A72 - Entre l’Afrique et l'Europe, les drogues appréhendées par le bas

A72 - Entre l’Afrique et l'Europe, les drogues appréhendées par le bas FR

L’existence d’une offre et d’une demande de drogues en Afrique n’est pas une nouveauté. Des historiens signalent la présence de filières dès le 16ème siècle en Afrique de l’Est et Australe. Les administrations coloniales ont laissé des traces écrites de la réalité des drogues sur le continent, qu’il s’agisse de production, de circulation ou de consommation. Avant même de devenir l’une des routes mondiales empruntée par les cargaisons de drogues produites en Amérique Latine, l’Afrique a vu se développer des économies, des routes et des filières de commerce et de contrebande intra-africaines, puis entre l’Afrique et l’Europe. C’est sur cette circularité Sud-Nord que se concentre cet atelier, avec l’ambition de s’extraire des discours dominants reflétant les préoccupations des acteurs publics nationaux et supranationaux. La connaissance savante sur les drogues en Afrique est loin d’être étanche aux discours médiatiques, à l’expertise politico-institutionnelle et à leurs influences réciproques. La connaissance hégémonique sur les drogues en Afrique repose sur une dialectique de l’alerte et de la menace, qu’elle soit d’ordre sanitaire et médicale, ou relevant d’une géopolitique de la sécurité. Cet atelier pluridisciplinaire propose ainsi d’appréhender « par le bas » les enjeux liés aux drogues entre l’Afrique et l’Europe. À partir de recherches, les intervenant-e-s proposent un éclairage précis des dynamiques de circulation des produits, des techniques et des acteurs entre les continents en montrant notamment le rôle pivot que peuvent jouer les diasporas africaines en Europe et européennes en Afrique. 

Responsables : Marwan Mohammed,  CNRS, Centre Maurice Halbwachs, France et Khalid Mouna, Université Moulay Ismail de Meknès, Maroc

Malgré une politique prohibitionniste parmi les plus sévères d’Europe, la France demeure une place forte du trafic de drogue continental. S’il est impossible de brosser un tableau complet des opérateurs du marché de l’offre, il ressort de la littérature académique tout comme du discours politique, que les descendants d’immigrés africains occupent une place importante dans l’économie des drogues, notamment dans celui du cannabis. Après avoir rappelé que cette focalisation médiatique, politique et policière sur des acteurs d’origine populaire et bien souvent d’Afrique est à déconstruire et que les discours publics et les stratégies policières et pénales s’alimentent mutuellement, il s’agit, à travers une étude de cas, de saisir également « comment » le fait diasporique peut s’inscrire dans les filières Sud -Nord de cannabis et de cocaïne. 

Cette communication s’intéresse à la circulation et au développement de savoirs dans la production de cannabis. À l’affût des flux entre Ketama et Amsterdam, il s’agit de mettre l’accent sur les spécificités des acteurs transnationaux, passeurs et développeurs de savoirs. L’un des objectifs de cette intervention est de montrer en quoi les deux espaces de culture de cannabis, malgré leurs différences fondamentales, sont connectés. Le propos fait ainsi une place importante aux modes de diffusion mis en œuvre de façon visible dans un contexte de tolérance, ou sous le sceau du secret dans un climat de répression.

La production illégale de drogue n’a fait qu’augmenter malgré une politique prohibitionniste mise en place depuis des décennies. Ainsi, le bilan de la prohibition à l’échelle du bassin méditerranéen apparaît très maigre, par rapport au dynamisme que connaît le secteur du trafic et de production de drogue illicite. Devant les moyens mis en place par les États, on assiste de la part des trafiquants, notamment du sud, à des formes d’innovation allant des changements d’itinéraires aux changements techniques (usage des « Go fasts », drones ; etc.). Ainsi, on peut constater que, malgré les moyens humains, matériels, technologiques déployés pour le stopper, le trafic de drogue n’a jamais été vraiment remis en cause. À partir d’une analyse des interactions sud-nord, cette intervention cherche à élucider, à partir d’une perspective à la fois historique et contemporaine, le fonctionnement complexe des réseaux du sud, en partant pour cela du cas marocain.

Il s’agit de traiter la problématique des normes sociales et des transgressions à travers l’étude de la législation sur la consommation des stupéfiants en Tunisie pendant la période coloniale et sa répression. Il est important de saisir à travers la lecture des archives de la Résidence Générale la surveillance de la production, de la consommation et du trafic des stupéfiants. Quels sont les enjeux pour les autorités française de réprimer la consommation des stupéfiants ? Y a-t-il des formes de tolérance ?