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A68- Héritage et inégalités sociales au Maghreb et au Moyen-Orient

Date : 2022-09-22 | 08:45:00-10:45:00

Évènement : Congrès INSANIYYAT

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A
Lieu :
ISAMM
Salle :
Mini Amphithéâtre
Responsable : Yasmine Berriane
Modérateur·trice :
Discutant·e :
Les intervenant·e·s :
Ababsa Meriem IFPO
Ayeb Habib Paris 8
Berriane Yasmine CNRS
Hoffman Katherine Northwestern University

A68- Héritage et inégalités sociales au Maghreb et au Moyen-Orient FR

Mini Amphithéâtre
Responsable: Yasmine Berriane, CNRS, France

  • Myriam Ababsa, IFPO Amman et Laboratoire Géographie Cités, Paris, (Jordanie et France), L'exclusion de l'héritage en Jordanie et la non-subdivision des biens fonciers
  • Habib Ayeb, Université Paris 8 et Observatoire de la Souveraineté Alimentaire et de l’Environnement (OSAE), (France), L’égalité de l’héritage de la terre agricole entre justice et risques d’appauvrissement aggravé de la paysannerie tunisienne
  • Yasmine Berriane, CNRS, Centre Maurice Halbwachs, (France),  La transmission inégale de biens collectifs au Maroc : l’émergence des « non-résidents » comme nouvelle catégorie de « n’ayant-pas-droit »
  • Katherine E. Hoffman, Northwestern University, (Etats-Unis), L'héritage comme justice ou comme soin : l'inégalité genrée dans la division foncière marocaine rurale au 20e siècle 

A68- Héritage et inégalités sociales au Maghreb et au Moyen-Orient FR

La question de la réforme du droit successoral a fait une entrée en force, ces dernières années, dans le débat public de plusieurs sociétés du Maghreb et du Machrek, sans pour autant aboutir à des modifications des législations en vigueur. Deux volets dominent les travaux consacrés à cette question : l’étude de la jurisprudence islamique qui régit le droit successoral d’une part, et l’analyse des débats, conflits et résistances qui entourent une réforme de cette législation, d’autre part. Dans cet atelier, nous souhaitons déplacer la focale hors de ces deux importants volets pour nous intéresser aux pratiques de transmission de biens et aux enseignements que nous pouvons en tirer sur la construction des statuts et des inégalités sociales. En partant d’études de cas tirées de recherches en cours portant sur la Jordanie, la Tunisie et le Maroc, nous diversifions les contextes socio-historiques et les modes de transmission de biens. Nous présentons la pluralité des espaces et des situations où l’héritage fait l’objet de litiges, de confrontations et d’arrangements, que ce soit au sein de familles, d’entités villageoises paysannes ou tribales, et devant les autorités publiques et les tribunaux. Quelles sont les catégories sociales touchées par un accès limité au droit d’hériter ? Quelles sont les modalités de cette répartition inégale et quels en sont les effets ? Enfin, quelles stratégies de contournement ou de contestation sont mises en œuvre et comment ces stratégies impactent la construction des statuts, hiérarchies et inégalités sociales ?

Responsable: Yasmine Berriane, CNRS, France

  • Myriam Ababsa, IFPO Amman et Laboratoire Géographie Cités, Paris, (Jordanie et France), L'exclusion de l'héritage en Jordanie et la non-subdivision des biens fonciers
Alors que la constitution jordanienne garantit aux femmes le droit à la propriété et à l’héritage selon la loi islamique en vigueur, un usage très répandu consiste pour le père à donner, de son vivant, ses biens à ses fils ou à ses frères. L'absence de subdivision des terrains constitue un instrument au service des frères aînés pour priver leurs sœurs de l’héritage familial. Ces dernières subissent une grande pression sociale pour renoncer à leurs parts. Ces pratiques d’exclusion touchent donc principalement les femmes et constituent l’un des principaux plafonds de verre à leur intégration économique. Mais elles concernent également d’autres catégories sociales comme celle des frères cadets. En nous intéressant aux pratiques concrètes de succession, nous montrerons que l’exclusion des frères cadets qui est encore largement négligée par les chercheurs, les militants et les pouvoirs publics, représente un sujet essentiel à la compréhension de la transmission et de la construction des inégalités sociales en Jordanie.

  • Habib Ayeb, Université Paris 8 et Observatoire de la Souveraineté Alimentaire et de l’Environnement (OSAE), (France), L’égalité de l’héritage de la terre agricole entre justice et risques d’appauvrissement aggravé de la paysannerie tunisienne
Cette communication portera sur les risques de sur-fragmentation de la terre agricole qu’une égalité totale de l’héritage entre femmes et hommes peut engendrer si elle n’est pas accompagnée d’une réforme agraire imposant une taille minimale et un plafond de la propriété foncière. Dans un contexte de pauvreté paysanne généralisée et de sur-division excessive de la terre agricole induite davantage par les processus d’appauvrissement que par les normes sociales et religieuses de l'héritage, imposer l’égalité de l’héritage sans une réforme foncière risque en effet d’alimenter les diverses dynamiques d’appauvrissement. Le problème ainsi posé révèle la question fondamentale des « biens communs ». En nous basant sur une lecture rigoureuse du foncier agricole tunisien, cette présentation tentera donc de répondre à la question suivante : Comment assurer une transmission juste et égale de la propriété foncière agricole sans aggraver davantage la situation de la paysannerie tunisienne ?

  • Yasmine Berriane, CNRS, Centre Maurice Halbwachs, (France),  La transmission inégale de biens collectifs au Maroc : l’émergence des « non-résidents » comme nouvelle catégorie de « n’ayant-pas-droit »
L’inégalité d’accès des hommes et des femmes à la propriété est en grande partie liée aux normes et pratiques successorales. Au Maroc, un mouvement revendicatif a rendu visible, en 2007, l’exclusion des femmes du droit d’usage des terres collectives, posant indirectement la question de l’héritage des femmes. Car même si les terres collectives ne s’héritent pas, le droit d’en bénéficier est bien transmis, selon des modalités certes variées, au sein des familles qui composent les collectifs. La réforme, en 2019, de la législation appliquée aux terres collectives a contribué à inclure les femmes comme bénéficiaires légitimes tout en instituant une nouvelle catégorie de « n’ayant-pas-droit » : celle des « non-résident.e.s ». Quel impact l’introduction de cette catégorie dans le texte de loi a-t-elle eu dans des contextes où l’émigration des populations locales à contribué à éloigner les membres d’une même famille ou collectivité des terres sur lesquelles elles revendiquent un droit ? 

  • Katherine E. Hoffman, Northwestern University, (Etats-Unis), L'héritage comme justice ou comme soin : l'inégalité genrée dans la division foncière marocaine rurale au 20e siècle 
Le droit coutumier amazigh au Maghreb a largement soutenu que seuls les descendants masculins héritent de la propriété afin d’en garantir l’indivision mais aussi le respect d’idéologies socio-légales qui mettent l’accent sur la responsabilité matérielle des hommes (maris et frères) envers les femmes. Nous nous concentrerons sur la période du protectorat français et la région de l’Anti-Atlas marocain et prendrons appui sur les registres inédits de tribunaux coutumiers berbères (1930-1956) régis par des conseils judiciaires constitués de foqaha. Comment les femmes ont-elles contesté cette forme de déshéritement ? Comment la pratique juridique a-t-elle mobilisé les principes de jurisprudence islamique avec les idéologies socio-légales amazigh pour identifier les parts des successeurs et concrétiser le contenu des parts des femmes ? Qui a obtenu quoi, et comment l'imparité a-t-elle été justifiée ? Nous montrerons que les jugements concernant les héritières étaient fondés sur une idéologie du soin plutôt que sur un principe islamique. 

In recent years, there are increasing calls in the Maghreb and the Middle East to reform inheritance law, but no change to standing legislation around it. Two orientations dominate scholarship on this question: on the one hand, study of Islamic jurisprudence governing inheritance law, and on the other, analysis of the debates, conflicts, and forms of resistance surrounding legislative reform. This panel shifts the focus instead to inheritance practices and the lessons we can draw from them about the ways status and social inequalities are constructed. Case studies come from recent research on Jordan, Tunisia, and Morocco. We consider multiple spaces and situations in which inheritance animates disputes, confrontations and negotiations within and between families, village or tribal entities, and public authorities and courts. Which social categories are affected by limited access to inheritance rights? What are the modalities and effects of this unequal distribution? Finally, what circumvention or contestation strategies are implemented and how do these strategies impact the construction of statuses, hierarchies, and social inequalities?

Responsable: Yasmine Berriane, CNRS, France

  • Myriam Ababsa, IFPO Amman et Laboratoire Géographie Cités, Paris, (Jordanie et France), L'exclusion de l'héritage en Jordanie et la non-subdivision des biens fonciers
Women’s Disinheritance in Jordan and the Non-division of Land

While the Jordanian constitution guarantees women the right to property and inheritance according to the Islamic law in force, a widespread practice is for the father to give property to his sons or brothers during his lifetime. Maintaining the integrity of land parcels benefits older brothers and deprives sisters of their shares in family inheritance. Sisters are under significant social pressure to relinquish their shares. These exclusionary practices mainly affect women and constitute one of the main barriers to economic self-sufficiency, but they also concern younger brothers. By focusing on concrete inheritance practices, this paper shows that the exclusion of younger brothers − a topic largely overlooked by researchers, activists and public authorities − is crucial for understanding the transmission and construction of social inequalities in Jordan.

  • Habib Ayeb, Université Paris 8 et Observatoire de la Souveraineté Alimentaire et de l’Environnement (OSAE), (France), L’égalité de l’héritage de la terre agricole entre justice et risques d’appauvrissement aggravé de la paysannerie tunisienne
Equality in Land Inheritance: Between Justice and the Impoverishment of the Tunisian Peasantry

This paper focuses on the potential risks of dividing agricultural land equally between Tunisian men and women in the absence of agrarian reforms to fix minimal and maximal parcel shares. Decreased land parcel size is due more to widespread poverty among rural agriculturalists than to social and religious inheritance norms. This problem raises the question of the “commons.” Based on a rigorous analysis of Tunisian agricultural land, this paper will therefore attempt to answer the question of how to ensure fair and equal transmission of agricultural land without further aggravating the economic situation of Tunisian peasants.

  • Yasmine Berriane, CNRS, Centre Maurice Halbwachs, (France),  La transmission inégale de biens collectifs au Maroc : l’émergence des « non-résidents » comme nouvelle catégorie de « n’ayant-pas-droit »
The Unequal Transmission of Collective Lands in Morocco: the Emergence of Non-Residents as a New Category of Non Rights-Bearing Persons

Men’s and women’s unequal access to property is largely linked to inheritance norms and practices. In 2007, a protest movement in Morocco drew widespread attention to the exclusion of women from the usufruct of collective lands, and in so doing, made women's disinheritance more visible. Even though collective land is not inherited, use rights are transmitted intergenerationally within the families belonging to these collectives. A 2019 legislative reform declared women as legitimate beneficiaries of collective land while establishing a new category of persons excluded from use rights: “non-residents.” This paper examines the impact of this new legal category in a context of widespread emigration which has distanced family and community members from the lands to which they now claim rights.

  • Katherine E. Hoffman, Northwestern University, (Etats-Unis), L'héritage comme justice ou comme soin : l'inégalité genrée dans la division foncière marocaine rurale au 20e siècle 
Inheritance as Justice or Care: Gender Inequality in 20th century Moroccan Rural Land Division 

Amazigh customary law in North Africa has largely maintained that only male descendants inherit property so as to safeguard territorial integrity but also in order to respect socio-legal ideologies emphasizing the material responsibility of men (whether husbands or brothers) towards women. This paper focuses on the French Protectorate period in the Moroccan Anti-Atlas region, drawing on unpublished and unarchived daybooks from the Berber customary courts (1930-1956) with their judicial councils composed of foqaha. How did women challenge their disinheritance? How did legal practice mobilize the principles of Islamic jurisprudence along with Amazigh sociolegal ideologies to identify estate shares and delineate the content of women's moveable property shares? Who got what, and how was inequality justified? I argue that court rulings around women heirs were grounded in an ideology of care (by brothers and husbands towards women) rather than on a principle of Islamic law.

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