Responsable: >Irène Carpentier

AG75 - Crises des modèles agricoles et crises politiques en Tunisie et en Égypte

Date : 2022-09-23 | 08:45:00-10:45:00

Évènement : Symposium CriseS

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A.G
Lieu :
ESCT
Salle :
D13
Responsable : Irène Carpentier
Modérateur·trice :
Discutant·e :
Les intervenant·e·s :
Acloque Delphine CEDEJ
Carpentier Irène INALCO
Khemiri Emna Paris 1 Panthéon Sorbonne
Steuer Clément Institute of International Relations

CriseS, économie et finance

AG75 - Crises des modèles agricoles et crises politiques en Tunisie et en Égypte FR

Salle : D13

Responsable : Irène Carpentier, Ladyss, CNRS, France

  • Delphine Acloque, CEDEJ, (Le Caire), Agro-capitalisme, crise hydrique et crise de la ruralité égyptienne. Quand les marges désertiques constituent une échappatoire aux crises multidimensionnelles
  • Irène Carpentier, INALCO, Ladyss, (France), L’agriculture en crise, une ressource politique ambivalente (Tunisie). L’exemple des négociations autour des accords de Libre Échanges, ALECA, UE-Tunisie
  • Emna Khémiri, Ladyss, (France), Producteurs et agro-industriels en Tunisie : à qui profite la crise agricole ? Cas de la filière de la tomate au Cap Bon
  • Clément Steuer, Institute of International Relations, Prague, (République Tchèque) L’insuffisante prise en charge des intérêts du monde rural par les partis politiques (Égypte/Tunisie)

Dix ans après les printemps arabes, et dans un contexte marqué par le Covid-19, la crise des systèmes agricoles égyptien et tunisien apparaît à la fois bien éloignée des préoccupations médiatiques et politiques, et au cœur des enjeux contemporains de durabilité. En effet, les mobilisations rurales n’ont pas cessé, dénonçant les échecs des modèles agro-industriels de développement à satisfaire les aspirations à plus d’équité sociale et territoriale. C’est de cette crise chronique, multidimensionnelle, des modèles agricoles, dont il s’agira d’explorer le lien à la scène politique, et à son instabilité.
Les interactions entre mondes agricole et politique se caractérisent par deux types de liens : d’une part, leur interdépendance étroite, et de l’autre, leur difficile entrée en communication. En effet, il apparaît qu’en dépit de la dimension politique majeure des problématiques agraires – notamment sur le plan alimentaire – les scènes politiques égyptiennes et tunisiennes post-2011 n’ont pas été en mesure de représenter les intérêts du monde rural, ni même de redéfinir les orientations et modèles politiques de développement agricole. Le contrôle des prix des produits, les subventions et dettes des producteurs, les négociations de traités de libre-échange, l’approvisionnement alimentaire des populations, les circuits de commercialisation, ou conflits sur le foncier constituent autant de points de confrontations ou d’interactions entre acteurs politiques et agricoles.
L’objectif de cet atelier est alors d’interroger plus largement le rôle politique du secteur agricole dans les trajectoires tunisiennes et égyptiennes post-2011.

Responsable : Irène Carpentier, Ladyss, CNRS, France

  • Delphine Acloque, CEDEJ, (Le Caire), Agro-capitalisme, crise hydrique et crise de la ruralité égyptienne. Quand les marges désertiques constituent une échappatoire aux crises multidimensionnelles
Si la révolution de Tahrir, trop souvent réduite à sa dimension urbaine, a suscité à la fois espoirs au sein du monde rural égyptien et inquiétudes d'une partie de l'élite agro-économique, les politiques agricoles post-2011, loin de remettre en cause les choix des décennies précédentes, ont conduit à la consolidation du modèle agricole promu depuis le tournant des années 1980. Ce dernier, fondé sur le développement d'une grande agriculture en partie tournée vers l'exportation et l'extension de la frontière agro-désertique, a été réaffirmé par le lancement de nouveaux méga-projets depuis 2014.
Le secteur agro-alimentaire égyptien se situe toutefois au cœur d'un faisceau de crises et de tensions qui viennent questionner et défier les choix effectués : crise hydro-politique au sein du bassin du Nil ; crise sanitaire et fragilisation des chaînes de valeur globalisées ; tensions fortes sur les marchés agricoles et enjeux de sécurité alimentaire d'une population en croissance ; marginalisation d'une partie de la paysannerie. Le gouvernement égyptien, soutenu par les bailleurs de fonds, voit dans la poursuite de la modernisation et de la recherche d'innovations technologiques la solution à ces crises multidimensionnelles et multi-scalaires, tout en promulguant de nouvelles législations visant à réguler l'accès aux ressources.
L'objectif de cette communication est de décrypter ce paradigme de la modernisation et ses formes spatiales, d'en révéler les contradictions contemporaines et de montrer les risques sociaux et environnementaux associés.

  • Irène Carpentier, INALCO, Ladyss, (France), L’agriculture en crise, une ressource politique ambivalente (Tunisie). L’exemple des négociations autour des accords de Libre Échanges, ALECA, UE-Tunisie
Depuis 2011, les mobilisations dans le monde rural n’ont pas fléchi, tout comme les crises récurrentes de filières sous tensions (lait, céréales, tomates, ovins…) Celles-ci mettent en lumière la crise d’un secteur stratégique, dont la révolution avait souligné le rôle politique. À ce titre, les négociations autour de l’ALECA – partenariat UE-Tunisie sur l’agriculture – qui ont fait émerger la question agraire sur la scène publique en 2019, permettent d’analyser le rapport ambivalent à l’agriculture des acteurs politiques, entre exigences de compétitivité internationale, et de protection des producteurs les plus vulnérables.
C’est dans ce défi politique que se noue un ensemble de confrontations dans lequel le secteur agricole apparaît principalement associé à la marginalité et au « mal-développement » tunisien. Au cœur d’enjeux de souveraineté nationale, de durabilité sociale et économique, et de diplomatie commerciale, la « mise à niveau » de l’agriculture tunisienne proposée par l’accord interroge plus largement la capacité des acteurs politiques à redéfinir les modèles économiques de développement et le rôle de l’Etat dans la régulation des prix. 
L’ALECA illustre la grande difficulté des acteurs politiques et syndicaux à se saisir des enjeux du secteur, dans un contexte où le monde rural s’abstient massivement lors des élections. En outre, les points de conflits sur lesquels ont achoppé les négociations font ressortir deux grandes thématiques d’affrontements politiques : la question alimentaire, dans un contexte de dépendance aggravée de la balance commerciale nationale, et celle du rôle des marchés agricoles comme outil politique de régulation sociale et économique.

  • Emna Khémiri, Ladyss, (France), Producteurs et agro-industriels en Tunisie : à qui profite la crise agricole ? Cas de la filière de la tomate au Cap Bon
La crise agricole et rurale en Tunisie est structurelle et les mouvements protestataires depuis la Révolution de 2011 n’ont cessé de mettre à nu le profond ressentiment des catégories les plus vulnérables, dont notamment les producteurs agricoles. Du Nord au Sud du pays, des régions littorales dites « favorisées » aux régions intérieures « sous-développées », les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme : les coûts de production sont devenus insupportables. L’agriculture tunisienne, ayant adopté les techniques « modernes » d’intensification, est devenue tributaire de l’agro-industrie.
Secteur monopolistique, puissant économiquement et politiquement, l’agro-industrie est aujourd’hui au cœur même du renforcement de la crise du monde rural. Monopolisant l’importation et la redistribution des matières premières (soja, maïs) nécessaires à l’alimentation animale, contrôlant le processus de transformation agroalimentaire, les agro-industriels fixent les prix en amont et en aval de presque toutes les chaînes de production agricole. Également exportateurs, leur légitimité n’a jamais été contestée par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011.
L’objectif de cette communication est de remonter, à titre d’exemple, la filière de la tomate au Cap Bon, pour cerner l’implication de ces acteurs dans le renforcement de la crise agricole, mais aussi les avantages qu’ils en tirent. Il s’agira également d’éclairer les impacts sociaux et économiques du système monopolistique de l’agro-industrie sur la prolétarisation des agriculteurs et l’asservissement des territoires ruraux au Cap Bon.

  • Clément Steuer, Institute of International Relations, Prague, (République Tchèque) L’insuffisante prise en charge des intérêts du monde rural par les partis politiques (Égypte/Tunisie)
En Égypte et en Tunisie, l’ouverture politique consécutive à la chute des dictateurs en 2011 a ouvert la voie à une meilleure articulation des systèmes partisans aux intérêts sociaux constitués. D’une part, de nouveaux partis ont été créés, sur la base d’organisations de la société civile existantes, et d’autre part la mise en place d’élections concurrentielles a incité partis et candidats à élaborer une offre politique adaptée aux différents segments de l’électorat.
Concernant plus spécifiquement les intérêts du monde rural, cette articulation s’est néanmoins révélée incomplète. Non seulement les tentatives de créer des partis agrariens et/ou écologistes ont-elles fait long feu, mais encore l’étude des programmes des partis représentés aux Parlements révèle que ceux-ci n’ont que partiellement pris en charge les revendications paysannes et/ou environnementales.
En effet, le contrôle des prix agricoles proposé par les différents partis – lorsqu’il existe – ne se fait pas toujours dans le sens des intérêts des paysans. En outre, les enjeux agricoles sont rarement discutés en relation avec les projets d’accords commerciaux portés par ces partis. Enfin, une grande partie des mesures environnementales envisagées concernent en premier lieu le monde urbain. Généralement, les partis islamistes ont été parmi les plus enclins à prendre en compte les intérêts du monde rural, qui souffre ainsi de l’échec global de ces derniers.


Crises of agricultural models and political crises in Tunisia and Egypt

Ten years after the Arab Spring, in a context marked by the covid-19 pandemic, the crisis in the Egyptian and Tunisian agricultural systems appears far removed from media and political concerns, yet at the heart of contemporary sustainability issues. Indeed, rural mobilizations have never ceased, denouncing the failures of agro-industrial development models to meet aspirations for greater social and territorial equity. It is this chronic, multidimensional crisis of the agricultural models that we will explore here, as well as its link with the political scene, and its instability.
The interactions between agricultural and political worlds are characterized by two types of links: on the one hand, their close interdependence, and on the other, their difficult communication. Indeed, it appears that despite the major political dimension of agrarian issues – particularly in terms of food – the post-2011 Egyptian and Tunisian political scenes were not able to represent the interests of the rural world, nor to redefine the political orientations and models of agricultural development. The control of prices, the subsidies and producer debts, the negotiations of free trade treaties, the supply of food to populations, the distribution channels, and the land disputes, are all points of confrontation or interactions between political and agricultural actors.
The goal of this panel is therefore to question more broadly the political role of the agricultural sector in the Tunisian and Egyptian post-2011 trajectories. 

Responsable : Irène Carpentier, Ladyss, CNRS, France

  • Delphine Acloque, CEDEJ, (Le Caire), Agro-capitalism, the water crisis and the crisis of Egyptian rurality. When desert margins constitute an escape from multidimensional crises
The Tahrir revolution is too often reduced to its urban dimension. However, it raised both hopes within the Egyptian rural world and concerns among the agro-economic elite. Indeed, post-2011 agricultural policies – far from contesting the choices of the previous decades – led to the consolidation of the agricultural model promoted since the turn of the 1980s. This model, based on the development of large agriculture and the extension of cultivation in the desert, has been reaffirmed by the launch of new mega-projects since 2014. 
However, a series of crises and tensions challenges this model: the political crisis of the Nile water; the health crisis and the weakening of globalized value chains; the strong tensions on agricultural markets and the food security issues related to the growth of the population; the marginalization of part of the peasantry. The Egyptian government, supported by donors, sees the pursuit of modernization and the search for technological innovations as the solution to these multidimensional and multi-scalar crises, while enacting new legislation aimed at regulating access to resources. The objective of this communication is to decipher this paradigm of modernization and its spatial forms, to reveal its contemporary contradictions, and to show the social and environmental risks it implies.

  • Irène Carpentier, INALCO, Ladyss, (France), griculture in crisis, an ambivalent political resource (Tunisia). The example of negotiations around Free Trade Agreements, ALECA, EU-Tunisia
Since 2011, mobilizations in the rural world have never ceased, no more that the recurrent crises of some product chains under stress (milk, cereals, tomatoes, and sheep). These chronic issues reveal the crisis of the agricultural sector, which is strategic, and plays a political role, emphasized by the revolution. As such, the negotiations around the ALECA – EU-Tunisia partnership on agriculture – which put the agrarian question on the public agenda in 2019, allow to analyze the ambivalent relationship between agriculture and political actors, constrained by the contradictal requirements of international competitiveness and the protection of the most vulnerable producers. 
This political challenge causes a series of confrontations, in which the agricultural sector is mainly perceived as linked to marginality and Tunisian “poor development”. At the confluence of issues of national sovereignty, social and economic sustainability, and commercial diplomacy, the “upgrading” of Tunisian agriculture proposed by the ALECA agreement questions more broadly the capacity of political actors to redefine the economic models of development and the role of the state in price regulation.
The ALECA controversy illustrates the great difficulty of political and trade union actors in dealing with the challenges of the agricultural sector, in a context where the rural world massively abstains from elections. In addition, the points of contention raised during the negotiations bring out two major themes of political confrontation: the food issue, in a context of worsened dependence on the national trade balance, and the role of agricultural markets as a political tool of social and economic regulation.

  • Emna Khémiri, Ladyss, (France), Producers and agro-industrialists in Tunisia: who benefits from the agricultural crisis? The case of the tomato industry in Cap Bon
The agricultural and rural crisis in Tunisia is structural, and the protest movements since the 2011 Revolution have exposed the deep resentment of the most vulnerable categories, including agricultural producers. From the North to the South of the country, from the so-called “favored” coastal regions to the “underdeveloped” interior regions, the production costs have become unbearable. Tunisian agriculture, because it has adopted “modern” intensification techniques, has become dependent on agro-industry.
As a monopolistic sector, economically and politically powerful, agro-industry is today at the very heart of the intensification of the crisis in the rural world. Monopolizing the import and redistribution of raw materials (soybeans, corn) necessary for feeding the animals, controlling the food transformation process, agro-industrialists set prices upstream and downstream of almost all agricultural production chains. Also exporters, their legitimacy has never been contested by successive governments since 2011.
The aim of this communication is to study the case of the tomato sector in Cap Bon, to identify the involvement of agro-industrial actors in the strengthening of the agricultural crisis, but also the benefits they derive from it. It will also shed light on the social and economic impacts of the agro-industrial monopoly system, both on the proletarianization of farmers and on the domination of the rural territories in Cap Bon.

  • Clément Steuer, Institute of International Relations, Prague, (République Tchèque) The insufficient translation of the rural interests by political parties (Egypt / Tunisia)
In Egypt and Tunisia, the political opening following the fall of the dictators in 2011 paved the way for a better articulation of party systems with institutionalized social interests. On the one hand, new parties were created, based on existing civil society organizations, and on the other hand the establishment of competitive elections encouraged parties and candidates to develop a political offer adapted to the different segments of the electorate.
Regarding more specifically the interests of the rural world, this articulation has nevertheless proved to be incomplete. Not only did the attempts to create agrarian and / or ecological parties fail, but also the study of the programs of the parties represented in the Parliaments reveals that they only partially support the peasant and / or environmental social demands.
Indeed, the control of agricultural prices proposed by the different political parties – if any – is not always in the interests of the peasantry. In addition, agricultural issues are rarely discussed in relation to the draft trade agreements proposed by these parties. Finally, a large part of the envisioned environmental measures primarily concerns the urban world. Generally, Islamist parties have been among the most inclined to take into account the interests of the rural world, which consequently suffers from their overall failure.


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