A49 - CrisiS and emancipation in travelling concepts in the Mediterranean

Cet atelier problématise l’univocité de concepts autour de l’émancipation par rapport à leur sens, histoire et usages (Koselleck, 2012 [2006]), mais aussi par rapport à la performativité. Nos études de cas couvrent le Nord et le Sud de la Méditerranée et le Sahara-Sahel. Traduction et représentation comme manières de circulation de mots et de concepts dans le temps et l’espace seront analysées à travers la « travelling theory » d’Edward Saïd (1982 et 1994). Pourtant, notre intention est celle de dépasser le cadre saïdien de progression en quatre stades communs dans le « pattern of moving ». Arabe, français, anglais, italien et espagnol seront les langues de référence.

Notre objectif est d'analyser la manière dans laquelle les crises, en tant que moyen d’émancipation politique, sociale et religieuse, sont comprises dans des actes de langage subversifs et performatifs, qui sont prononcés dans des concepts voyagés. Dans notre compréhension, ces actes ne sont pas généralement le résultat d’une progression, mais l’expression de faire « des choses avec des mots » (Austin, 1962), revisité dans le jargon butlerien comme des mises en œuvre des actes-de-langage quotidien dans nos corps (Butler, 2004). Omettre, sauter, rebondir, s’égarer, errer et retourner sont le noyau des concepts que nous analyserons comme des énoncés performatifs en temps de crise. Réconciliation en traduction ou en représentation ne seront pas toujours possible (Abd al-Latif, 1987), et cette crise de sens se produira aussi.

Partant de recherches antérieures sur les possibilités et les limites que le cadre de références juridiques et les récits sur l'identité historique imposent à l'articulation de la légalité et de la visibilité des musulmans espagnols (Arigita 2019 et 2020), cet article explorera comment les concepts de “musulman espagnol” et d’“al-Andalus” voyagent dans l'historiographie espagnole au 20ème siècle (Carlderwood, 2018 et Hirschkind, 2020). Sur la base de l'observation des dynamiques locales dans la ville de Grenade, cette communication explorera comment le soi-disant “passé partagé d'al-Andalus” est aujourd'hui évoqué pour donner du sens à l'identité musulmane en relation avec une citoyenneté engagée.

Cet article s'intéresse à la façon dont le concept de "thawra" (révolution) pendant et après les bouleversements sociaux de 2011 a été encadré et conceptualisé par les anti-autoritaires et les anarchistes du Sud de la Méditerranée. S'inspirant des travaux pionniers de Hannah Arendt (2004), de Reinhart Koselleck (2012) et d'Enzo Traverso (2021), notre l'imagination révolutionnaire " de la culture politique anti-autoritaire au sud de la Méditerranée à travers ses textes, ses intellectuels et ses expressions culturelles ouvrant de nouveaux horizons d'attentes, politiquement et esthétiquement. 

Le concept itinérant de "thawra", avec ses multiples significations et nuances, a été repris et intégré dans de nouveaux contextes a été repris et intégré dans de nouvelles performativités sociales pendant les révolutions au Sud de la Méditerranée et concrètement dans les imaginaires anti-autoritaires et anarchistes (Erll, 2011). 

La hākimiyya a été l'un des concepts cruciaux dans l'élaboration des idéologies islamistes du XXe siècle (Gómez, 2018). Mais elle n'a jamais eu une signification univoque, même si Abul Ala Maududi est considéré comme son premier théoricien moderne (Pugachev, 2018). Au contraire, des constructions idéologiques très différentes ont servi à la définir et à se l'approprier à des fins émancipatrices opposées. Dans cette exposition, nous analyserons le parcours des significations de hākimiyya comme une traduction critique des conditions matérielles et épistémologiques des différents contextes sociaux, politiques et personnels dans lesquels elle a été articulée. Nous sommes intéressés à révéler la capacité performative du concept de hākimiyya en s'appropriant des compréhensions et des sensibilités pour devenir à la fois un outil anti-systémique à différents niveaux (étatiste chez Maududi, populiste chez Sayyid Qutb, communautaire chez Said Hawwa, guérillero chez Abd al-Salam Faraj) et un instrument au service de la reconstruction d'un ordre islamique quiétiste (spiritualiste chez Hasan al-Hudaybi, légal chez M. Said al-Ashmawi) ou un projet contre-hégémonique dans l'orbite de la “gauche islamique” (Hasan Hanafi, Muhammad Imara, Adil Husayn, Hasan al-Turabi). Nous soulèverons "la condition ainsi que l'effet" (Spivak, 2012) du geste qu'implique la traduction du terme hākimiyya dans les langues occidentales et le possible parcours souterrain qu'il partage avec la notion gramscienne d'hégémonie.