A70 - Les enfances urbaines en Tunisie?

Cet atelier souhaite contribuer à formaliser une science sociale et urbaine de l’enfance en Tunisie, pour le moins discrète voire absente pour l’heure des débats internationaux à propos des enfances urbaines. Avec des approches, conjuguant notamment la géographie, l'urbanisme et la sociologie, les contributrices et le discutant mettront en débat, dans le contexte urbain tunisien, l'hypothèse et parfois constat du "processus d'enfermement" ou de la disparition des enfants des espaces publics ordinaires. L'analyse des pratiques quotidiennes et leurs facteurs de variabilité tels que les formes urbaines et les conditions sociales, ou l'impact des stratégies résidentielles et scolaires des familles apporteront des éléments empiriques aux échanges. Dans ce cadre, les approches sensibles ambitionnent de saisir, finement et au plus près de la réalité des enfants, les disparités des expériences urbaines. Ainsi, les défis méthodologiques, éthiques et épistémologiques auxquels se confronte la recherche avec les enfants sont nombreux et seront, de fait, au cœur des discussions.

Responsable : Fanny Vuaillat, Université Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, France
Discutant : Sami Ben Fguira, Faculté des lettres et sciences humaines / Université de Sfax

La communication porte sur la place de l'enfant dans la ville et sur sa perception et pratique du territoire urbain. Elle se situe dans le contexte tunisien et cherche à explorer la relation de l’enfant scolarisé (6-10ans) aux espaces de la ville de Tunis plus précisément l’itinéraire maison-école et les espaces de jeux. L’interrogation porte sur le rôle de l’aménagement dans la perception de l’enfant. Dans quelle mesure "la qualité" de l’aménagement impose une perception et des formes de pratiques de l’espace ? 

La perception de l’espace chez l’enfant en Tunisie est en général en étroite relation avec le vécu quotidien de la famille. Dans cette communication, on se propose de mettre en exergue la relation entre le temps que passe un enfant à Sfax dans des espaces fermés et sa place dans l’espace public. En effet, le modèle d’enfermement de l’enfant pendant plus que huit heures entre la salle de classe, la garderie scolaire, les centres de loisirs privés (Borjs et villas) et le foyer familial, renforce la méconnaissance de l’enfant de sa ville bien qu’il soit un acteur social qui participe à la production de l’espace urbain quotidien. Moyennant des observations des pratiques spatiales des enfants de l’école de base à Sfax et leurs représentations de l’image de la ville et des quartiers, cette analyse socio-urbaine vise à comprendre les facteurs qui entrent en jeu dans ces déplacements quotidiens et la rythmicité des activités des enfants dans l’espace urbain.

Comment s’y prendre pour saisir les retentissements corporels des ambiances urbaines chez les jeunes enfants ? Si de nombreux projets de recherche explorent le discours des enfants sur leurs relations à leurs environnements urbains, peu s’intéressent aux enfants âgés de moins de 6 ans. Enquêter sur les jeunes enfants est ici envisagé comme un moyen de se détacher des enquêtes basées sur le registre discursif et de se concentrer sur les « états de corps » de l’enfant. S’intéresser à leurs « états de corps » est alors une manière de décrire les formes sensibles de relation de l’enfant à l’espace urbain. La proposition s’articule autour d’explorations méthodologiques menées auprès d’enfants âgés de 2 à 5 ans et vivant dans la médina de Sfax (Tunisie). En présentant le travail de terrain et les premiers résultats d’analyse, la discussion sera l’occasion de construire une réflexion critique sur les méthodes permettant de saisir les « états de corps » de l’enfant à l’épreuve des ambiances.

Cette contribution présentera les premières analyses d'un prochain terrain à Sfax dont l'objectif est de documenter les logiques de classes dans les stratégies urbaines parentales. Les conditions familiales impactent les expériences urbaines quotidiennes des enfants, sans que nous en connaissions encore finement les différents ressorts. Pourtant, de premiers éléments indiquent que les enfants des classes moyennes et aisées seraient plus captifs, faisant l'expérience d'un monde urbain étroit. Ces enfants vivraient une “islandization” de leurs pratiques quotidiennes en quelques "îles urbaines", souvent fermées, sécurisées et marchandisées. Ce retour de terrain permettra éventuellement de mettre en lumière, par effet de révélation, ce qui caractérisent les mutations urbaines contemporaines des villes tunisiennes par le prisme des parents et de leurs enfants, notamment en termes d’une éventuelle fragmentation à l’œuvre.