Responsable: >Ester Sigillò

A58 - Sociétés civiles en crises : Enjeux et reconfigurations politiques dans le monde arabe après 2011 1/2

Date : 2022-09-22 | 08:45:00-10:45:00

Évènement : Symposium CriseS

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A
Lieu :
ESCT
Salle :
D18
Responsable : Ester Sigillò
Modérateur·trice :
Discutant·e : Benoit Challand
Les intervenant·e·s :
Barbary Caroline Université de Lille
Ben Mami Riadh Amine Centre Maurice Halbwachs, Université de Lille
De Facci Damiano LADYSS/CESSMA
Drif Leila EHESS

Crises et politique

A58 - Sociétés civiles en crises : Enjeux et reconfigurations politiques dans le monde arabe après 2011 1/2 FR

Salle: D18
Responsable: Ester Sigillò, University of Bologna, Italy
Discutant : Benoit Challand, New School for Social Research

  • Caroline Barbary, CERAPS Université de Lille, (France), L’Église presbytérienne en Égypte : la place du religieux dans les modalités de prise de décision en temps de crise

  • Riadh Amine Ben Mami, Mesopolhis, CMH, Université de Lille, (France), La société civile, garante d’un processus électoral transparent et démocratique ? Reconfigurations de l’administration électorale dans la Tunisie post-révolutionnaires, et investissement(s) d’une nouvelle pratique associative

  • Damiano De Facci, LADYSS, CESSMA, (France), La société civile comme outil de la transition économique en Tunisie et ses limites

  • Leila Drif, EHESS, (France), La « résilience » à l’épreuve des crises au Liban : perspectives critiques

A58 - Sociétés civiles en crises : Enjeux et reconfigurations politiques dans le monde arabe après 2011 1/2 FR

Notion omniprésente, notamment depuis le début du “Printemps arabe”, la “société civile” reste une notion floue pour la littérature scientifique et une catégorie utilisée par les acteurs en raison justement de sa polysémie. Appliquée trop hâtivement à des contextes considérés comme des modèles positifs, son caractère normatif risque de cacher plus d'éléments qu'elle n’en montre. 
Les changements politiques, sociaux et économiques contribuent à repenser la notion de société civile à travers des nouvelles entrées et à en élargir la complexité. La société civile est à la fois un terrain de prolongement et de substitution de la politique et un champ d’élaboration de normes socio-économiques et de travail. Ses pratiques du plaidoyer, de l’évaluation, de la sensibilisation, de la mobilisation, voire de la redistribution tendent ainsi à reconfigurer les pratiques de l’action publique dans les mondes arabes, dans différents secteurs d’intervention des Etats. Dans ce cadre, le soutien financier et “technique” aux civil society organizations de la part de coopération (bilatérale et multilatérale) occidentale est depuis les années 2000 devenu un instrument privilégié pour servir des agendas transnationaux de réforme des politiques publiques, dans ces Etats largement dépendants de l’aide internationale au développement. Et ce, malgré la complexité des modalités d’appropriation voire de subversion des dispositifs de la coopération de la part des acteurs associatifs nationaux récipiendaires de l’aide.
Une telle inclusion contemporaine de la “société civile” dans la fabrique des politiques publiques implique, par ailleurs, des recompositions profondes, dans les législations nationales et dans les réglementations administratives des États considérés, de la place accordée aux acteurs non-étatiques (associations, collectifs, “personnalités nationales”). Toutefois, les dynamiques de "réforme par le droit" menées par la société civile continuent d’être investies par des contradictions et des limites. En effet, les processus de libéralisation et d’affirmation de l'Etat de droit ont permis aux gouvernants de légaliser et, de ce fait, de dépolitiser les mobilisations - de défense, contestation, protestation - de la société civile.
Ces différentes entrées permettent de créer un nouveau prisme analytique pour comprendre en détail les enjeux et les dynamiques de reconfiguration politique. Elles pointent également les limites d'une notion qui assume une dimension normative à la fois dans les analyses et dans les pratiques des politiques publiques. 

Responsable: Ester Sigillò, University of Bologna, Italy
Discutant : Benoit Challand, New School for Social Research


  • Caroline Barbary, CERAPS Université de Lille, (France), L’Église presbytérienne en Égypte : la place du religieux dans les modalités de prise de décision en temps de crise
Le temple presbytérien de Qasr al-Dubarah au centre-ville du Caire se transforme pendant les dix-huit jours insurrectionnels de 2011 en hôpital de campagne pour accueillir les blessés de la mobilisation. Quant aux pasteurs protestants, certains rejoignent les manifestations Place Tahrir, en compagnie de leur chorale pour soutenir les mobilisations. L’implication politique de l’Église presbytérienne dans les affaires nationales ne date pas de l'hiver 2011, mais semble prépondérante dans des moments sensibles, notamment pendant la révolution de 1919 et de 1952, ou encore pendant la guerre de 1967.  Explorer l’histoire de la fondation de l’Église presbytérienne, son institutionnalisation nous permet de constater que l’implication de l’Église dans les affaires de l’État provient surtout de l’investissement que celle-ci fournit dans le domaine social, notamment l’éducation et la santé. Dans cette communication, nous avançons une hypothèse provisoire sur la figure d’une Église « à part social ». Comment comprendre le rapport de cette institution avec les cercles du pouvoir politique, les autres acteurs du développement, notamment les ONG et les associations confessionnelles et non confessionnelles ? Et comment celle-ci élabore un discours et des pratiques aux moments des crises politiques lui permettant de se placer comme partenaire privilégié de l’État, voire des organisations internationales ?  En s’armant d’une lecture sur les mouvements sociaux auxquels l’Église protestante prend part en 2011, il s’agit ici d’analyser la manière par laquelle l’Église passe à l’action et comment les acteurs confessionnels mobilisent valeurs et doctrines religieuses pour se positionner en tant qu’acteur central dans les processus décisionnels dans des moments de fluidité politique. Une telle entrée permet d’éclairer le rapport entre religion et politique dans une Égypte en révolution. 


  • Riadh Amine Ben Mami, Mesopolhis, CMH, Université de Lille, (France), La société civile, garante d’un processus électoral transparent et démocratique ? Reconfigurations de l’administration électorale dans la Tunisie post-révolutionnaires, et investissement(s) d’une nouvelle pratique associative
Au lendemain de la révolution tunisienne, pour appuyer le processus de démocratisation, une Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) a été mise en place. La création de l’ISIE, notamment sous l’influence d’« experts » internationaux, s’est accompagnée de la promotion d’un type d’acteur nouveau : des associations non-partisanes accréditées par l’instance pour observer les élections.
Il s’agira ainsi de revenir sur la manière dont les associations d’observation électorale sont parvenues à s’installer, des élections constituantes de 2011 aux premières élections “libres” de 2014, comme un acteur essentiel dans la caution du processus électoral en Tunisie. Du travail « bénévole » des observateurs de terrain durant la campagne puis le jour du scrutin, au « plaidoyer » des cadres dirigeants de ces associations pour évaluer chaque élection, dans les médias ou à l’Assemblée, je montrerai comment certaines associations se sont imposées comme garantes de la sincérité, voire de l’efficacité de chaque processus. En retour, il s’agira de montrer comment cet engagement non-partisan peut faire l’objet d’engagements très hétérogènes.
La communication cherchera ainsi à questionner les effets variés de l’assistance occidentale sur la diffusion de « bonnes pratiques » en observation électorale dans le monde associatif tunisien.


  • Damiano De Facci, LADYSS, CESSMA, (France), La société civile comme outil de la transition économique en Tunisie et ses limites
Les recherches sur la Tunisie ont souvent souligné que les revendications révolutionnaires axées sur l’emploi et la justice sociale sont restées à la marge de la transition démocratique. Ce constat peut être questionné en soulignant le travail de milliers d’associations créées au lendemain de la révolution et soutenues par les acteurs internationaux et l’État tunisien. De ce point de vue, la “société civile” tunisienne participe à un vaste programme de “transition économique” à la démocratie selon des modèles qui circulent notamment depuis l’Europe, grâce aux financements et au soutien technique aux associations.
La communication se propose de revenir sur les limites de cette action de transition économique par la société civile. Bien que les associations permettent l’émergence d’un activisme local et la structuration de réseaux de solidarité, le programme de transition économique qu’elles soutiennent ne peut pas résoudre les problèmes de l’économie morale et politique de l’expérience quotidienne.


  • Leila Drif, EHESS, (France), La « résilience » à l’épreuve des crises au Liban : perspectives critiques
Crise des réfugiés syriens, protestations sociales, explosion du port de Beyrouth, crise économique et financière sans précédent. Depuis 2011, le Liban est en proie à une succession de crises multidimensionnelles qui ont mis à l’épreuve sa « résilience » légendaire. Cette communication interroge les effets de rupture et de continuité de la chronicité des crises, à la lumière de cette notion de résilience. Je montre que la résilience, qui est au centre du discours politique sur les crises, peut tantôt être un levier de mobilisation sociale et politique, tantôt l’instrument d’une dépolitisation servant à décharger l’action politique sur le terrain social. Pour ce faire, je m’appuie sur les outils conceptuels de la sociologie des crises (Dobry, 2009 ; Gaïti, Siméant, 2018) et sur une ethnographie réalisée auprès des acteurs humanitaires, des réfugiés syriens et des communautés hôtes à Beyrouth. 
A partir d’une analyse croisée entre la crise des réfugiés syriens de 2011-2018 et la crise de 2020, je reviens sur le cadrage des discours politiques en termes de résilience, et ses effets sur la mobilisation de la communauté internationale dans la gouvernance de ces crises. J’examine ensuite le processus d’humanitarisation des crises sociales, qui caractérise la politique publique d’urgence du Liban, à travers l’étude des dispositifs d’assistance aux réfugiés syriens, et de lutte contre la paupérisation des libanais. J’explore, pour finir, les stratégies de domestication de la crise déployées par les individus pour en normaliser l’impact dans leur quotidien, dans le cadre d’une « urbanité de crise » (Drif, 2021).


A popular and widely used concept, especially since the outbreak of the Arab Spring, civil society remains a vague notion in scholarly literature. Applied too hastily to contexts considered as positive models, its normative character risks hiding more than it shows. Political, social, and economic changes since 2011 contribute to rethinking the notion of civil society by expanding its complexity. Civil society is both an extension and substitute for politics and a field for the development of socio-economic norms and labor. Its practices of advocacy, evaluation, awareness-raising, mobilization, and even redistribution tend to reconfigure public action practices in the Arab world, in different areas of state intervention. In this context, financial and technical support to civil society organizations from Western cooperation (bilateral and multilateral) has become, since the 2000s, a privileged tool to serve transnational public policy reform agendas in these states that depend largely on international development aid. This, in spite of the complexity of the ways in which the national associative actors receiving the aid have appropriated or even subverted the cooperation mechanisms.

Such a contemporary inclusion of "civil society" in the elaboration of public policies implies profound recompositions in the national legislations and administrative regulations of the states and in the place granted to non-state actors (associations, collectives, "national personalities"). However, the dynamics of "reform through law" driven by civil society continue to be marked by contradictions and limitations. Indeed, the processes of liberalization and affirmation of the rule of law have allowed governments to legalize and thus depoliticize the mobilizations - of defense, contestation, protest - of civil society.
These different voices allow us to create a new analytical prism to understand in detail the stakes and dynamics of political reconfiguration. They also highlight the limits of a notion that takes on a normative dimension in both analyses and public policy practices. 

Responsable: Ester Sigillò, University of Bologna, Italy
Discutant : Benoit Challand, New School for Social Research


  • Caroline Barbary, CERAPS Université de Lille, (France), The Presbyterian Church in Egypt: the place of the religious in decision-making in times of crisis
The Presbyterian temple in Qasr al-Dubarah in downtown Cairo was transformed during the eighteen days of the 2011 uprising into a field hospital to receive the injured from the mobilization. As for the Protestant pastors, some of them joined the demonstrations in Tahrir Square, along with their choir to support the mobilizations. The political involvement of the Presbyterian Church in national affairs does not date back to the winter of 2011, but seems to be prominent in sensitive moments, notably during the 1919 and 1952 revolutions, or during the 1967 war.  Exploring the history of the founding of the Presbyterian Church, its institutionalization allows us to see that the church's involvement in state affairs stems primarily from the investment it provides in the social realm, including education and health. In this paper, we put forward a provisional hypothesis on the figure of a Church "with a social share".  How can we understand the relationship of this institution with the circles of political power, the other actors of development, notably the NGOs and the confessional and non-confessional associations? And how does it elaborate a discourse and practices at times of political crises that allow it to position itself as a privileged partner of the State, and even of international organizations?  Armed with a reading of the social movements in which the Protestant Church took part in 2011, the aim here is to analyze the way in which the Church acts and how confessional actors mobilize religious values and doctrines to position themselves as central actors in decision-making processes in moments of political fluidity. Such an entry sheds light on the relationship between religion and politics in an Egypt in revolution. 


  • Riadh Amine Ben Mami, Mesopolhis, CMH, Université de Lille, (France), Is Civil Society A Guarantor of Transparent and Democratic Electoral Process? The Restructuring of the Electoral Administration in Post-Revolutionary Tunisia, and the Use(s) of a New Associative Practice
In the aftermath of the Tunisian revolution, in order to support the democratization process, a Independent High Authority for Elections (ISIE) was established. The creation of the ISIE, under the influence of some international ‘experts’, was accompanied by the promotion of a new type of actor: non-partisan associations accredited by the High Authority to observe the elections.
This paper will examine how election observation associations have managed to establish themselves, from the 2011 constituent elections to the first "free" elections of 2014, as an essential actor in the endorsement of the Tunisian electoral processes. From the "voluntary" work of field observers during the campaign and then on election day, to the "advocacy" of senior staff of these associations to assess each election, in the media and/or in the Assembly, I will show how some associations have imposed themselves as guarantors of the sincerity, or even the effectiveness of each process. In return, it will show how this non-partisan commitment can be the subject of very heterogeneous commitments.
This paper will thus seek to examine the different effects of Western assistance on the dissemination of "good practices" in election observation in the Tunisian associative world.


  • Damiano De Facci, LADYSS, CESSMA, (France), Civil society as a tool for economic transition in Tunisia and its limits
According to a large body of research on Tunisia, revolutionary demands for employment and social justice have remained at the margins of the democratic transition. However, such an analysis can be questioned by highlighting the work of thousands of associations created after the revolution and supported by international actors and the Tunisian state. From this point of view, Tunisian "civil society" participates in a large program of "economic transition" to democracy. 
This presentation will focus on the limits of such economic transition by civil society. Although associations allow the emergence of local activism and solidarity networks, the economic transition program they support cannot solve the problems of the moral and political economy of everyday experience.


  • Leila Drif, EHESS, (France), “Resilience” in the face of crises in Lebanon : critical perspectives
The Syrian refugee crisis, social protests, the explosion of the port of Beirut, unprecedented economic and financial crisis. Since 2011, Lebanon has been plagued by a succession of multidimensional crises that have tested its legendary "resilience." In my paper I will analyze the effects of rupture and continuity of the chronicity of crises, in light of this notion of resilience. I argue that resilience, which is central to the political discourse on these Lebanese crises, can either be a lever for social and political mobilization, or the instrument of a depoliticization serving to unload political action on the social terrain. To do so, I draw on the conceptual tools of crisis sociology (Dobry, 2009; Gaïti, Siméant, 2018) and an ethnography conducted among humanitarian actors, Syrian refugees and host communities in Beirut. 
Based on a cross-analysis between the Syrian refugee crisis of 2011-2018 and the crisis of 2020, I analyze the framing of political discourses in terms of resilience, and its effects on the governance by the international community. I then examine the process of humanitarianization of social crises, which characterizes Lebanon's emergency public policy, through the study of the Syrian refugees plan and poverty alleviation measures towards the Lebanese. Finally, I explore the strategies of domestication of the crisis deployed by individuals to normalize its impact in their daily lives, within the framework of an "urbanity of crisis" (Drif, 2018). 


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