Responsable: >Myriam Amri & Katharina Grüneisl
A83 - Circulations, inégalités et frontières multiples en Tunisie 1/3
Date : 2022-09-21 | 08:45:00-10:45:00
Évènement :
Congrès INSANIYYAT
Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie : | ||
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A | ||
Lieu : | ||
ISAMM | ||
Salle : | ||
C11 |
Responsable : Myriam Amri & Katharina Grüneisl | |
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Modérateur·trice : | |
Discutant·e : Hend Ben Othman | |
Les intervenant·e·s : | |
Grüneisl Katharina | Université de Leipzig |
Amri Myriam | Harvard University |
Taleb Marouen | CNRS |
A83 - Circulations, inégalités et frontières multiples en Tunisie 1/3 FR Salle : C11 Responsables : Myriam Amri, Harvard University, Etats-Unis & Katharina Grüneisl, Universität Leipzig, Allemagne Discutante: Hend Ben Othman, IRMC Panel 1 : Échanges, circulations et reconfiguration des frontières
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A83 - Circulations, inégalités et frontières multiples en Tunisie
Cet atelier thématique triple examine les relations complexes entre les inégalités croissantes et les multiples configurations de frontières dans la Tunisie contemporaine. Dix ans après la révolution, une révolution voulant remettre en avant l’égalité et la dignité, la crise politique et sanitaire actuelle n’a fait que consolider les nombreuses inégalités économiques, sociales, spatiales et environnementales qui caractérisent la Tunisie d’aujourd’hui. Ces inégalités produisent et reconfigurent des espaces divers et notamment les espaces frontaliers. En adoptant une définition large des frontières qui va au-delà des lignes de démarcation du territoire national pour inclure les frictions entre l’urbain et le rural, entre différents quartiers urbains, ou encore entre les circuits d’échange formels et informels, ce triple-atelier cherche à comprendre comment différentes formes de frontières articulent les inégalités dans l’espace. Les ateliers abordent la relation entre inégalités et frontières en interrogeant différentes formes de circulations et mobilités qui sont restreintes ou bloquées par les frontières, mais qui mettent également en lumière leur porosité et les multiples opportunités de transgression. Les différentes contributions analysent ainsi les circulations humaines et matérielles qui reconfigurent les frontières nationales, les (im)mobilités entre quartiers ségrégés, ainsi que les diverses stratégies de contournement individuelles qui ébranlent les fractures socio-spatiales. Par conséquent, ces ateliers rendent visible les articulations des inégalités à différentes échelles et révèlent les diverses pratiques de circulation et mobilité qui reconfigurent ces articulations et participent ainsi à la production et à la transformation des territoires.
Panel 1 : Échanges, circulations et reconfiguration des frontières
- Myriam Amri, Harvard University, Une frontière en cache deux autres : sur la circulation de biens et imaginaires dans une ville du Nord-Ouest tunisien
Cet article étudie le Nord-Ouest de la Tunisie, en particulier la ville de Tabarka, en tant que site d'arrangements scalaires qui rassemblent non seulement la frontière physique entre la Tunisie et l'Algérie mais aussi les imaginaires et les modes de régulation d'autres espaces frontaliers. En particulier, cet article suit la circulation des biens et des devises de Tabarka à la frontière algérienne alors qu'ils déterminent différents régimes de régulation et mettent en contraste les paysages frontaliers. Tout d'abord, l'article examine les discours autour de la contrebande et en particulier la contrebande de corail, qui interpelle l'histoire partagée et le régime frontalier actuel entre le nord de l'Algérie (où le corail est extrait), Tabarka (d'où il est passé en contrebande) et le sud de l'Italie (où il est vendu). Contrairement à la contrebande fortement criminalisée, les petits trafiquants quotidiens qui "achètent et vendent" à travers la frontière algérienne, invoquent souvent une autre frontière, celle entre la Tunisie et la Libye, comme un site alternatif de plénitude, "moins cher", plus "ouvert" et où la monnaie circule plus facilement. Ces deux exemples contrastés montrent comment le commerce dans chaque frontière s'enchevêtre avec d'autres espaces et comment chaque type de circulation, de la contrebande criminelle au trafic informel, convoque avec lui d'autres régimes frontaliers. Comment une frontière cristallise-t-elle les échanges matériels et les imaginaires d'autres paysages frontaliers ? En analysant les autres frontières invoquées au bord d'une frontière particulière, cet article étudie les configurations scalaires des paysages frontaliers, leurs circulations liées et les discours sociaux enchevêtrés qui les mettent en relation.
- Katharina Grüneisl, Universität Leipzig, Circulations interrompues : les régimes frontaliers changeants et le quartier de gros de la fripe à Tunis
Les vêtements de seconde main - appelés "fripes" - sont importés en Tunisie depuis la Seconde Guerre mondiale, principalement d'Europe et d'Amérique du Nord. Aujourd'hui, les ouvrières de 47 usines trient les dons hétérogènes et les stocks restants en unités de valeur comparable, qualifiant la fripe pour la circulation sur le marché intérieur et pour la réexportation, principalement vers l'Afrique de l'Ouest et l'Algérie voisine, où les importations de fripes sont interdites.Cet article part de Zahrouni, le plus grand quartier de vente en gros de fripes de la capitale tunisienne, pour explorer comment les fermetures récurrentes des frontières dues à la pandémie de COVID-19 ont eu un impact sur les dynamiques de circulation et d'échange. Du manque de conteneurs d'expédition aux fermetures intermittentes des ports, en passant par l'arrêt du trafic de clients à travers la frontière algéro-tunisienne, la reconfiguration des régimes frontaliers a gravement affecté le quartier des grossistes en frites. La "crise" qui en a résulté a renforcé les inégalités existantes dans ce commerce hiérarchiquement structuré : alors que de nombreux petits grossistes, commerçants intermédiaires et transporteurs de Zahrouni ont subi de lourdes pertes, les plus puissants du secteur ont tiré profit de la pénurie temporaire.
- Marouen Taleb, CNRS/AFD, Gouverner la frontière entre la Tunisie et l’Algérie : politiques en eaux troubles
La gestion de la frontière et des espaces frontaliers entre la Tunisie et l’Algérie s’inscrit dans un faisceau de normes binationales, régionales et locales dont les racines remontent à la guerre de libération algérienne de 1954. La confrontation de ces normes résulte des logiques de pouvoir qui déterminent l’accès aux espaces, leur fréquentation et leur usage. En analysant les trajectoires socio-spatiales de la contrebande et du commerce transfrontalier, cet article restitue les hiérarchies sociales et les négociations politiques au niveau des droits d’accès et de circulation sur ces espaces particuliers. En effet, les historicités liées à l’autoritarisme en Algérie et en Tunisie ont façonné un no man’s land hérité en un espace négocié entre le pouvoir politico sécuritaire et les communautés transfrontalières. Des communautés caractérisées par une trans-territorialité qui remonte bien avant la mise en place des frontières mais non reconnue par les pouvoirs en place qui lui préfèrent le sceau de l’informalité. Ce statut-quo est certes compatible avec les logiques sécuritaires mais constitue paradoxalement un frein à toute gouvernance économique décentralisée et surtout participative des territoires et des communautés.
Circulations, Inequalities and Multiple Borders in Tunisia
This triple thematic workshop examines the complex relationship between growing inequalities and multiple border configurations in contemporary Tunisia. Ten years after the revolution, a revolution that sought to bring equality and dignity to the fore, the current political and health crisis has only consolidated the many economic, social, spatial, and environmental inequalities that characterize Tunisia today. These inequalities produce and reconfigure diverse spaces, including border spaces. By adopting a broad definition of borders that goes beyond national territorial borders to include frictions between urban and rural, across urban neighborhoods, or between formal and informal circuits of exchange, this triple workshop seeks to understand how different forms of borders articulate inequalities in space. The workshops address the relationship between inequalities and borders by questioning different forms of circulation and mobility restricted or blocked by borders, but also highlight their porosity and the multiple opportunities for transgression. The different contributions thus analyze the human and material circulations that reconfigure national borders, the (im)mobilities between segregated neighborhoods, as well as the various individual circumvention strategies that undermine socio-spatial fractures. Consequently, these workshops make visible the articulations of inequalities at different scales and reveal the various practices of circulation and mobility that reconfigure these articulations and thus participate in the production and transformation of territories.
- Myriam Amri, Harvard University, Une frontière en cache deux autres : sur la circulation de biens et imaginaires dans une ville du Nord-Ouest tunisien
A border hides two others: on the circulation of goods and imaginaries from a Tunisian Northwest town
This paper investigates the Northwest of Tunisia, in particular the town of Tabarka, as a site of scalar arrangements that bring together not only the physical border between Tunisia and Algeria but also imaginaries and modes of regulation of other border spaces. In particular, this paper follows the circulation of goods and currencies from Tabarka to the Algerian border as they determine different regulatory regimes and bring borderscapes in contrast. First, the paper looks at the discourses around contraband and particularly the contraband of coral, which interpellates the shared history and current border regime between Northern Algeria (where coral is extracted) Tabarka (where it is smuggled from), and Southern Italy (where it is sold). In contrast to the heavily-criminalized contraband, everyday petty traffickers who “buy-and-sell” across the Algerian border, often invoke another border, that between Tunisia and Libya as an alternative site of plenitude, “cheaper”, more “open” and where currency circulates more easily. These two contrasting examples show how trade in each border gets entangled with other spaces and how each type of circulation, from criminal contraband to informal trafficking, conjures other border regimes with it. How does one border crystallize material exchanges and imaginaries of other border-scapes? By analyzing the other borders invoked at the edge of a particular one, this paper investigates the scalar configurations of borderscapes, their linked circulations, and the entangled social discourses that bring them in relation.
- Katharina Grüneisl, Universität Leipzig, Circulations interrompues : les régimes frontaliers changeants et le quartier de gros de la fripe à Tunis
Interrupted circulations: changing border regimes and the fripe wholesale quarter of Tunis
Second-hand clothes – referred to as “fripe”– have been imported to Tunisia since WWII, mainly from Europe and North America. Today, female workers in 47 factories sort the heterogeneous donations and leftover stocks into units of comparable value, qualifying the fripe for circulation on the domestic market and for re-export, mainly to West Africa and neighboring Algeria, where second-hand imports are prohibited. This paper sets out from Zahrouni, the largest fripe wholesale quarter in Tunisia’s capital city, to explore how recurrent border closures due to the COVID-19 pandemic have impacted dynamics of circulation and exchange. From a lack of shipping containers and intermittent port closures, to a halt of customer traffic across the Algerian-Tunisian border, the reconfiguration of border regimes severely affected the fripe wholesale quarter. The resulting ‘crisis’ reinforced existing inequalities in the hierarchically structured trade: while many smaller wholesalers, intermediary traders and transporters in Zahrouni suffered great losses, those most powerfully positioned in the sector drew profit from temporary scarcity.
- Marouen Taleb, CNRS/AFD, Gouverner la frontière entre la Tunisie et l’Algérie : politiques en eaux troubles
Governing the border between Tunisia and Algeria: politics in troubled waters
The management of the border and border areas between Tunisia and Algeria is part of a cluster of binational, regional and local standards whose roots go back to the Algerian war of liberation in 1954. The confrontation of these norms results from the logics of power that determine access to spaces, their frequentation and their use. By analyzing the socio-spatial trajectories of smuggling and cross-border trade, this article reconstructs the social hierarchies and political negotiations of access and circulation rights in these particular spaces. Indeed, the historicities linked to authoritarianism in Algeria and Tunisia have shaped an inherited no-man's-land into a space negotiated between political and security powers and cross-border communities. These communities are characterized by a trans-territoriality that dates back to well before the establishment of borders, but is not recognized by the powers that be, who prefer the seal of informality. This status-quo is certainly compatible with security logics, but paradoxically constitutes an obstacle to any decentralized and above all participatory economic governance of the territories and communities.