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A78 - Genre, crises politiques et révolutions

Date : 2022-09-22 | 14:00:00-16:00:00

Évènement : Congrès INSANIYYAT

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A
Lieu :
ISAMM
Salle :
C10
Responsable : Abir Krefa
Modérateur·trice :
Discutant·e :
Les intervenant·e·s :
Barrières Sarah Centre Maurice Halbwachs/École des Hautes Études en Sciences Sociales
Kebaili Selima Lausanne
Krefa Abir CNRS
Selmi Arbia EHESS

A78 - Genre, crises politiques et révolutions  FR

Salle: C10
Responsable : Abir Krefa, Université Lyon 2/Centre Max Weber, France

  • Sarah Barrières, Centre Maurice Halbwachs/École des Hautes Études en Sciences Sociales, (France), Ouvrières en lutte dans la révolution tunisienne : de la résistance au désenchantement 
  • Sélima Kebaïli, Université de Lausanne, (Suisse), Des réseaux informels à la managérialisation : une association de femmes dans la Tunisie (post)révolutionnaire 
  • Abir Kréfa, Centre Max Weber et Université Lyon 2, (France),  Le mouvement LGBT tunisien : un effet de la révolution ?
  • Arbia Selmi, Centre Maurice Halbwachs/École des Hautes Études en Sciences Sociales, et Centre Marc Bloch, (France), Les syndicalistes femmes contre le plafond de verre dans la Tunisie (post)révolutionnaire

A78 - Genre, crises politiques et révolutions  FR

Plusieurs pays du Maghreb et du Moyen-Orient ont connu au cours de la dernière décennie des crises politiques, à savoir des conjonctures fluides caractérisées par des mobilisations multisectorielles. Ces crises politiques ont été dans beaucoup de cas des situations révolutionnaires et leurs trajectoires ont été diverses : militarisation et transformation en guerre ou restauration autoritaire après une libéralisation politique plus ou moins longue. Si la place des femmes et des féministes a souvent été soulignée par les médias, ces événements et processus politiques ont été peu analysés à l’aune du genre. Ce panel vise à montrer l’intérêt de croiser le genre avec la notion de crise politique. D’une part, le genre constitue une catégorie d’analyse nécessaire pour expliquer les crises politiques (leurs déclenchement, dynamique et issue). D’autre part, les crises politiques façonnent le genre. Elles sont des moments de remise en question des hiérarchies entre hommes et femmes et entre les sexualités, sans pour autant que l’ordre du genre soit suspendu : transgressions et violences de réassignation vont souvent de pair. Après une introduction analytique générale, les communications exposeront les recherches effectuées en Tunisie. Les principales problématiques sont les suivantes : dans quelle mesure et, à quelles conditions, les crises politiques s’accompagnent d’une remise en cause de l’ordre du genre ? Quels sont les effets des crises politiques sur les rapports de genre ? Le retour à une conjoncture routinière est-il un retour à l’ordre antérieur ? 

Responsable : Abir Krefa, Université Lyon 2/Centre Max Weber, France

  • Sarah Barrières, Centre Maurice Halbwachs/École des Hautes Études en Sciences Sociales, (France), Ouvrières en lutte dans la révolution tunisienne : de la résistance au désenchantement 
Dans la Tunisie (post)révolutionnaire, caractérisée par l’ouverture de l’espace des possibles à la faveur de l’élargissement et du renouvellement des pratiques contestataires des femmes ainsi que des rencontres improbables en temps ordinaire, a émergé une lutte singulière de syndicalistes et d’ouvrières dans une filiale d’une multinationale française. À travers l’adoption de formes de protestations radicales, les ouvrières et les syndicalistes ont ostensiblement transgressé les normes de genre en se mobilisant. Si elles ont déplacé les frontières du genre dans leurs différentes sphères de vie, la fin de la lutte est marquée par un retour à l’ordre au foyer comme à l’usine. Certaines d’entre elles voient leurs conditions de travail se détériorer tandis que d’autres sont réassignées à l’espace domestique et voient leur autonomie durement acquise considérablement limitée.

  • Sélima Kebaïli, Université de Lausanne, (Suisse), Des réseaux informels à la managérialisation : une association de femmes dans la Tunisie (post)révolutionnaire 
À partir d’une enquête de terrain qui combine observations, entretiens et exploitation d’archives, la communication analyse les transformations, entre 2011 et 2016, d’une association tunisienne de femmes à référent islamique. Créée à l’initiative d’un collectif informel de femmes préexistant à la révolution, et liées par l’expérience partagée de la répression anti-islamiste, l’association s’engage dans un processus de « managérialisation ». La quête de l’accès aux bailleurs de fonds internationaux ainsi que les transformations des rapports de force politiques à l’échelle nationale infléchissent alors les stratégies de l’association aboutissant à la neutralisation des connotations politiques du référent à l’islam.

  • Abir Kréfa, Centre Max Weber et Université Lyon 2, (France),  Le mouvement LGBT tunisien : un effet de la révolution ?
La Tunisie compte aujourd’hui des associations LGBT créées avec la révolution. La communication reconstituera l’émergence du mouvement LGBT en inscrivant les effets de l’événement dans une histoire de longue durée. Loin d’avoir brusquement surgi avec la révolution, le mouvement LGBT tunisien se fonde partiellement sur des réseaux et des apprentissages militants antérieurs. L’événement a cependant produit des effets propres. Les mobilisations se sont en effet accompagnées d’une critique de l’ordre (hétéro) sexué, ont décloisonné des réseaux et constitué un moment de socialisation politique majeur. Dans un premier temps isolé.e.s, les militant.e.s LGBT ont gagné des allié.e.s à partir de 2015. La visibilité du mouvement donne cependant lieu à des violences perpétrées par différentes autorités (policières, familiales, etc.) qui contraignent des militant.e.s à l’exil et au désengagement. Ces violences visant plus largement les personnes LGBT se sont intensifiées avec la gestion de la crise sanitaire à partir de mars 2020. L’homophobie et la transphobie constituent un instrument majeur de la restauration autoritaire. 

  • Arbia Selmi, Centre Maurice Halbwachs/École des Hautes Études en Sciences Sociales, et Centre Marc Bloch, (France), Les syndicalistes femmes contre le plafond de verre dans la Tunisie (post)révolutionnaire
La communication portera sur la mobilisation de syndicalistes femmes pour l’accès aux postes de pouvoir au sein de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Alors que la “parité” est adoptée pour le champ politique et que le contexte (post) révolutionnaire se caractérise par un renouveau des mobilisations féministes, ce syndicat majoritaire résiste à l’ouverture aux femmes. Fondée sur une ethnographie de longue durée (2012-2019) ainsi que l’exploitation d’archives et d’une centaine d’entretiens, la communication exposera le déroulement du congrès national de l’UGTT en 2017, au cours duquel a été voté le principe d’un quota de syndicalistes femmes avant de mesurer ses effets et la place des femmes après la restructuration syndicale de 2019. Enfin la communication retracera l’ajustement des stratégies des femmes syndicalistes, qui s’appuient de plus en plus sur les associations féministes locales et les organisations internationales. Finalement, la communication analysera les manières dont la révolution a affecté les rapports de genre à l’UGTT.


Gender, political crises and revolutions

Several countries of the Middle East and North Africa have experienced political crises in the last decade. These political crises are characterized by simultaneous mobilizations of individuals and groups of different sectors. In several cases, these political crises consisted in revolutions and their trajectory have been diverse, some have transformed into wars and others into authoritarian restoration after a period of a short or long liberalization. Whereas medias stressed the engagement of women and feminists, these events and political processes have been scarcely studied with a gender perspective. This session aims at showing on the one side that gender is a necessary analytical category to explain political crises (their outbreak, their dynamic and their outcome), and on the other side, that political crises shape gender relations. Indeed, political crises open the possibility of challenging hierarchies between men and women as well as between sexualities even if it does not mean that the gender order is suddenly suspended : gender transgressions are accompanied by gender violences. After a general analytical introduction, we will present the studies about gender and political crises in Tunisia. We will discuss these issues : do political crises stimulate the questioning of the gender order and if they do, what are the conditions ? What are the effects of political crises on gender relations ? Does the return to a routine conjuncture signify the return to the former gender order ?

Responsible  : Abir Kréfa, maîtresse de conférences in sociology, at the University Lyon 2 and the Center Max Weber.

  • Sarah Barrières, Centre Maurice Halbwachs/École des Hautes Études en Sciences Sociales, (France), Ouvrières en lutte dans la révolution tunisienne : de la résistance au désenchantement 
 The struggle of women workers during the Tunisian revolution : From resistance to
disenchantment 
An original labor struggle emerged in (post)revolutionary Tunisia involving female trade unionists and workers in a subsidiary of a French multinational corporation. The period provided numerous opportunities for women’s protest movements to expand in ways that would have been unforeseeable in ordinary times. Engaging in radical forms of protest, workers and trade unionists ostensibly transgressed gender norms in their activities. Although this period provoked changes in gender boundaries, these ultimately proved short-lived as, when the struggle subsided, women returned to their former roles in the home and the factory. Some women have in fact subsequently experienced losses of independence and deteriorations in their working conditions.

  • Sélima Kebaïli, Université de Lausanne, (Suisse), Des réseaux informels à la managérialisation : une association de femmes dans la Tunisie (post)révolutionnaire 
From informal networks to managerialization : A women’s association in
(post)revolutionary Tunisia 
Based on an ethnographic study combining observations, interviews, and archives, this article analyzes the construction and transformation, from 2011 to 2016, of an Islamic women’s association in transitional Tunisia. The members of the association, who share an experience of anti-Islamic repression under Ben Ali’s regime, undertook a process of managerialization after entering the transitional justice process. Their search for access to international funding sources such as the United Nations influenced the association’s strategies, leading to the political neutralization of their Islamic identity.

  • Abir Kréfa, Centre Max Weber et Université Lyon 2, (France),  Le mouvement LGBT tunisien : un effet de la révolution ?
The Tunisian LGBT movement : an effect of the revolution ? 
There are now several LGBT associations in Tunisia, all of which were created following the revolution. I will trace the emergence in (post)revolutionary Tunisia of the LGBT movement, situating its effects within a long-term history. Rather than suddenly appearing with the revolution, the Tunisian LGBT movement is partly based on preexisting networks and preexisting activist know-how. The revolution did, however, specifically influence the development of the LGBT movement. The mobilizations have been accompanied by critiques of the (hetero)sexual order, it de-compartementalized networks and significantly favored political socialization. LGBT activists have gained support from other activists, especially since 2015. The visibility of the movement is however accompanied by multiple violences perpetuated by policemen, family members, etc. These violences constrain many activists to exile and to disengagement. The violences targeting LGBT people have increased since the sanitarian crisis which began in March 2020. Homophobia and transphobia constitute a major instrument of the current authoritarian restoration.

  • Arbia Selmi, Centre Maurice Halbwachs/École des Hautes Études en Sciences Sociales, et Centre Marc Bloch, (France), Les syndicalistes femmes contre le plafond de verre dans la Tunisie (post)révolutionnaire
Women trade unionists combatting the glass ceiling in (post-) revolutionary Tunisia
I will expose the mobilization of women trade unionists for access to executive positions within the Tunisian General Labor Union (UGTT). In post-revolutionary Tunisia, the “parité” is adopted for the political field and the feminist movements renew, but this major trade union resists offering top positions to women unionists. I will utilize a long-term field study (2012-2019), along with archival consultation and biographical interviews, in order to describe the UGTT national congress of 2017, during which the principle of a quota for women unionists was voted and I will further discuss its effects as well as women positions after the 2019 reconfiguration. I will also analyze how female trade unionists adapted their strategies : they have increasingly relied on local feminist associations and international organizations. In the end, I will discuss whether the revolution has impacted gender relations in the UGTT.

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