Responsable: >Heikel Ben Mustapha

A42 - Sociolinguistique et crises 2/2

Date : 2022-09-23 | 16:15:00-18:15:00

Évènement : Symposium CriseS

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A
Lieu :
ESCT
Salle :
B3
Responsable : Heikel Ben Mustapha
Modérateur·trice :
Discutant·e : Farah Zaiem Ben Nedjma
Les intervenant·e·s :
Mufwene Salikoko Université de Chicago
Vigouroux Cécile Simon Fraser University
Kazwini-Housseini Ali Université Frères Mentouri
Cherrad Nedjma Université Frères Mentouri
Ben Mustapha Heikel La Manouba

Crises, langage et discours 2

Responsable : Heikel Ben Mustapha, Faculté des Lettres, des Arts et de Humanités de la Manouba, Université de la Manouba
Discutante : Farah Zaiem Ben Nedjma, Faculté des Lettres, des Arts et de Humanités de la Manouba, Université de la Manouba

  • Nedjma Cherrad et Ali Kazwini-Housseini, Université des frères Mentouri 1, Constantine, (Algérie) ; Université Islamique du Liban, (Liban), Le plurilinguisme dans l’enseignement disciplinaire au supérieur : entre politiques linguistiques et pratiques pédagogiques. L’Algérie et le Liban pour exemples
  • Cécile B. Vigouroux, Simon Fraser University, Vancouver, (Canada), Crise socio-économique et vitalité des langues véhiculaires africaines 
  • Salikoko Mufwene, Université de Chicago (États-Unis), Crises ethnolinguistiques africaines : mondialisation, migrations, et maintien des compétences en langues d’héritage

  • Nedjma Cherrad et Ali Kazwini-Housseini, Université des frères Mentouri 1, Constantine, (Algérie) ; Université Islamique du Liban, (Liban), Le plurilinguisme dans l’enseignement disciplinaire au supérieur : entre politiques linguistiques et pratiques pédagogiques. L’Algérie et le Liban pour exemples
L’Algérie et le Liban sont deux pays plurilingues au sein desquels « coexistent » de nombreuses langues.  En plus d’occuper diverses aires d’usage, ces langues jouissent de différents statuts et demeurent l’objet d’innombrables enjeux et conflits linguistiques et identitaires. Aussi les deux pays ont-ils légiféré pour effectuer des aménagements linguistiques afin de légitimer, valoriser et/ou diffuser certaines langues au détriment d’autres. Ainsi, les institutions de l’enseignement supérieur appliquent au sein de leurs structures respectives les choix linguistiques des deux pays considérés.  
Dans cette perspective, nous nous proposons dans cette contribution d’examiner en premier lieu les textes officiels des politiques linguistiques mises en place par les autorités algériennes et libanaises pour l’enseignement supérieur. Dans un second temps, nous nous pencherons sur l’application effective de ces politiques linguistiques sur le terrain en observant les langues en présence dans différents cursus universitaires.  
L’étude minutieuse des textes de loi  nous permettra de lever le voile sur  les orientations en termes de  politiques linguistiques et éducatives de ces deux pays. L’examen des programmes d’enseignement et des supports pédagogiques élaborés par les enseignants nous aidera à mettre en relief les langues en usage lors des processus d’enseignement/ apprentissage disciplinaire. Dans cette perspective, nous tenterons de répondre aux questions suivantes : 
  • Comment, les politiques linguistiques algérienne et libanaise, prennent-t-elles en charge le plurilinguisme au sein de l’enseignement supérieur ? 
  • Quelles sont les langues d’enseignement disciplinaire et les langues enseignées ?  Quels sont leurs statuts, leurs fonctions et leurs rôles ? 

 
  • Heikel Ben Mustapha, Faculté des Lettres, des Arts et de Humanités de La Manouba, Sociolinguistique de la Tunisie : de la société en Crise à la Crise des catégories
Le profil sociolinguistique tunisien est extrêmement complexe. Territoire historiquement convoité pour des raisons diverses, la Tunisie a connu des mouvements humains importants depuis la fondation de l’Ifriqyya. Dans cette histoire mouvante, des peuples ont cohabité avec d’autres, d’autres ont cherché à supplanter les autres, alors que d’autres se sont mêlés aux autres, si bien que les Tunisiens trouvent du mal parfois à se définir. Cela s’est du reste soldé d’une crise sociale et civilisationnelle qui va probablement devenir saillante sous l’occupation française. En effet, des controverses d’ordres divers éclatent depuis la fin du 19ème siècle et, ayant la peau dure, elles continuent à « faire leur chemin », jusqu’à une date récente. Peut-être l’aspect le plus évident de cette crise est-il la place accordée à la langue arabe dans l’enseignement ainsi que dans les pratiques de l’État qui jusqu’à nos jours innervent des controverses à la fois handicapantes et périlleuses.
Par ailleurs, étant centrée autour des langues qui se sont parlées en Tunisie, la crise se projette dans tout projet de description sociolinguistique; car, les concepts maniés par les chercheurs se trouvent souvent peu opératoires et posent ainsi la question fatale du comment décrire le contexte linguistique tunisien et surtout, quelles catégories, ou quels concepts permettraient de le cerner.
 
  • Cécile B. Vigouroux, Simon Fraser University, Vancouver, (Canada), Crise socio-économique et vitalité des langues véhiculaires africaines 
Les pays sub-sahariens africains ont connu depuis la fin des années 1980, de nombreux programmes d’ajustement structurel imposés par le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale. Ces restructurations économiques ont eu un impact important sur la vie de millions d’Africain-e-s, en matière d’éducation, d’accès aux soins de santé et d’emploi. La précarisation économique touche toutes les couches de la société, même les plus éduqué-e-s. Même les emplois dans l’administration réservés à ceux et celles ayant poursuivi des études supérieures ne garantissent plus une vie décente, notamment en raison du déclin de l’économie formelle. Pour survivre, il n’est ainsi pas rare de voir un-e enseignant-e ou un-e employé-e administratif/ve s’engager dans des travaux de subsistance comme le petit commerce ou la conduite de taxi. Les jeunes générations ont désormais des modèles de réussite sociale très différents de ceux de leurs parents ou grands-parents. 
Dans cette présentation, je montre comment l’émergence d’une économie informelle forte comme réponse individuelle aux différentes crises socio-économiques—partagée par la plupart de personnes en âge de travailler—favorise la vitalité des langues véhiculaires (et vernaculaires) africaines au détriment de l’ancienne langue coloniale, en l’occurrence le français. Ma réflexion s’articulera à partir de la situation sociale et linguistique de la République Démocratique du Congo qui connaît un taux d’économie informelle avoisinant les 95%.  D’un point de vue plus général, j’invite à repenser la relation entre langue et économie et à remettre en question la focalisation excessive sur l’école, notamment chez les chercheur-e-s et les décideur-e-s politiques des pays du Nord, pour promouvoir les langues indigènes africaines. Je montrerai ainsi que la crise économique, qui est paradoxalement mauvaise pour le bien-être des Africain-e-s, est cependant favorable à la vitalité de leurs langues véhiculaires. Il va sans dire que mon propos n’entend en rien justifier le sous-développement économique dont souffrent la plupart des pays africains.
 
  • Salikoko Mufwene, Université de Chicago (États-Unis), Crises ethnolinguistiques africaines : mondialisation, migrations, et maintien des compétences en langues d’héritage
Les migrations sont à l’origine de ce qui est appelé aujourd’hui la mondialisation. Elles datent de bien avant les engagements coloniaux européens depuis le XVe siècle, même si celles-ci ont augmenté l’envergure et la complexité des mobilités et contribué à la diversité démographique autour du monde. La période suivant la deuxième guerre mondiale voit l’émergence de nouvelles trajectoires migratoires (sans oublier celles qui ont eu lieu pendant avant la guerre) : de plus en plus d’Africains et de ressortissants d’autres Pays du Sud se relocalisent en Europe surtout Occidentale. Ajoutons à tout ceci le fait que la période après les Indépendances a déclenché des migrations intra-africaines notamment en raison des crises politiques et économiques inquiétantes en Afrique ; ces migrations continentales se développent en parallèle à celles vers l’Europe.
Du point de vue linguistique des questions intéressantes se posent concernant la vitalité des langues d’héritage des migrants et leur impact sur les pratiques langagières en Afrique. Il apparaît que, contrairement aux migrants involontaires de la traite esclavagiste et aux engagés du XIXe siècle, les migrants du XXe et du XXIe siècle peuvent plus facilement maintenir leurs langues d’héritage. Certains d’entre eux préfèrent socialiser avec des ressortissants de la même origine ethnolinguistique, faisant usage de leur langue d’héritage. Ceux qui voyagent régulièrement entre le pays d’accueil et le pays d’origine ont moins de difficultés à utiliser et à maintenir leur langue d’héritage. Des technologies de télécommunication aujourd’hui moins coûteuses permettent aux migrants de communiquer fréquemment avec des membres de leur famille et avec des amis restés au pays ou ayant migré ailleurs. Ces pratiques contribuent à valoriser leurs langues et à continuer l’usage de ces dernières en Afrique. Dans certains pays d’accueil les structures de population permettent aux migrants de pratiquer leurs langues même dans l’espace public, contribuant ainsi à ce que certains linguistes et ethnographes européens ont appelé la « super-diversité ». Je vais discuter des conséquences de ces migrations qui résultent des crises économiques et politiques en Afrique, sans oublier la nature de la colonisation d’exploitation que le continent a connue. Ma présentation abordera aussi le caractère problématique du terme super-diversité.
 L’approche adoptée dans cette présentation est également pertinente à l’histoire précoloniale de l’Afrique, car elle permet d’expliquer son « linguascope » contemporain, de l’Afrique australe à l’Afrique du Nord. Elle rend évidentes certaines crises écologiques naturelles ou politiques qui ont motivé depuis longtemps les migrations et de nouveaux contacts entre groupes ethnolinguistiques et souvent l’émergence de nouvelles variétés langagières.


A42 - Sociolinguistic and crises 2/2 FR

  • Nedjma Cherrad et Ali Kazwini-Housseini, Université des frères Mentouri 1, Constantine, (Algérie) ; Université Islamique du Liban, (Liban), Multilingualism in higher education: linguistic policies versus teaching practices. Algeria and Lebanon as examples.
Algeria and Lebanon are two multilingual countries where people speak different languages. In addition to their usage in different fields, these languages have multiple statuses and remain an object of countless linguistic and identity conflicts. Nevertheless, the two countries legislated to make linguistic adjustments in order to legitimize, promote and/or disseminate certain languages ​​to the detriment of others. The institutions of higher education apply within their respective entities the linguistic choices of the two countries involved.
From this perspective, we propose in this paper to examine first the official texts of the linguistic policies put in place by the Algerian and Lebanese authorities for higher education. The next step would be to effectively apply these linguistic policies in the field while observing the languages used in different university curricula. 
This detailed study of the texts allows us to uncover the orientations of the linguistic and educational policies in these two countries. The examination of the teaching curricula and supporting tools created by the teachers will help us in highlighting the languages used in the teaching process / specialty learning. From this perspective, we tend to answer the following questions: 
  • How do the linguistic policies in Algeria and Lebanon support multilingualism in higher education?
  • What are the languages adopted in specialty teaching and the taught languages? What is their status, functions and roles?
 
  • Heikel Ben Mustapha, FLAH, Université de la Manouba, Tunisia’s sociolinguistics: from social crisis to crisis of categories
The sociolinguistic profile of Tunisia is extremely complex. Being historically an object of colonial desire, Tunisia witnessed since its antic foundation several populations. In this history populations have coexisted with others, others tended to eradicate other populations while others came to mix, that is why Tunisians have much difficulties to define themselves. These difficulties generated a social and cultural crisis which will be overt under French occupation. Diverse controversies have been experienced since the late 19th century and continue to be present in current debates about language. The place of Arabic in education and in official practices are perhaps the main problem which animate controversies dangerously. Furthermore, being focused on languages spoken in Tunisia, the crisis is reflected in every sociolinguistic description. Indeed, concepts used by scholars are usually imprecise and raise the question of how to describe sociolinguistic context.
 
  • Cécile B. Vigouroux, Simon Fraser University, Vancouver, (Canada), Socioeconomic Crisis and the Vitality of African Vehicular Languages
Since the late 1980s, sub-Saharan African countries have experienced several structural adjustment programs imposed by the International Monetary Fund and the World Bank. These economic restructurings have impacted millions of Africans regarding the quality of education and their access to healthcare and employment. Economic precarity has affected all social strata, even those of the most educated. Work in public service no longer provides a decent living to its employees, owing in part to the decline of the formal economy. A teacher or public servant is likely to engage in subsistence work, such as small-scale trading or taxi-driving, to survive. The younger generations now have very different social role models to emulate from among their parents or grandparents. 
In my presentation, I will discuss how the emergence of a robust informal economy from individual responses to various socio economic crises has favored the vitality of African vehicular and vernacular languages at the expense of French, the former colonial language. I will mainly focus here on the social and linguistic situation of the Democratic Republic of Congo, where the informal economy represents more than 95% of the country’s economy.  
From a broader point of view, my presentation aims at rethinking the relationship between language and economy and challenges scholars from the Global North’s overemphasis on education to promote indigenous African languages. I will show how economic crises are paradoxically harmful to sub-Saharan Africans’ well-being while being favorable to the vitality of their vehicular languages. It goes without saying that my argument does not justify the economic underdevelopment of the vast majority of sub-Saharan countries. 
 
  • Salikoko Mufwene, Université de Chicago (États-Unis), African ethnolinguistic crises: worldwide globalization, migrations, and maintaining competence in african heritage languages
What is now identified as worldwide globalization started with migrations. These migrations began long before the Europeans’ colonial ventures since the 15th century, although the extent and complexity of mobility have increased and contributed to demographic diversity around the world. The period following World War II has generated new migration trajectories (notwithstanding those that emerged during the war): increasingly more Africans and other populations from the Global South have relocated to especially Western Europe. In addition, the post-Independence period has fostered within-Africa migrations triggered by worrisome political and economic crises; these migrations are concurrent with and more numerous than those toward Europe.
 From a linguistic point of view, some questions arise regarding the vitality of the migrants’ heritage languages and their impact on language practices in Africa. It appears that, contrary to forced migrants of the slave trave from the 16th to the early 19th centuries and to contract laborers of the 19th century, migrants of the 20th and 21st centuries can more easily maintain their heritage languages. Some of them prefer socializing with people of the same ethnolinguistic background and therefore practicing their heritage languages. Those who travel regularly between the host country and that of origin can more easily practice and thereby maintain their heritage languages. Telecommunication technologies, which are today less expensive, also enable the migrants to communicate frequently with family members and friends who are still at home or migrated elsewhere. These interactions contribute to valorizing their languages and maintaining their usage in Africa. The population structures of some host countries enable the migrants to speak their languages even in the public sphere, with the latter contributing to what some European linguists and ethnographers have called “super-diversity.” I will discuss some consequences of these migrations that have resulted from economic and political crises in Africa, taking into account the impact of the exploitation and colonization of Africa on the continent. My presentation will also show how question-begging the term super-diversity is.
 My approach is also relevant to the precolonial history of Africa, as it makes it possible to explain the continent’s current linguascope, from Southern to Northern Africa. It makes obvious some natural and political ecological crises that for a long time have prompted migrations and contacts of various ethnolinguistic groups corresponding to the emergence of new language varieties.

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