Responsable: >Aymon Kreil & Giedrė Šabasevičiūtė

AG28 - L’en deçà de l’art : figures de créateurs et productions de la culture en Egypte contemporaine

Date : 2022-09-22 | 11:00:00-13:00:00

Évènement : Rencontre “Arts, culture et cinéma”

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A.G
Lieu :
CITÉ DE LA CULTURE
Salle :
Cinémathèque - Salle Soufia El Goulli
Responsable : Aymon Kreil & Giedrė Šabasevičiūtė
Modérateur·trice :
Discutant·e : Richard Jacquemond
Les intervenant·e·s :
El Kachab Chihab Université de Cambridge
Ghodbane Dalila Université libre de Bruxelles
Kreil Aymon Ghent University
Giedre Sabaseviciute Institut Oriental/Czech Academy of sciences

AG28 - L’en deçà de l’art : figures de créateurs et productions de la culture en Egypte contemporaine FR

Salle: Cinémathèque - Salle Soufia El Goulli

Responsables : Aymon Kreil, Université de Gand, Département des Langues et Cultures, Belgique et Giedrė Šabasevičiūtė, Académie tchèque des Sciences, Institut oriental, République tchèque 
Discutant : Richard Jacquemond, Université d’Aix-Marseille

  • Chihab El Kachab, Université de Cambridge, Department of Middle Eastern Studies, (Royaume Uni) Des artistes vulgaires ? Processus de production et réification des œuvres dans le secteur culturel égyptien
  • Dalila Ghodbane, Université de la Suisse italienne, Académie d’Architecture, (Suisse), Architectes sans architecture : construire au Caire aujourd’hui
  • Aymon Kreil, Université de Gand, Département des Langues et Cultures, (Suisse), Les règles de l’écriture : calligraphie, autorité et apprentissage des formes en Égypte contemporaine
  • Giedrė Šabasevičiūtė, Académie tchèque des Sciences, Institut oriental, (République tchèque), L’État se retire : les nouvelles réalités de la scène culturelle égyptienne

AG28 - L’en-deçà de l’art : figures de créateurs et productions de la culture en Egypte contemporaine FR

La figure de l’artiste comme créateur est profondément ancrée dans les imaginaires. On peut retrouver cette approche en Égypte, dans les domaines de la littérature, du cinéma, de l’architecture ou des arts plastiques. L’évocation récurrente de figures tutélaires comme Taha Hussein, Shadi Abdel Salam, Hassan Fathy ou encore Sayyid Ibrahim contribuent à l’institutionnalisation de cet idéal. Toutefois, les contraintes qui s’exercent sur la production artistique aboutissent à une situation où une majorité d’artistes pratiquent leur métier selon des standards qu’ils qualifient eux-mêmes de dégradés. Ce panel s’attache à l’étude d’artistes dont le travail s’inscrit dans des secteurs dévalués de la production culturelle : écrivains participant à de petits clubs littéraires, producteurs de comédies et de films d’action destinés au divertissement des classes populaires, architectes cherchant à s’adapter aux attentes de leur clientèle des cités nouvelles du Caire et calligraphes cherchant à apprendre leur art par des vidéos en ligne. Il s’agira de comprendre comment ceux-ci façonnent leur rapport aux canons esthétiques établis, aux figures d’autorité instituées dans leur domaine et à leur propre pratique dans un environnement peu valorisé mais dont procède la plus grande part de la production culturelle dans l’Égypte d’aujourd’hui. 

Responsables : Aymon Kreil, Université de Gand, Département des Langues et Cultures, Belgique et Giedrė Šabasevičiūtė, Académie tchèque des Sciences, Institut oriental, République tchèque 
Discutant : Richard Jacquemond, Université d’Aix-Marseille


  • Chihab El Kachab, Université de Cambridge, Department of Middle Eastern Studies, (Royaume Uni) Des artistes vulgaires ? Processus de production et réification des œuvres dans le secteur culturel égyptien
Les chercheur·ses s’intéressant à la culture shaʿbī égyptienne ont longuement analysé le discours décrivant la culture « vulgaire » comme un symptôme de décadence générale. Ce discours, émergeant parmi les intellectuels affiliés aux institutions culturelles étatiques sous Sadate, dénonce les conditions intellectuelles et morales dégradées de la production artistique. Il s’est aujourd’hui répandu au sein du secteur culturel entier, où il se manifeste sous forme d’une volonté de distinction entre artistes « sérieux », destiné·es à une reconnaissance officielle à l’échelle nationale et internationale, et artistes « vulgaires », destiné·es à attirer un public shaʿbī largement dénigré. À partir d’un terrain entamé en 2013, d’abord dans l’industrie du cinéma, puis au ministère de la Culture, cette communication montre les limites pratiques de ce discours. Qu’il soit jugé « sérieux » ou « vulgaire », le processus de production des œuvres est systématiquement occulté et objectivé de façon à en attribuer la valeur matérielle et esthétique exclusivement aux artistes, sans égard pour la contribution des ouvriers et techniciens à celle-ci. Cette réification des œuvres aux dépens de l’analyse de leur mode de production mène à un jugement anhistorique sur la dégradation de leur qualité, sans s’intéresser à la manière dont une telle dégradation se réfracte dans les conditions concrètes de la production artistique.


  • Dalila Ghodbane, Université de la Suisse italienne, Académie d’Architecture, (Suisse), Architectes sans architecture : construire au Caire aujourd’hui
Le contraste entre l’architecture qui peuple la littérature spécialisée et les bâtiments qui se construisent au Caire aujourd’hui est marquant. Cette distinction, peu surprenante, n’est pas propre à l’Égypte. Toutefois, l’omniprésence dans le discours des modèles du patrimoine architectural célébré dans les livres et les musées évince la question des pratiques architecturales contemporaines. Celles-ci sont généralement esquivées, sinon passées sous silence par les architectes avec lesquels je me suis entretenu au cours de mon travail de terrain au Caire entre 2017 et 2019. Dès lors, quelle pertinence les références aux figures du patrimoine architectural comme Hassan Fathy revêtent-elles du point de vue des architectes égyptiens aujourd’hui ? Cette contribution vise à explorer le découplage que mes interlocuteurs opèrent entre les modèles et la pratique. Ce qui est célébré comme une architecture juste, c’est-à-dire, conjuguant la prouesse technique, le confort climatique, le respect des contraintes économiques, et la beauté, entre autres critères, n’est pas ignoré par les architectes qui construisent des usines, bureaux et villas dans les périphéries du Caire. Seulement, les enseignements tirés de cet héritage entrent en conflit avec d’autres préoccupations, telles les priorités de leurs clients, la concurrence avec les entrepreneurs ou encore les pressions financières. Cette dissociation dans le discours entre la pratique et ce qu’elle devrait être aboutit à ignorer les enjeux esthétiques des modes de construction d’aujourd’hui. 


  • Aymon Kreil, Université de Gand, Département des Langues et Cultures, (Belgique), Les règles de l’écriture : calligraphie, autorité et apprentissage des formes en Égypte contemporaine
La calligraphie était omniprésente en Égypte jusqu’à la fin du 20e siècle. Néanmoins, des hiérarchies entre calligraphes distinguent déjà alors entre maîtres reconnus et simples ouvriers-lettreurs. C’est autour des premiers que se construit l’historiographie officielle de cet art dans le pays. Les calligraphes veillent par ailleurs souvent à distinguer leur travail de l’approche peu rigoureuse à leurs yeux des artistes à l’écriture. Aujourd’hui, les calligraphes dénoncent l’état de déréliction des écoles de calligraphie égyptiennes, du fait d’un manque chronique de financements. Quant aux ouvriers-lettreurs, la digitalisation a mis à mal leur travail. Toutefois, en parallèle, nombre d’amateurs cherchent à apprendre la calligraphie à travers des vidéos en ligne. Cette contribution est consacrée aux rapports d’autorité qui s’établissent autour de ces modes d’apprentissage concurrents. Elle s’attache en particulier à explorer la façon dont l’éducation du regard et de la main lors de l’apprentissage de la calligraphie fait l’objet d’un rapport de transmission positionnant la figure du maître (ustādh) en son centre même lorsque les praticiens n’ont pas accès à un tel enseignement. Ce lien est au cœur d’un discours d’exceptionnalité de la calligraphie liant indissociablement connaissance des formes et fidélité à une tradition instituée par là même comme modèle. 


  • Giedrė Šabasevičiūtė, Académie tchèque des Sciences, Institut oriental, (République tchèque), L’État se retire : les nouvelles réalités de la scène culturelle égyptienne
À partir des années 1960, le secteur culturel égyptien a été largement encadré par l’État. Ces instances publiaient et accordaient leur reconnaissance aux écrivains, et la renommée littéraire allait de pair avec un statut dans la bureaucratie étatique. À partir des années 2000, et surtout après la Révolution de 2011, ce système change. Avec l’expansion d’Internet, de la diplomatie culturelle étrangère et du marché privé de l’édition, d’autres acteurs sont devenus les vecteurs principaux de consécration littéraire, tels les clubs littéraires, les maisons d’édition et les prix à financement privé. Des discours déplorant la dégradation du goût esthétique, le monopole du marché et le déclin de la « l’art raffiné » (al-adab al-rafīʿ) accompagnent ce changement. Cette intervention étudie la manière dont le déclin du secteur étatique reconfigure les conditions de production littéraire dans l’Égypte contemporaine. Comment cette transition affecte-t-elle les subjectivités littéraires, les stratégies de carrière et les processus de la reconnaissance littéraire ? À partir d’une étude ethnographique menée dans des clubs littéraires du Caire depuis 2016 ainsi que des entretiens avec ses membres — majoritairement formés dans les Palais de la Culture — cette contribution examine les stratégies déployées par les auteurs débutants pour naviguer entre différentes figures d’autorité, canons esthétiques et, plus largement, différentes manières d’envisager la littérature en Égypte aujourd’hui.

The Beneath of Art: Creator Figures and the Ordinary Production of Culture in Contemporary Egypt

The figure of the artist as a creator is deeply entrenched in imaginations. In Egypt, the fields of literature, cinema, architecture and the plastic arts make an ample use of it. The recurring evocation of tutelary figures such as Taha Hussein, Shadi Abdel Salam, Hassan Fathy or Sayyid Ibrahim contribute to institutionalizing this ideal. However, existing constraints on artistic production lead to a situation where a majority of artists practice their profession according to standards they themselves describe as deteriorated. This panel focuses on the study of artists whose work falls within devalued sectors of Egypt’s cultural production: writers participating in small literary clubs, producers of comedies and action films aimed at entertaining the working classes, architects seeking to adapt to the expectations of their clientele in Cairo’s new cities, and calligraphers seeking to learn their art through online videos. The aim will be to understand how they shape their relationship to the established aesthetic canons, to the authority figures established in their field and to their own practice in an environment that is little valued but from which most cultural productions in Egypt today derive. 

Responsables : Aymon Kreil, Université de Gand, Département des Langues et Cultures, Belgique et Giedrė Šabasevičiūtė, Académie tchèque des Sciences, Institut oriental, République tchèque 
Discutant : Richard Jacquemond, Université d’Aix-Marseille


  • Chihab El Kachab, Université de Cambridge, Department of Middle Eastern Studies, (Royaume Uni) Vulgar Artists? The Production and Reification of Artistic Works in the Egyptian Cultural Sector
Scholars with an interest in Egyptian shaʿbī culture have long analyzed the discourse describing ‘vulgar’ culture as the symptom of a more generalized decadence. This discourse, which emerged among intellectuals affiliated to state cultural institutions under Sadat, denounced the decadent conditions under which artistic production took place both intellectually and morally. Today, this discourse is widespread in whole cultural sector, where it manifests itself through a will to distinguish between ‘serious’ artists, who are destined to attract official recognition on a national and international level, and ‘vulgar’ artists, who are destined to attract a largely denigrated shaʿbī audience. Based on fieldwork begun in 2013, initially in the film industry, and later at the Ministry of Culture, this paper shows the practical limits of such a discourse. Whether it is deemed ‘serious’ or ‘vulgar’, the production process of a given artistic work is systematically obscured and objectified. The work’s material and aesthetic value is exclusively attributed to artists, without any regard for the contribution of manual workers and technicians. This reification comes at the expense of analysing how these works are produced, which leads to an ahistorical judgment about the degradation of their quality. This judgment gives little attention to the way in which such a degradation refracts itself through the concrete conditions of artistic production. 


  • Dalila Ghodbane, Université de la Suisse italienne, Académie d’Architecture, (Suisse), Architects without architecture. Building in Cairo today
The contrast between the architecture found in the dedicated literature and that being built in Cairo today is striking. This distinction, although little surprising, is not specific to Egypt. However, the architectural heritage celebrated in books and museums is so present that it leaves no space for the contemporary practices of architecture. These are generally dodged, if not ignored, by the architects with whom I spoke during my fieldwork in Cairo between 2017 and 2019. Therefore, from the point of view of Egyptian architects today, how relevant are the references to architectural heritage figures such as Hassan Fathy, for example? This contribution aims to explore the separation that my interlocutors operate between the architectural models and the practice. What is seen as good architecture, that is, combining technical performance, climate design, affordability and beauty, among other criteria, is not ignored by architects who build factories, offices and villas on the outskirts of Cairo. However, the lessons learned from the local heritage conflict with other concerns, such as the priorities of their clients, competition with contractors and financial pressures. This recurrent dissociation in the discourse between the actual architectural practice and what it should be leads to ignoring the aesthetic stakes of today’s construction methods. 


  • Aymon Kreil, Université de Gand, Département des Langues et Cultures, (Suisse), Writing Rules: Calligraphy, Authority and the Learning of Forms in Contemporary Egypt
Calligraphy was ubiquitous in Egypt until the end of the 20th century. Nevertheless, hierarchies between calligraphers already existed at that time, distinguishing between celebrated masters and simple letter writers. It was around the former that the official historiography of this art in the country was built. Moreover, calligraphers are often careful to distinguish their work from the artists’ less rigorous approach to Arabic writing. Today, calligraphers denounce the state of dereliction of Egyptian calligraphy schools due to a chronic lack of funding. As for the letter writers, the spread of digital tools has undermined their work. At the same time, however, many amateurs are seeking to learn calligraphy through online videos. This contribution is devoted to the relationships of authority that people establish around these competing modes of learning. In particular, it seeks to explore the way in which the education of the gaze and the hand when learning calligraphy is subject to a transmission process that places the figure of the master (ustādh) at its core even when practitioners do not have access to such a teaching. This link is at the heart of a discourse on the exceptionality of calligraphy, inextricably linking the knowledge of forms to the fidelity to a teaching tradition established as a model. 


  • Giedrė Šabasevičiūtė, Académie tchèque des Sciences, Institut oriental, (République tchèque), The State Withdraws: Egypt’s Cultural Scene and its New Realities
Since the 1960s, the Egyptian cultural sector had been largely organized by the State. It was the State that published and recognised writers, while literary fame often went hand in hand with the career in the state bureaucracy. From the mid-2000s onwards, the State-dominated system of cultural production started to collapse. With the expansion of the Internet, foreign cultural diplomacy, and private publishing market, other instances gradually took over the State’s function of literary recognition, such as privately funded literary clubs, publishing houses, and Egyptian or foreign generous prizes. The discourse deploring the degradation of aesthetic taste, the market monopoly, and the decline of what was considered to be the ‘high art’ (al-adab al-rafīʿ) accompanies this shift. This paper discusses the ways the decline of the State in culture reconfigures the conditions of literary production in contemporary Egypt. How does this transition affect literary subjectivities, career strategies, practices of literary recognition and more globally, the understanding of literature? Based on a prolonged ethnographic study conducted in Cairo’s literary clubs since 2016 and the interviews with its members, this contribution explores strategies deployed by the beginning authors to navigate between different figures of authority, aesthetic canons, and, more largely, different ways of being an author in Egypt today.  

>