naguère une idée lumineuse, la création, en Sorbonne, d’une chaire de littérature comparée consacrée à l’interaction, aux apports croisés, aux influences réciproques qu’a connus l’aire culturelle gréco-latino-arabe…
Nous reste-t-il encore des ressorts pour un nouvel essor ?
- Julia Bray, University of Oxford, Perspectives sur l’étude et l’enseignement de la littérature arabe pré-moderne dans les universités britanniques et françaises.
نظرات في دراسة الأدب العربـي قبل الحديث وتدريسـه في الجـامعـات
الفرنسية والبريطانية
كان تكويني في الدراسات العربية بجامعة أوكسفورد في السنوات السبعين، وعلى إثر ذلك اضطلعت بتدريس الادب العربي الكلاسيكي بعدة جامعات بريطانية (مانشستير، ايدنبورغ، سانت أندريوس، أكسفورد) كما درّست بفرنسا من سنة 2009 إلى 2012 (باريس 8 وباريس 4)، وكانت لي صلة وثيقة بزملاء في الولايات المتحدة الأمريكية. ما تطوّر المقاربات والمناهج في الجامعات الناطقة بالانكليزية والفرنسية أثناء تلك المرحلة؟ وما الانتكاسات التي شهدتها؟ كيف تطوّر جمهور الطلبة؟ كيف نتصوّر مستقبل اختصاصنا؟
- Abdelaziz Kacem, Université de la Manouba, Que peuvent encore les Humanités ?
ماذا بوسع الإنسانيات أن تضيف؟
بالنسبة إلى مثقف من العالم الثالث، رجل الضفتين الذي كنت دائما أريد أن أكون، مجرد التجرؤ على طرح السؤال هو في ذاته جواب.
العالم القديم لا ينفك يحتضر والعالم الجديد أرهقه عسر المخاض والأزمة الصحية تضاعف من مفعول الأزمة الاقتصادية والاجتماعية الثقافية الكونية هي الأخرى. هذه الأزمة كنا نرى إرهاصاتها منذ نشوب حروب أفغانستان والعراق وسوريا وليبيا.
منذ أن بدأ الحلف الأطلسي ينبح على عتبات روسيا، بحسب عبارة البابا فرنسيس، منذ اندلاع الحرب الأكرانية، صرنا نعرف أن نزاعا نوويا موذنا بخراب المعمورة بات ممكن النشوب. ما رأي المفكرين؟
إن اصطفاف هذا الكم من الصحفيين والكتاب وراء قارعي طبول الحرب أمر في منتهى الخزي.
لقد انتهت العهود التي انخرطنا فيها صلب ما كان سُمِّي بحوار الحضارات والتي عمدنا فيها إلى استحضار ما في تاريخنا المشترك وما في الآداب والعلوم الاجتماعية، من إيجابيات.
لقد اختفى العالم الذي ألفناه. وانعكس ذلك على الأدب الذي يحاول أن يجد لنفسه مجالا يزداد ضيقا داخل كون تتنامى فيه الحضارة التقنية و تتضاءل فيه الثقافة. حركة النشر تتطور ولكن نسخ السحب تتناقص. وجمهور القراء أفسدته سلطة وسائط التفاهة. هناك أسئلة طُرحتْ ونوقشت مرارا من قبيل : لماذا، لمن، فيم نكتب؟ وها هي تطرح من جديد بإلحاح حاسم. إن الأدب في كل أحواله يتعين عليه أن يعيد النظر في المكانة التي يحتلها من الوجود.
كان علينا أن نعترف بواقع الحال: لقد طرأ تدهور قاهر على العلاقات البشرية بسبب تدنٍّ ملحوظ في معدل الذكاء. أين ضاعت الوعود التي قطعها النبوغ في القرن الماضي. لم يعد في كل أصقاع العالم من أفكار جديدة، لقد ولّى زمن قادة الفكر.
نحن المثقفين العرب، قديما وبالأمس القريب، تابعنا باهتمام كبير تطور الفكر الغربي وبه انطبعنا. ثم خاب أملنا، صُدِمْنا فانغمسنا في بحث عقيم عن هوية فات أوانها.
ومع ذلك، في ما بين ضفتي البحر المتوسط، اشتغلنا معا على مشاريع ثقافية مشتركة. ويحضرنا على ذلك مثال. طوال القرن العشرين، في صلب الجامعات الأوروبية كبار المستشرقين مع المتخصصين في آداب اللغات المنحدرة من اللاتينية في العصر الوسيط خاضوا في مسألة جذور الغنائية الرومانية وأطروحة تأثرها بالشعر العربي الأندلسي، الأمر الذي أثار جدلا أكاديميا كثيرا ما حظي بالاهتمام وحرك العواطف أحيانا. وتحت إشراف أساتذتنا بالسربون تتبعنا آثار هذا التأثير العربي في الشعر الفرنسي بدءا ما أول شعراء التروبادور، غليوم التاسع إلى آخرهم لويس أرغون وهو صاحب أزجال من الطراز الأندلسي، مرورا بهوغو الذي ألف في شبابه مقاطع زجلية. وبالنسبة إلى صاحب ديوان "الشرقيات" و"أسطورة القرون" كما هو الشأن بالنسبة إلى مؤلف "مجنون إلزا" فإن الدخول في المجال العربي كان عبر البوابة الإسبانية.
لقد استلمنا موضوع المثاقفة وأتممناه. وفوق الكل، الحب العذري الذي انجرف من المدينة إلى قرطبة عبر بغداد فألهب المشاعر جنوبي فرنسا واجتاح القرن الثاني عشر للميلاد بكامله. ثم تم نقل الفكر الأرسطي والرشدية والجبر والطب وغيرها من ضروب الكيمياء.
لقد بحثنا طويلا عبر الأدب المقارن عن أي أثر قرابة بين ثقافات الشرق والغرب وحملنا هذا الأدب وظيفة " سياسية" ليست بالضرورة من مهامه فهل طلبنا منه فوق ما كان بوسعه ؟
لكن طرقات الفكر طويلة وغير آمنة. ففي الوقت الذي يذهب بك الظن إلى أنك عثرت على رابط أو أثر أو علامة ينبري الماسكون بسلطان التفاهة، أوغاد الإيديولوجيات العاطلة فيسلبونك أحلام الاتصال ماضيا وحاضرا. وراء كل سليط لسان يشتمك يكمن كثير من الكويتبين الذين لا يحسنون سوى شطب الصفحات التي خطها التاريخ بأناقة. بالأمس القريب كان هؤلاء يقبعون في أسفل بؤر الكتابة إلا أن أوباش الفكر بدأوا يفسدون الجامعة حيث تطفو اليوم ما يسمى ب"الإسلامفوبيا العالمة"
ونتمسك بحكمة الحنين التي أنهى بها أستاذنا المأسوف عليه جاك بارك درس الختام في معهد الكوليج دي فرانس في مناشدة حارة : "أدعو إلى حقول دلالية لا تُزاح بفظاظة عن المركز بل تتطابق مع مشاهدنا الوراثية. أدعو إلى أندلسات متجددة نحمل بداخلنا، وفي الآن نفسه، أنقاضها المتراكمة ورجاءها الذي لا يعرف الكلل".
هذا ما يدركه أندري ميكال الأستاذ والمدير الشرفي للكوليج دي فرانس وقد سبق أن اشتغل طويلا على التراث العربي فأطلق وما بالعهد من قدم فكرة مشرقة تتمثل في استحداث كرسيّ للأدب المقارن بجامعة السربون يخصص للتفاعل وللإسهامات المتقاطعة وللتأثير والتأثر التي عرفها المجال الثقافي الإغريقي اللاتيني العربي...
فهل بقي لدينا من الحوافز ما يدفع إلى انطلاقة جديدة؟
- Julia Bray, University of Oxford, Perspectives on the study and teaching of pre-modern Arabic literature in British and French universities
Trained in Arabic studies at Oxford in the 1970s, I subsequently taught classical Arabic literature at several British universities (Manchester, Edinburgh, St Andrews, Oxford) as well as in France from 2009 to 2012 (Paris 8, Paris 4), while maintaining close links with American colleagues. What progress or setbacks in approaches and methods have occurred in English and French universities during this period? How have our student audiences evolved? How do we see the future of our discipline?
- Abdelaziz Kacem, Université de la Manouba, Que peuvent encore les Humanités ?
What can the humanities still do?
For an intellectual of the Third World, the man on both shores that I have always wanted to be, dare to ask the question is already answering it.
The old world does not stop dying; the new world struggles to be born. The health crisis is aggravating an economic and socio-cultural crisis, which is also global. We have seen it coming since the wars in Afghanistan, Iraq, Syria and Libya.
Since the ‘barking’ of NATO at the gates of Russia, to use an expression of Pope Francis, since the war in Ukraine, we know that a devastating atomic conflict is possible... What do thinkers think?
The alignment of so many journalists and writers with go-to-war is truly scandalous.
The times when we were fully engaged in what was called the dialogue of civilizations are over. We appealed to the positive in common history, literature and the social sciences.
Today the world is not as it used to be. Literature, which suffers from this situation, tries to find an increasingly narrower place in an increasingly civilized and less cultivated macrocosm. Editorial activity is growing but circulation is declining. The readership, damaged by mediocrat media, is becoming cretinized. Frequently asked and debated questions, such as why, for whom, what to write about? arise again with a crucial urgency. Literature in all its states must reconsider its presence in the world.
We had to face up to the fact that there is an invincible deterioration in human relations due to an evident drop in the IQ. But where have the promises of our intelligences of the past century gone? There are no more new ideas anywhere in the world, there are no more masters to think about...
We, the Arab literates of yesteryear and olden days, have followed with particular interest the evolution of Western thought; we have immersed ourselves in it... Then, disappointed, traumatized, we sank into a sterilizing quest for an un-actual identity.
However, from both sides of the Mediterranean, we have worked together on common cultural projects. An example comes to mind. Throughout the twentieth century, in European universities, between orientalists and romanists, the question of the origins of Romanesque lyricism and the thesis of the influence of Arabic-Andalusian poetry had given rise to often fascinating, sometimes passionate, academic debates. Guided by our masters in the Sorbonne, we have traced this Arab influence in French poetry from the first to the last of the troubadours, from William IX to Louis Aragon, himself author of Zajals in the pure Andalusian tradition, to the young Hugo, also author of numerous Zajal stanzas. For the author of the Orientals and the Legend of the Centuries as for the author of the Madman of Elsa, entering Arabicness had to be through Spain.
We have taken up and completed the theme of interculturality. With, as a bonus, the courteous love that, carried from Medina to Córdoba, via Baghdad, came to inflame the southern passion. The whole of the twelfth century in Europe was literally overwhelmed. Then it was the transmission of Aristotle, averroism, algebra, medicine and other alchemy.
For a long time, we searched the comparative literature for the slightest trace of kinship between the cultures of the East and the West. We had attributed to this literature a "political" function that was not necessarily its own. Have we asked for more than it could actually provide?
However, the roads of thought are long and unsafe. Even when you think you have found a link, a trace, a landmark, the mediocrats, the arsouilles of broken ideologies, who rob you of your dreams of past and future communion, appear. Behind every loud voice that insults you, there are so many plumitives who only know how to misread the calligraphies on the pages of history. Once confined to the depths of literature, these intellectual thugs began to infect the University, where "scholarly Islamophobia" began to emerge.
We are still sticking to the nostalgic wisdom of our late master Jacques Berque, who ends his closing lesson at the Collège de France with an ardent admonition: "I call for fields of significance that are not so brutally decentered, but coincide with our hereditary landscapes. I call on the Andalusians, who are constantly being redone, whose accumulated rubble and untiring hope we carry within us. »
Having worked for a long time on the Arab heritage, André Miquel, professor and honorary administrator of the Collège de France, reckons it. He once launched a luminous idea, the creation, in the Sorbonne, of a chair of comparative literature devoted to the interaction, the intersecting contributions, and the reciprocal influences that the Greco-Latin-Arab cultural space has experienced... Do we still have springs for a new rise?