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A63 - Crise de la représentation politique en Afrique du Nord. Discours et répertoires de légitimation
Date : 2022-09-22 | 16:15:00-18:15:00
Évènement :
Symposium CriseS
Programme détaillé : cliquer ci-contre
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Responsable : Thierry Desrues | |
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Les intervenant·e·s : | |
Desrues Thierry | Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC) |
Gobe Eric | Aix-Marseille Université |
Tilmatine Mohand | Université de Cádiz |
Crises et politique A63 - Crise de la représentation politique en Afrique du Nord. Discours et répertoires de légitimation FR Salle: D18 Responsable: Thierry Desrues, Instituto de Estudios Sociales Avanzados, Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IESA-CSIC), Cordoue, Espagne
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A63 - Crise de la représentation politique en Afrique du Nord. Discours et répertoires de légitimation FR
Depuis la fin des mobilisations de 2011, divers mouvements de mécontentement se sont succédé périodiquement en Afrique du nord. Ils sont symptomatiques d'une crise politique profonde que les « révolutions », « réformes » et autres « ajustements » institutionnels n’ont su résoudre. La Tunisie qui avait opté pour un régime quasi-parlementaire en 2014, est entrée depuis le 25 juillet 2021 dans une crise politique ouverte qui pose la question de la forme de son futur régime politique. Le Maroc qui avait réformé sa constitution en 2011 en présentant le nouveau texte comme un jalon vers la parlementarisation du régime vient de tourner, depuis les élections du 8 septembre 2021, la page de l’islamisme de gouvernement pour revenir aux gouvernements de partis makhzéniens qui minorent la place du Parlement et d’un gouvernement autonome. L'Algérie, qui semblait avoir évité les turbulences de 2011, a connu un mouvement massif de protestation au cours de l’année 2019 (le Hirak), qui n’a été stoppé que par la pandémie du COVID 19, la répression tous azimuts du pouvoir, ainsi qu’une série de mesures institutionnelles telles la tenue d’élections et la réforme de la Constitution prises pour délégitimer le retour des mobilisations. Quant à l’armée et à la vieille garde politicienne malmenée par le clan Bouteflika, elles reprennent le contrôle du pouvoir exécutif. Dans cet atelier, on s’intéressera aux discours de relégitimation des tenants du pouvoir dans les trois régimes politiques en place en tentant de répondre aux questions suivantes : Quels sont les registres discursifs mobilisés pour justifier la domination en action, dénoncer les impasses de la situation actuelle et imposer les solutions préconisées ? Quels sont les ressorts éthiques (les valeurs fondatrices de la société), historiques (les références mémorielles) ou identitaires (eux et nous, amis et ennemis) qui soutiennent les discours ? Quelles sont les modalités de traduction en acte de ces discours et quelle est leur réception et leur capacité performative auprès des « représentés » et des « représentants » selon leurs sensibilités politiques, classes sociales ou références idéologiques et identitaires (laïques, islamistes, amazighes, panarabistes, etc.) ? En d’autres termes, il s’agit de réfléchir sur les discours, les gouvernements et les sorties de la crise de la représentation politique en Afrique du nord. Cet atelier s’inscrit dans le cadre des résultats du projet de recherche "Crise et représentation politique en Afrique du nord. Dispositifs institutionnels et contestation" (CSO2017-84949-C3-2-P) financé par le Ministère espagnol de la Science et de l’Innovation (MCI), l'Agence nationale de la recherche (AEI) et le Fond européen de développement régional (FEDER) (2018-2021) (MINECO/AEI/FEDER, UE).
Responsable: Thierry Desrues, Instituto de Estudios Sociales Avanzados, Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IESA-CSIC), Cordoue, Espagne
- Thierry Desrues, Instituto de Estudios Sociales Avanzados, Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IESA-CSIC), Cordoue, (Espagne), La crise de la représentation politique dans les discours de Mohammed VI : les justifications de la Monarchie exécutive à l’aune du régime parlementaire dualiste.
Dans ce texte, j’analyse ce qu’entend la Monarchie marocaine par « représentation politique » à partir d’un corpus de discours et de décisions du roi, Mohammed VI, qui ponctuent ses vingt premières années de règne (1999-2019). Je pose l’hypothèse selon laquelle la Chambre des représentants et la majorité gouvernementale, qui en est issue, en tant qu’institutions de la représentation politique légitimées par les élections au suffrage universel, confèrent au régime une dimension démocratique que celui-ci revendique. Toutefois, ces institutions sont circonscrites par la Monarchie à une fonction subalterne qui, par conséquent, doit être justifiée publiquement de façon récurrente. Je postule ainsi que les discours sur la représentation politique produits par la Monarchie depuis deux décennies ont une vocation performative. En se fondant sur la diffusion de la notion de « crise » de la représentation démocratique, le récit monarchique vise d’abord, à évacuer la délibération et le conflit intrinsèques à la vie politique démocratique ; ensuite, à légitimer le pouvoir prépondérant du roi dans l’ordonnancement constitutionnel et la pratique de la prise de décision au sein du pouvoir exécutif. Dans ce sens, il contribue à la justification de décisions qui renforcent une hiérarchisation institutionnelle favorable à l’autonomie du pouvoir exécutif de la Monarchie et qui contredisent la présentation de la réforme constitutionnelle de 2011 comme un jalon vers le dualisme du parlementarisme marocain.
- Éric Gobe, CNRS/Université d’Aix-Marseille, IREMAM, Aix-en-Provence, (France), La crise de la représentation politique en Tunisie : le populisme de Kais Saïed comme cristallisation de l’échec du parlementarisme tunisien
La remise en cause du parlementarisme tunisien par la récente proclamation de l’état d’exception par le président de la République le 25 juillet 2020 renvoie à une crise de la représentation. Le décalage entre gouvernants et gouvernés s’est exprimé ces dernières années par le développement de mouvements de protestation symptômes du rejet par de larges pas de la société de la formule politique tunisienne, l’arrivée à la présidence de la République d’un dirigeant « populiste », ainsi que par l’élection d’un parlement fragmenté à l’extrême. Les deux derniers phénomènes sont eux-mêmes l’expression de la cartellisation de scène politique qui après 2014 s’est traduite par le partage des privilèges et des rentes pouvoir entre les leaders du mouvement islamo-conservateur d'Ennahdha et une partie des élites de l'ancien régime. Articulée aux crises sanitaire, économique et sociale, cette configuration politique a débouché sur le « coup de force » du président Saïed qui, en gelant les travaux du parlement, a rencontré une approbation populaire massive, elle-même reflet du rejet massif de l'ordre parlementaire institué par la Constitution de 2014. Reste à savoir si la volonté du président Saïed de « corriger la révolution » – c'est-à-dire d'instaurer un régime politique qui rejette toutes les élites intermédiaires et articule des formes de démocratie directe, couplé à la présence d’un président de la République s'affirmant comme la « bouche du peuple » – est capable d'instaurer une nouvelle forme de gouvernementalité qui résoudrait le hiatus entre les représentants et les représentés.
- Mohand Tilmatine, Université de Cadix, Cadix, (Espagne), Crise de représentation et discours de légitimation en Algérie : le cas de la Kabylie
L’Algérie connaît depuis l’indépendance du pays de grands problèmes de représentation politique qui se sont amplifiés après la mort du président Boumedienne (1978). Les différentes révoltes qui se sont succédées en Algérie (1980, 1988, 2001, 2019, pour ne citer que les principales) et surtout la faible participation électorale et les soupçons de fraude lors des scrutins qui se sont déroulés ces deux dernières décennies confirment une ample désaffection populaire vis-à-vis d’un système politique rentier dans lequel la corruption a été érigée en système. Cette crise de représentation, patente dans tout le pays, est encore plus nette en Kabylie où l’abstention est devenue un phénomène massif, la participation ayant été quasiment nulle lors des dernières élections présidentielles de 2019. Ce comportement électoral reflète le rejet global de la politique de discrimination linguistique et culturelle mais aussi économique que mène le régime. La résilience kabyle fait de la région le bastion par excellence de l’opposition et donc, la cible d’une politique de stigmatisation et de répression qui peut prendre la forme d’une instrumentalisation de la région, comme « ennemi de l’intérieur » dans le discours du pouvoir particulièrement dans des moments de crise de légitimation. L’évolution du mouvement revendicatif kabyle et de son discours - avec notamment la naissance de mouvements autonomistes et souverainistes mais aussi l’avènement du Hirak, donnera, comme dans un effet de miroir, le prétexte pour un durcissement sans précédent de l’arsenal juridique qui permettra d’envelopper dans une couverture légale une répression tous azimuts des militants kabyles et - de manière plus générale - de toute opposition démocratique dans le pays. Dans cette communication on analysera l’évolution et les termes de ce discours de relégitimation du régime politique algérien qui se fonde sur le registre de la création d’un ennemi intérieur kabyle.
Crisis of political representation in North Africa. Discourses and Repertoires of Legitimation
Since the end of the 2011 mobilisations, various movements of discontent have periodically followed one another in North Africa. They are symptomatic of a deep political crisis that "revolutions", "reforms" and other institutional "adjustments" have not been able to resolve. Tunisia, which opted for a quasi-parliamentary regime in 2014, has entered into an open political crisis since 25 July 2021, which raises the question of the form of its future political regime. Morocco, which had reformed its constitution in 2011 by presenting the new text as a milestone towards the parliamentarisation of the regime, has just turned the page of governing Islamism since the elections of 8 September 2021 and returned to the governments of Makhzenian parties that minimize the role of parliament and an autonomous government. Algeria, which seemed to have avoided the turbulence of 2011, experienced a massive protest movement during 2019 (the Hirak), which was only stopped by the COVID 19 pandemic, the all-out repression of the authorities, as well as a series of institutional measures such as the holding of elections and the reform of the Constitution taken to delegitimize the return of mobilisations. As for the army and the old political guard, which had been abused by the Bouteflika clan, they regained control of executive power. In this workshop, we will look at the delegitimization discourses of the holders of power in the three political regimes in place by trying to answer the following questions: What are the discursive registers mobilized to justify the domination in action, to denounce the impasses of the current situation and to impose the recommended solutions? What are the ethical (the founding values of society), historical (the references to memory) or identity-based (them and us, friends and enemies) factors that underpin these discourses? What are the modalities of translation of these discourses into action and what is their reception and their performative capacity among the 'represented' and the 'representatives' according to their political sensibilities, social classes or ideological and identity references (secular, Islamist, Amazigh, pan-Arab, etc.)? In other words, we propose a reflection on the discourses, governments and exits from the crisis of political representation in North Africa.
This workshop is part of the results of the research project "Crisis and political representation in North Africa. Institutional arrangements and contestation" (CSO2017-84949-C3-2-P) funded by the Spanish Ministry of Science and Innovation (MCI), the National Research Agency (AEI) and the European Regional Development Fund (ERDF) (2018-2021) (MINECO/AEI/ERDF, EU).
Responsable: Thierry Desrues, Instituto de Estudios Sociales Avanzados, Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IESA-CSIC), Cordoue, Espagne
- Thierry Desrues, Instituto de Estudios Sociales Avanzados, Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IESA-CSIC), Cordoue, (Espagne), The crisis of political representation in Mohammed VI's speeches: the justifications of the executive monarchy in the light of the dualist parliamentary regime.
In this paper, I analyze what the Moroccan Monarchy understands by 'political representation' based on a corpus of speeches and decisions of the king, Mohammed VI, that punctuate his first twenty years of rule (1999-2019). I hypothesize that the House of Representatives and the governmental majority that emerged from it, as institutions of political representation legitimized by elections by universal suffrage, give the regime a democratic dimension that it claims. However, these institutions are circumscribed by the Monarchy to a subordinate function which, therefore, has to be publicly justified on a recurrent basis. I thus posit that the discourses on political representation produced by the Monarchy over the past two decades have a performative vocation. By relying on the diffusion of the notion of a 'crisis' of democratic representation, the monarchical narrative aims, firstly, to evacuate the deliberation and conflict intrinsic to democratic political life; secondly, to legitimize the king's preponderant power in the constitutional ordering and decision-making practice of the executive branch. In this sense, it contributes to the justification of decisions that reinforce an institutional hierarchy favorable to the autonomy of the executive power of the Monarchy and that contradict the presentation of the constitutional reform of 2011 as a milestone towards the dualism of Moroccan parliamentarism.
- Éric Gobe, CNRS/Université d’Aix-Marseille, IREMAM, Aix-en-Provence, (France), The crisis of political representation in Tunisia: the populism of Kais Saied as a crystallization of the failure of Tunisian parliamentarianism
The questioning of the Tunisian parliamentary system by the recent proclamation of a state of emergency by the President of the Republic on 25 July 2021 points to a crisis of representation. The gap between the governors and the governed has been expressed in recent years by the development of protest movements symptomatic of the rejection of the Tunisian political formula by large sections of society, the arrival of a 'populist' leader at the presidency of the Republic, as well as the election of an extremely fragmented parliament. The last two phenomena are themselves the expression of the cartelisation of the political scene which, after 2014, resulted in the sharing of privileges and power rents between the leaders of the Islamo-conservative Ennahda movement and part of the elites of the former regime. Combined with the health, economic and social crises, this political configuration led to the "coup de force" of President Saïed, who, by freezing the work of parliament, met with massive popular approval, itself a reflection of the massive rejection of the parliamentary order instituted by the 2014 Constitution. It remains to be seen whether President Saied's desire to 'correct the revolution' - that is, to establish a political regime that rejects all intermediary elites and articulates forms of direct democracy, coupled with the presence of a President of the Republic asserting himself as the 'mouth of the people' - is capable of establishing a new form of governmentality that would resolve the hiatus between the representatives and the represented.
- Mohand Tilmatine, Université de Cadix, Cadix, (Espagne), Crisis of representation and discourse of legitimation in Algeria: the case of Kabylie
Since the country's independence, Algeria has experienced major problems of political representation, widely amplified after the death of President Boumedienne (1978). The various revolts in Algeria (1980, 1988, 2001, 2019, to mention only the main ones), the low electoral participation and the suspicions of fraud held over the last two decades confirm a widespread popular disaffection with a rentier political system in which corruption has been set up as a system. This crisis of representation, evident throughout the country, is even clearer in Kabylie where the abstention became a massive phenomenon, the participation having been almost zero during the last presidential elections of 2019. This electoral behaviour reflects the global rejection of the policy of linguistic and cultural discrimination but also economic discrimination that the regime leads. The Kabyle resilience makes this region the bastion, par excellence, of the opposition and therefore the target of a stigmatization and repression policy. The government discourse, in moments of legitimacy crisis, also resorted to the instrumentalization of the region as "enemy of the interior". The evolution of the Kabyle protest movement, the birth of autonomist and independence demands, but also the advent of the Hirak, will give the pretext for an unprecedented hardening of the legal arsenal that will allow to wrap in a legal cover an all-out repression of Kabyle activists and - more generally - of any democratic opposition in the country. This paper will analyze the evolution and the terms of this discourse of re- legitimization of the Algerian political regime, based on the construction of an internal Kabyle enemy.