A13 - Les solutions architecturales en temps de crises

Nous considérons la crise comme un stimulant d’un processus de création, et supposons que quelque soit sa nature (économique, politique, ou autre); elle peut influer directement ou indirectement notre manière de s’installer, d’habiter et de construire. Par cet atelier, nous essayons d’identifier et d’expliquer ce processus de création d’un point de vue théorique et pragmatique. Nous nous intéressons aux crises qui ont beaucoup influencé la production architecturale en Tunisie : les crises des logements au lendemain de l’indépendance dont la contextualité nécessitait des solutions rapides et économiques pour loger une population émergente de fonctionnaires et de cadres autour des grandes villes et de la capitale. Les crises politico-sociales que nous vivons depuis 2011 avec leurs contextualités politico-économiques. Enfin, la crise sanitaire vécue qui a remis en question les normes connues lors de la conception des équipements publics et particulièrement les structures hospitalières. Pour chacune de ces crises, des solutions architecturales ont été réfléchies et mises à l’épreuve. Certaines ont été appliquées et d’autres sont en cours d'expérimentation. Notre objectif est de réaliser une analyse critique de ses différentes propositions dans le but de développer celles en cours d’expérimentation et celles futures.

Responsable : Chérif Ghada, ISAMM, Université de la Manouba

L'architecture revêt à la fois une dimension spirituelle et sensorielle dans son rôle de transcrire une imago mundi des acteurs interagissant avec l’espace, mais aussi, une dimension matérielle et économique nécessaire à sa concrétisation. Ce qui lui confère une complexité qui la rend tributaire des différents changements vécus. Le processus de ces mutations a été accentué par les crises de logement, sociopolitiques et sanitaires actuelles. Dans le cadre d’une pratique de l'architecture et en s’appuyant sur des études comparatives et quantitatives menées sur l'ensemble de notre expérience professionnelle d’une vingtaine d'années ; nous avons observé des changements au niveau de la production architecturale dont le rôle premier est de satisfaire des besoins d’usage en perpétuelle mutation. Le constat de cette transformation du paysage architectural révèle une mutation qui s'accentue et s'affiche comme une réponse à la crise multiple que vivent nos sociétés sur trois volets : les programmes fonctionnels, les techniques et matériaux de constructions, le marché du bâtiment.

Depuis une décennie, nous subissons les conséquences d’une crise économique et politique pernicieuse aggravant le processus d’appauvrissement de la classe moyenne. Engendrant, une crise de la promotion immobilière dont la forme actuelle n’est plus une réponse pertinente à la demande d’une population toute aussi exigeante que démunie. Le dérèglement climatique, la généralisation du numérique, l’épuisement des ressources énergétiques et la crise sanitaire, ont fléché la réflexion vers l’urgence du changement de nos modes de vie, de repenser l’écoumène comme un bien commun et concevoir l’habitat en tant qu’ingrédient enrichissant l’environnement. D’où la pertinence d’une expérience architecturale qui, en reconsidérant toutes les pratiques ancestrales en construction et les accouplant aux moyens de conception actuels, pourrait être une piste pour l’émancipation de l’individu en matière d’acquisition de logement. L’appropriation de ces techniques performées ouvre le champ des possibles à tout un chacun une expérience innovante d’adapter les moyens locaux pour bâtir son chez soi sans être tributaire d’une industrie polluante et fluctuante.

Depuis 2019, la pandémie du Covid a été à l’origine d’une remise en question des habitudes humaines dans ses différents aspects. Nous devions trouver des solutions rapides face à la fragilité des structures hospitalières et leur répartition inéquitable sur le territoire tunisien. Nous devions créer des structures médicales d’urgence là où il n’y avait pas et améliorer celles existantes avec un coût minime et une rapidité efficace. Faire bouger nos structures hospitalières d’urgence là où la situation est grave pour les réutiliser plus tard dans d’autres lieux (le projet « ligne de vie »). Notre matière première modulable utilisée est l’unité container dans un aspect modernisé et autosuffisant d’un point de vue énergétique et domotique. Une solution qui nous encourage à instaurer de nouvelles habitudes et hygiène de vie. Construire, vivre et s’installer autrement dans le respect de l’être humain et la préservation des richesses naturelles en diminuant notre impact. Un mode de production que nous proposons de développer au niveau des différentes constructions architecturales à venir. 

Le projet d’architecture est à la fois une représentation idéelle et une volonté architecturale. Le produit d’un processus de concrétisation qui est « (...) d’abord et surtout le cadre, la scène où se déroule notre vie. », lors d’une contextualité particulière. En parlant de l’Homme et d’espace architecturé, nous insinuons trois intervenants dans ce processus de concrétisation : les commanditaires du projet, les concepteurs et les futurs usagers. Chacun d’entre eux est porteur d’un programme sociétal et d’une perception particulière de ce que doit être le projet architectural en tant que programme et fragments d’images, d’espaces et d'usages. Le projet par sa nature, est toujours inséré dans un environnement physique et sa contextualité singulière. Il est la réponse à des besoins fonctionnels, idéels et ergonomiques. Un processus si complexe qu’en temps de crise, il le devient encore plus. Par une petite enquête nous essayerons de déterminer les images mentales en rapport avec l’habitation en temps de crise. Entre prototypes idéels et applications expérimentales : Comment les concepteurs les ont représentés ? Et comment les usagers les ont réceptionnées et vécues ?