Responsable: >Diletta Guidi

AG74 - Quand l’islam prend formes dans l’espace

Date : 2022-09-23 | 14:00:00-16:00:00

Évènement : Congrès INSANIYYAT

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A.G
Lieu :
ISAMM
Salle :
C4
Responsable : Diletta Guidi
Modérateur·trice :
Discutant·e : Vincent Geisser
Les intervenant·e·s :
Akgonul Samim Université de Strasbourg
Chatagny Guillaume Université de Fribourg
Faure Lucas Aix-Marseille Université
Guidi Diletta Université de Fribourg

AG74 - Quand l’islam prend formes dans l’espace FR

Salle: C4
Responsable : Diletta Guidi, Université de Fribourg, Groupe Sociétés Religions Laïcités, Allemagne
Discutant : Vincent Geisser, CNRS, IREMAM, France 

  • Samim Akgönül, Université de Strasbourg, (France), Turquisation de deux quartiers strasbourgeois : stratégies de visibilité et de légitimation
  • Guillaume Chatagny, Université de Fribourg, LESC, (Allemagne), Manifester un entre-soi par l’aménagement d’une salle de prière
  • Lucas Faure, Sciences Po Aix-en-Provence, CHERPA, (France),  « Pas de religion hors du camion » : Les maraudes et distributions de nourriture comme illustration du don musulman dans l’espace public
  • Diletta Guidi, Université de Fribourg, Groupe Sociétés Religions Laïcités, (Allemagne), La mise en scène de l’islam dans les deux Louvres : une promenade culturelle entre le musée de Paris et celui d’Abou Dhabi

AG74 - Quand l’islam prend formes dans l’espace FR

Souvent étudiée à partir de ses discours et manifestations individuelles et collectives, la diversité des courants et mobilisations de l’islam s’exprime aussi dans l’espace et par des productions matérielles. Par son inscription sur un territoire ou dans un habitat construit, l’islam prend en effet des visages et des voix multiples. Des recherches récentes consacrées à l'étude de l'islam témoignent d'un « tournant spatial ». Elles invitent à explorer d'une part l'aménagement et l'appropriation des espaces par les actrices et acteurs, et d'autre part les formes et expressions de l'islam qui en résultent. Ces mises en forme et en scène de l’islam traduisent ainsi l’agentivité des acteurs ; les étudier permet de souligner l’importance des contextes socio- politiques dans la définition du cadre de ce qui peut être visible. Les contributions de ce panel apporteront ainsi des éclairages disciplinaires sur l’espace en tant que ressource et langage pour dire l’islam. Par quels mécanismes un entrepôt devient-il une mosquée ? Quelles politiques religieuses étatiques prennent forme dans la mise en scène artistique de l’islam ? Comment l’islam prend-il place et parole dans l’espace public ? Telles sont quelques-unes des questions qui seront débattues dans ce panel.

Responsable : Diletta Guidi, Université de Fribourg, Groupe Sociétés Religions Laïcités, Allemagne
Discutant : Vincent Geisser, CNRS, IREMAM, France 

  • Samim Akgönül, Université de Strasbourg, (France), Turquisation de deux quartiers strasbourgeois : stratégies de visibilité et de légitimation
Strasbourg est une ville qui abrite d’importantes communautés originaires de Turquie tant du point de vue quantitatif que celui du dynamisme ethno-religieux. Plusieurs réseaux dont les origines remontent à la Turquie et aux débuts des migrations encadrent d’une manière paternelle ces communautés dont le DITIB (branche étrangère de l’Administration des Affaires religieuses de Turquie) et le Millî Görüs, le plus ancien courant de l’islam politique du pays. Ces deux réseaux investissent, parfois agressivement, deux quartiers historiquement et socialement marqués de la ville, Hautepierre pour le DITIB et la Plaine des Bouchers pour Millî Görüs. Cet investissement marque curieusement les deux quartiers de signes d’une turcité, nationalement et religieusement parlant. Ce marquage n’est pas uniquement architectural (construction d’une grande mosquée « à la turque » pour la Plaine des Bouchers et d’un külliye à Hautepierre). La fréquentation des lieux, les bruits quotidiens, les voitures qui y circulent, les vêtements qui y sont portés et les langues qui y sont pratiquées... créent une nationalisation hybride et dynamique. J’essayerai dans cette communication de relater l’historique de cette transformation assez rapide et la symbolique qui en dégage. 

  • Guillaume Chatagny, Université de Fribourg, LESC, (Allemagne), Manifester un entre-soi par l’aménagement d’une salle de prière
Le tournant spatial en sciences sociales est redevable de recherches en sociologie, menées au début du XXe siècle, concernant les effets du milieu sur le développement et les pratiques des groupes sociaux s’y inscrivant. Elles ont pointé l’importance du cadre environnemental dans le « faire communauté ». Un intérêt similaire caractérise l’enquête ethnographique que nous menons au sein d’une association musulmane en Suisse romande. Celle-ci loue une salle de cent mètres carrés qui fait notamment office de lieu de culte. En quoi le cadre environnemental peut-il être appréhendé comme une ressource au « faire communauté » dans le cas de l’association suivie ? Pour répondre, nous introduirons d’abord les concepts d’environnement et de situation pour mieux cerner ce que recouvre la notion d’ « espace associatif musulman ». Grâce à un commentaire descriptif de photographies, nous examinerons ensuite la manière dont les acteurs musulmans s’appuient, utilisent et transforment leur local pour rendre manifestes des traits communautaires. Seront présentées la construction de la communauté par l’expression d’un bien être au sein du local associatif d’une part et l’expression, en situation, de la figure du « frère » en religion d’autre part. Ce faisant, l’exposé aura le mérite de souligner les apports d’une microsociologie des interactions entre les acteurs et leur environnement dans la production spatiale de l’islam.

  • Lucas Faure, Sciences Po Aix-en-Provence, CHERPA, (France),  « Pas de religion hors du camion » : Les maraudes et distributions de nourriture comme illustration du don musulman dans l’espace public
Dans leur entreprise de « faire le bien » en France, les organisations humanitaires musulmanes actualisent des pratiques de solidarité islamique comme la zakat (aumône obligatoire) ou la sadaqa (don spontané), en condition minoritaire. Au travers de distributions (principalement alimentaires mais aussi de kits d’hygiène ou de colis vestimentaires), elles interviennent au sein des grandes métropoles françaises dans un contexte de crispation autour de l’islam. Le paradoxe d’un agir formellement non-religieux dans sa présentation publique, mais appuyée sur la mobilisation d’un croire religieux, implique de penser les mondes associatifs dans les pratiques de transferts et dans les interstices. Comment se fait-il, qu’alors même que les aidants voient dans le don une obligation et un accomplissement spirituels, ils ne conçoivent pas leur expérience militante dans un cadre religieux ? Loin de limiter l’analyse à une lecture binaire selon laquelle les associations musulmanes mèneraient une action uniquement communautaire, ou, au contraire, aux visées prosélytes, l’immersion dans le temps long conduit à formuler l’hypothèse selon laquelle l’action des associations répond à des contraintes situées socialement et procède d’un travail de mise en conformité humanitaire. 

  • Diletta Guidi, Université de Fribourg, Groupe Sociétés Religions Laïcités, (Allemagne), La mise en scène de l’islam dans les deux Louvres : une promenade culturelle entre le musée de Paris et celui d’Abou Dhabi
Depuis les années 2000, on remarque une sorte d’ « islamania » muséale. Parmi les nombreuses institutions culturelles qui ont décidé de se consacrer – en partie ou entièrement – à l’islam, cette communication se focalise sur le cas du Louvre et de son antenne émirienne : le Louvre Abou Dhabi. En partant de l’hypothèse que la représentation de l’islam au musée renseigne sur l’image que l’État souhaite donner de lui-même et reflète du comportement de la société vis-à- vis de la religion musulmane, la comparaison entre les deux Louvres devient d’autant plus intéressante que la France et les Émirats arabes unis sont deux États très différents, au sein desquels l’islam n’a ni la même place ni la même réputation. Pourtant, on verra que ces deux musées présentent de fortes similitudes. Leurs métadiscours (i.e. leur scénographie) sont tous deux influencés par des exigences locales (ex. travail des équipes, avis des experts, etc.) et nationales (directives d’État, rapport à la laïcité, etc.), aussi bien que par des problématiques globales de matrice politico-religieuse et économiques, comme le terrorisme islamique et le marché de l’art. Reste à savoir qu’elle est la définition de l’islam produite par ces musées et quels en sont les enjeux et les conséquences, mais surtout ce qu’elles permettent de comprendre en termes d’analyse socio-politique, culturelle et religieuse. En somme, en « écoutant » les musées, orateurs trop souvent négligés au sein des recherches sur l’islam, et à ce qu’ils « disent » du religieux, cette intervention vise à montrer toute la richesse heuristique de ces espaces. 

When Islam takes shape(s) in space

Often studied from its individual and collective discourses and manifestations, the diversity of traditions and mobilizations of Islam is also expressed in space and through material productions. By its inscription on a territory or in a built habitat, Islam takes on multiple faces and voices. Recent research devoted to the study of Islam witness a “spatial turning point”. On the one hand, they invite us to explore the arrangement and appropriation of spaces by the actors and, on the other hand, the resulting forms and expressions of Islam. These formatting and staging of Islam thus reflect the agency of the actors. Studying them helps to underline the importance of socio-political contexts in defining the framework of what can be visible. The contributions of this panel will thus shed disciplinary light on space as a resource and language for speaking Islam. How does a warehouse become a mosque? What state religious policies take shape in the artistic staging of Islam? How does Islam take place and speak in public space? These are some of the questions that will be discussed in this panel.

Responsable : Diletta Guidi, Université de Fribourg, Groupe Sociétés Religions Laïcités, Allemagne
Discutant : Vincent Geisser, CNRS, IREMAM, France 

  • Samim Akgönül, Université de Strasbourg, (France), Turquisation de deux quartiers strasbourgeois : stratégies de visibilité et de légitimation
Turkification of two Strasbourg neighborhoods: strategies of visibility and legitimation
 
Strasbourg is a city that is home to large communities originating from Turkey both in terms of quantity and that of ethno-religious dynamism. Several Turkey related networks provide a paternal framework for these communities, including the DITIB (abroad branch of the Turkish Religious Affairs Administration) and the Millî Görüs, the oldest current of the political Islam of the country. These two networks invest, sometimes aggressively, two historically and socially marked neighborhoods of the city, Hautepierre for the DITIB and the Plaine des Bouchers for Millî Görüs. This settlement marks the two districts with national and religious signs of Turkishness. First of all, this imprint is architectural (construction of a large “Turkish” mosque for the Plaine des Bouchers and a külliye in Hautepierre). But also, it is social, by means of the frequentation of places, the daily noises, the cars which circulate there, the clothes which are worn and the languages ​​which are spoken there that create a hybrid and dynamic nationalization. In this paper I will try to relate the history of this fairly rapid transformation and the symbolism that emerges from it.

  • Guillaume Chatagny, Université de Fribourg, LESC, (Allemagne), Manifester un entre-soi par l’aménagement d’une salle de prière
‘Amongst ourselves’: configuring a prayer room to express community

The spatial turn in the social sciences is indebted to sociological researches conducted at the beginning of the 20th century which concern the effect of the environment on the development and practices of the social groups within them. These studies also demonstrated the importance of environmental constraints for “creating community”. The ethnography we are conducting of a Muslim association in the francophone part of Switzerland is informed by a similar interest. The association rents a room of 100 square metres which serves foremost as a place of prayer. How can the environmental constraints be considered as a resource for “creating community” in the case of the association under consideration? To answer this question, we will first introduce the concepts of environment and of situation in order to circumscribe the notion of space for a Muslim organisation. Using descriptions of photographs, we will then examine the manner in which Muslim actors use, transform and rely on their locale in order to demonstrate the features of their community. We will discuss the construction of community through the expression of well-being in the associative locale on the one hand, as well as the expression, in situation, of the figure of the religious “brother” on the other hand. In so doing, the presentation will be able to underline the contributions which a microsociology of interactions between actors and their environment can make in understanding the spatial production of Islam.

  • Lucas Faure, Sciences Po Aix-en-Provence, CHERPA, (France),  « Pas de religion hors du camion » : Les maraudes et distributions de nourriture comme illustration du don musulman dans l’espace public
“No religion outside of the truck”: food distribution as an illustration of Muslim humanitarianism in French public space

“Doing-good” in France is a way for French Muslim humanitarian organisations to actualize Islamic practices of solidarity such as zakat (mandatory alms giving) or sadaqa (spontaneous alms), in a secularised context. Muslim charities develop a wide variety of actions, which mainly are food assistance, hygiene kits distribution or clothes packages. They act in the biggest French cities despite a general context of suspicion towards them. 
The presentation will try to elucidate the following paradox. How can we explain that volunteers see their gift as a religious obligation but do not shape their involvement within a religious frame? The analysis aims to complexify a reductive binary vision of Islamic humanitarian organisations as neither communitarian nor proselyte organisations. Long-term ethnographic observations led to the hypothesis that organisations are designed by local constraints and stem from a shaping of humanitarian compliance. 

  • Diletta Guidi, Université de Fribourg, Groupe Sociétés Religions Laïcités, (Allemagne), La mise en scène de l’islam dans les deux Louvres : une promenade culturelle entre le musée de Paris et celui d’Abou Dhabi
The staging of Islam in the two Louvres: a cultural walk between Paris and Abu Dhabi

Since the 2000s, we have noticed a kind of museum islamania. Among the many cultural institutions which have decided to devote themselves – in part or entirely – to Islam, this communication focuses on the case of the Louvre and its UAE branch: the Louvre Abu Dhabi. Starting from the hypothesis that the representation of Islam in the museum provides information on the image that the State wishes to give of itself and reflects the behavior of society vis-à-vis the Muslim religion, the comparison between the two Louvres becomes all the more interesting as France and the United Arab Emirates are two very different states, in which Islam has neither the same place nor the same reputation. However, we will see that these two museums have strong similarities. Their metadiscourses (i.e. their scenography) are both influenced by local (e.g. teamwork, expert opinions, etc.) and national (state directives, relation to secularism, etc.) requirements, as well as by global issues of politico-religious and economic matrix, such as Islamic terrorism and the art market. It remains to be seen what the definition of Islam is produced by these museums and what are the issues and consequences, but above all what they allow to understand in terms of socio-political, cultural and religious analysis. In short, by “listening” to museums, speakers too often neglected in research on Islam, and what they “say” about religion, this intervention aims to show all the heuristic richness of these spaces.

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