A83 - Circulations, inégalités et frontières multiples en Tunisie 2/3

Ce texte vise à comprendre en quoi la gestion actuelle des déchets et ses principaux flux de circulation génèrent et/ou renforcent des inégalités environnementales et écologiques souvent corrélées à des inégalités sociales, cette question figure au cœur de la problématique environnementale et sociale de développement durable. En Tunisie, cette étude permettra de mettre en évidence les inégalités environnementales et écologiques face à la question des déchets. La recherche combinera une analyse au niveau national avec une étude de cas particulière de la ville d’Aguereb. Ce travail se caractérise par une approche véritablement interdisciplinaire. Des outils conceptuels et des stratégies méthodologiques sont empruntés aux études urbaines et à la géographie, complétés par des données fournies par la science politique

L’éclatement des limites urbaines d’une ville implique incontestablement de nouvelles configurations spatiales, sociales ainsi que paysagère. Celles-ci se manifestent généralement par un étalement urbain irréversible générant une recomposition socio-spatiale déterminée. Elles sont le résultat de la diffusion de l’habitat sous toutes ses formes, réalisée le plus souvent au détriment des espaces agricoles périphériques et qui se matérialise par une production d’espaces urbains nouveaux et et une recomposition paysagère comme c’est le cas de la ville périurbaine de Kaâlet El Andalous. L’expansion spatiale de cette ville depuis la fin des années 1980 est à l’origine de l’émergence de nouvelles formes d’inégalités socio-spatiales, d’accès aux équipements et infrastructures. L’étalement de cette commune périurbaine a entraîné un accès inégalitaire des différentes catégories sociales aux équipements et infrastructures.  Notre recherche vise donc à déterminer comment la ville de Kaâlet El Andalous a perdu son identité et comment elle a connu une nouvelle recomposition territoriale, sociale ainsi que paysagère. Comment priorise-t-on les enjeux par rapport aux besoins locaux ? 

La recherche critique sur la migration en Tunisie a examiné le rôle des acteurs étatiques nationaux (Cassarino, 2014, 2018 ; Lixi, 2019 ; Natter, 2021a, 2021b) et de la société civile (Cassarini, 2020 ; Cuttitta, 2020 ; Dini & Giusa, 2020) - dans la gouvernance de la migration et le confinement des migrants subsahariens. Pourtant, les municipalités locales constituent un groupe d'acteurs de plus en plus important qui a été négligé jusqu'à présent. Avec la multiplication des projets de migration financés par l'UE et ciblant les municipalités en tant que partenaires de mise en œuvre ou bénéficiaires, et avec les interventions très médiatisées des municipalités dans le soutien aux migrants pendant la pandémie de COVID-19, il est important d'examiner de manière critique le rôle qu'elles jouent dans la vie des migrants et leur implication dans les assemblages frontaliers multi-scalaires qui trient, filtrent et contiennent. À partir d'entretiens avec des migrants, des activistes et des professionnels de la migration menés à Tunis en 2020 et 2021, je retrace l'évolution du rôle des municipalités dans la gouvernance de la migration en Tunisie et je décris l'assistance et les services qu'elles fournissent. Je soutiens que le rôle biopolitique que les municipalités jouent dans l'administration et la gestion des populations migrantes est co-construit avec les pratiques de sécurisation des frontières déployées par l'État, les deux travaillant ensemble pour contribuer au confinement des populations migrantes.

L’objectif de cette intervention est de relever des points d’ordre méthodologique pertinents à la recherche dans les marges. Comment peut-on développer ou utiliser une boîte à outil ethnographique (Reyes 2020) dans un contexte où n’importe quel imprévu risque de remettre en échec toute stratégie de recherche sur le terrain ? Cette réflexion est fondée sur des expériences de terrain en milieu dit « populaire » du Grand Tunis. Pour étudier ces espaces souvent attribués aux marges, il est préconisé d’assumer une perspective structurale visant à recentrer le lien entre échelles macro et micro tout en examinant un phénomène tel que les marges au sein de ses contextes. En mettant la lumière sur des « frontières multiples », par exemple le périurbain comme espace d’interfaces entre l’urbain et le rural, nous souhaitons comprendre les inégalités au sein de ces zones liminales. Cela nous permet de penser l’assemblage des « sujets, politiques et contextes » (Lancione 2016) auprès des marges sans pour autant vouloir réclamer une approche exhaustive censée capter l’intégralité des relations sociales dans une localité donnée. Pour donner à l’observation la place qu’elle mérite, il faut donc s’adapter aux contextes, suivre les mobilités pluri-locales, valoriser l’importance des connaissances errantes et faire le va-et-vient entre constellations sociales, espaces éphémères et diverses temporalités.