Responsable: >Dima Alsajdeya & François Ceccaldi

AG65 - Évolutions récentes des structures du pouvoir dans le monde arabe

Date : 2022-09-21 | 16:15:00-18:15:00

Évènement : Congrès INSANIYYAT

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A.G
Lieu :
ISAMM
Salle :
C7
Responsable : Dima Alsajdeya & François Ceccaldi
Modérateur·trice :
Discutant·e :
Les intervenant·e·s :
Alsajdeya Dima Collège de France - Université Panthéon-Assas Paris II
Ceccaldi François USPN / Collège de France
Tannous Manon-Nour Université de Reims Champagne Ardenne
Perez Déborah Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence/ENS


Évolutions récentes des structures du pouvoir dans le monde arabe

Les pays du Moyen-Orient ont été traversés ces dernières années par des évolutions politiques importantes : phénomènes révolutionnaires et contre-révolutionnaires, multiplication des acteurs politiques et militaires, ingérences étrangères, conflits armés, guerre civile et montée de l’islamisme. Ces pays ont connu des changements fondamentaux dans leurs structures politique et institutionnelle tandis que les rapports sociaux ont été, dans certains cas, profondément bouleversés. 

Si ces évolutions politiques sont de nature très différente, elles interrogent néanmoins la place du pouvoir au sein des sociétés et la manière dont il se manifeste. En gardant à l’esprit la diversité des cas, nous cherchons à comprendre l’évolution des pratiques de pouvoir et la manière dont il est distribué à l’intérieur des systèmes politiques arabes. Face à des évolutions politiques rapides où l’on observe une remise en question des pouvoirs traditionnels et une multiplication d’acteurs hétérogènes, il ne s’agira pas ici d’établir un modèle théorique ni d’identifier de grandes inflexions historiques mais davantage d’analyser les mécanismes à travers lesquels s’exercent ce(s) pouvoir(s).

Aussi, nous souhaitons comprendre, dans ces systèmes, la place des acteurs étrangers dans la prise de décision (Syrie, Yémen, Lybie), identifier les dynamiques qui permettent à ces acteurs d’intervenir dans les logiques nationales (Syrie, Irak) ou encore expliquer les contradictions de la distribution du pouvoir (Palestine, Liban, Irak). S’interroger sur la place du pouvoir dans ces pays, notamment après les crises de 2011, nous permettra par ailleurs de donner un éclairage nouveau sur la recomposition des légitimités politiques, la ré-articulation des hiérarchies au sein des structures de pouvoir et des mécanismes de la domination.

Recent developments in power structures in the Arab World

In recent years, the countries of the Middle East have undergone major political changes: revolutionary and counter-revolutionary phenomena, multiplication of political and military actors, foreign interference, armed conflicts, civil war and the rise of Islamism. These countries have engaged in fundamental changes in their political and institutional structures while social relations have, in some cases, been profoundly disrupted.

Although these political developments are very different in nature, they nevertheless question the place of power within societies and how it demonstrates. Keeping in mind the diversity of cases, we seek to understand the evolution of power practices and how it is distributed within Arab political systems. In this context of rapid political developments where we observe a questioning of traditional powers and a multiplication of heterogeneous actors, the question here is not to establish a theoretical model or to identify major historical inflexions, but rather to analyze the mechanisms through which powers are exercised.

Thus, it is important to understand in these systems, the place of foreign actors in decision-making (Syria, Yemen, Libya), identify the dynamics that allow these actors to intervene in national logics (Syria, Iraq) or explain the contradictions of the distribution of power (Palestine, Lebanon, Iraq). Questioning the place of power in these countries, especially after the crises of 2011, will also allow us to shed light on the re-composition of political legitimacy, the re-articulation of hierarchies within power structures and mechanisms of domination.


  • Dima Alsajdeya, Collège de France – Paris II/ Centre Thucydide (France), L'Égypte après Moubarak : une révolution du pouvoir ?
Depuis 1952, la place de l’armée au pouvoir et son influence politique au sein de l’État égyptien n’ont pas été compromises. Elles ont toutefois évolué différemment d’une présidence à l’autre. Lors de la prise de pouvoir de Moubarak, la situation politique régionale et le conflit qui oppose la présidence aux islamistes ont renforcé le rôle de différents services dans le champ politique égyptien (ministère des Affaires étrangères, services de renseignements - généraux, internes et militaires – armées, etc.). Par ailleurs, l’implication active des fils de H. Moubarak et de leur cercle proche dans la vie économique et politique, la persistance des problèmes sociaux, l’aggravation de la pauvreté, de la corruption et de la répression ont favorisé l’émergence de nombreux mouvements contestataires. La révolution de 2011 a en partie remis en cause certains équilibres de pouvoir car si l’armée a finalement décidé de soutenir les manifestants, c’est en partie à cause de la politique de népotisme de Hosni Moubarak et de la question de sa succession. L’armée a donc profité de ce mouvement populaire pour protéger et garantir la continuité de son système. Depuis 2013 cependant, la reprise en main formelle de l’armée par Abdel Fattah al-Sissi, après la destitution de Mohamed Morsi, est venue rétablir un ordre ancien caractérisé par la prééminence de l’acteur militaire sur les affaires politiques et économiques. De tous ces acteurs, nous concentrerons cette communication sur la place des services de renseignements généraux (al-mukhabarat al-‘amma) dans cette ré-articulation du pouvoir. La gestion du dossier israélo-palestinien viendra appuyer notre réflexion sur ces dynamiques.

  • François Ceccaldi, Collège de France – USPN, (France), Les élections législatives palestiniennes de 2006 et la réorganisation du pouvoir palestinien : par-delà la victoire du Hamas

Les élections législatives palestiniennes de 2006 et la réorganisation du pouvoir palestinien : par-delà la victoire du Hamas

À bien des égards, la mort de Yasser Arafat en novembre 2004 constitue un moment de rupture dans l’histoire du mouvement national et ouvre une période de réorganisation politique marquée notamment par la victoire du Hamas aux élections législatives de janvier 2006. Ces dernières consacrent une évolution lente mais néanmoins sensible caractérisée par l’influence grandissante des mouvements islamistes, principales forces d’opposition au processus de négociation d’Oslo. 

La victoire du Hamas aux élections de 2006 a modifié profondément les dynamiques politiques inter-factionnelles par un phénomène de redistribution des ressources du pouvoir. Aussi, nous chercherons à montrer dans cette communication que ces élections, loin de modifier l’architecture du pouvoir, ont surtout montré une impossibilité de le partager, pour des raisons essentiellement institutionnelles.


  • Manon-Nour Tannous, Collège de France – Université de Reims, (France), Le pouvoir en Syrie, un nouveau « comme si » ?
En 1999, la politologue Lisa Wedeen décrivait l’équation du pouvoir assadien à travers l’expression « comme si ». Tout en formulant des critiques voilées sur leur système politique, les Syriennes et les Syriens sont tenus de croire aux récits et aux mythes du régime. Plutôt que de rechercher une légitimité, ce dernier sollicite un acquiescement passif. Depuis 2011, la crise syrienne impose une reconfiguration de ce pouvoir. Au gré des combats militaires et des alliances, les allégeances et les modes de gouvernance évoluent en fonction des territoires. Le pouvoir se fragmente. Progressivement depuis la bataille d’Alep en 2016, les alliés du régime lui permettent de se déployer à nouveau, mais la formule proposée d’un statu quo ante ne satisfait pas l’analyse. Aussi cette communication cherchera-t-elle à montrer la reconfiguration du pouvoir en explorant plusieurs sites : la refonte des appareils militaires par les parrains étrangers du régime, une nouvelle phase de libéralisation économique autour d’un cercle d’entrepreneurs renouvelé, une donne communautaire sensiblement modifiée, ou encore une façade électorale augurant d’un « après-guerre » comme simple restructuration d’un clan déconnecté de la réalité citoyenne. Le régime continue de se présenter comme point d’équilibre entre ces pôles, mais la structure du pouvoir s’en trouve profondément modifiée.

  • Déborah Perez, MESOPOLHIS – CMH (ENS/EHESS) – Université Mohamed VI Polytechnique, (Maroc), Fragmentation des pouvoirs et légitimités contestées dans la Tunisie de l’après Ben-Ali (2011-2016)
Depuis 2011, la Tunisie a connu un renouvellement en profondeur de son personnel politique. Toutefois, ce dernier voit rapidement sa légitimité contestée et est supplanté par un ensemble d’acteurs n’occupant pas de position politique officielle mais mobilisant des ressources internationales, une expertise revendiquée ou un rôle dans certaines organisations non-gouvernementales pour se positionner « au-dessus » des élus. Ce premier mouvement se double d’une seconde dynamique : à la légitimité contestée des acteurs s’ajoute la contestation de l’ordre institutionnel établi par la Constitution de la Deuxième République tunisienne adoptée le 27 janvier 2014. Basée sur un ensemble d’observations et d’entretiens réalisés en Tunisie entre septembre 2012 et décembre 2016, cette communication propose d’étudier la construction contestée de la légitimité des acteurs et des institutions politiques tunisiennes. Nous tiendrons ensemble à la fois la question de la disqualification des nouveaux acteurs et de leurs politiques de respectabilité ainsi que celle des rapports de force entre une Assemblée des Représentants du Peuple aux compétences élargies, le Premier Ministère et la Présidence. 

  • Dima Alsajdeya, Collège de France – Paris II/ Centre Thucydide (France), L'Égypte après Moubarak : une révolution du pouvoir ?

Post-Mubarak Egypt: a power revolution?

Since 1952, the place and the political influence of the army have never been jeopardized in the Egyptian State but they have evolved differently under consecutive presidents. When Hosni Mubarak came to power, both the regional situation and the armed Islamists crisis in the country led different State agencies to further engage in various roles on the political scene (Minister of Foreign Affairs, external, internal and general intelligence services, army …etc). However, the active involvement of Mubarak’s sons and their close circle in both economic and political major issues, the persistence of social problems and the gradual worsening of poverty, corruption and repression resulted in the emergence of several social protest movements. Thus, the revolution of 2011 has called a number of apparent political balances into question. The political and economic cronyism of the regime as well as the problem of power inheritance urged the army to support the protestors against Mubarak in order to protect its system and ensure its survival. After Mohamad Morsi was ousted, Abdel Fattah al-Sissi took power and reestablished supposedly an old order in which the army has a preeminent function in both political and economic issues. Of all these actors, this presentation will focus on the place of General Intelligence Service (al-mukhabarat al-‘amma) in this power realignment. The management of the Israeli-Palestinian case will endorse the analysis of these dynamics.

  • François Ceccaldi, Collège de France – USPN, (France), Les élections législatives palestiniennes de 2006 et la réorganisation du pouvoir palestinien : par-delà la victoire du Hamas

The 2006 Palestinian legislative elections and the reorganization of the Palestinian power: beyond Hamas’ victory

The death of Yasser Arafat in November 2004 constituted a moment of rupture in the history of the Palestinian national movement and opened a period of political reorganization marked by the victory of Hamas in the legislative elections of January 2006. The latter consecrated a slow but nevertheless significant evolution characterized by the growing influence of Islamist movements, the main opposition forces to the Oslo negotiation process. 

The victory of Hamas in the 2006 elections has profoundly modified the inter-factional political dynamics through a phenomenon of redistribution of power resources among political actors. In this presentation, I will argue that these elections, far from modifying the architecture of power, have shown an impossibility of sharing it, essentially for institutional reasons.


  • Manon-Nour Tannous, Collège de France – Université de Reims, (France), Le pouvoir en Syrie, un nouveau « comme si » ?

Power in Syria, a new "as if"?

In 1999, Professor of Political Science Lisa Wedeen described the Assadian power equation through the expression "as if". While criticizing in a veiled way their political system, Syrians are required to believe the regime's narratives and myths. Rather than seeking legitimacy, the regime seeks compliance. Since 2011, the Syrian crisis imposes a reconfiguration of this power. With the alliances and the military battles, allegiances and modes of governance evolve according to the territories. Power is becoming fragmented. Gradually since the battle of Aleppo in 2016, the regime's allies helped it to redeploy, but the formula of a status quo ante does not satisfy the academics. This paper will therefore analyze the reconfiguration of power by exploring several sites: the overhaul of the military apparatus by the regime's foreign sponsors, a new phase of economic liberalization around a renewed network of businessmen, a significantly modified confessional order, or an electoral façade heralding a "post-war" period as a simple restructuring of a clan disconnected from the reality of the society. The regime continues to present itself as a point of balance between these poles, but the structure of power is profoundly modified.

  • Déborah Perez, MESOPOLHIS – CMH (ENS/EHESS) – Université Mohamed VI Polytechnique, (Maroc), Fragmentation des pouvoirs et légitimités contestées dans la Tunisie de l’après Ben-Ali (2011-2016)

Fragmentation of powers and challenged legitimacies in Post-Ben Ali Tunisia (2011-2016)

Since 2011, Tunisia has experienced an in-depth renewal of its political staff. However, its new political personnel’s legitimacy has been swiftly challenged and ultimately overruled by other actors. The latter entered the revolutionary political scene without any formal political positions, yet relied on international resources, claimed expertise in public affairs and held a sway over a number of NGOs, thus succeeding in positioning themselves above the elected MPs. This first movement goes along with a second dynamics: as the post-2011 officials’ personal legitimacy eroded, the constitutional framework they achieved by adopting the Second Tunisian Republic’s Constitution in January 2014 was questioned as well. Based on a set of observations and of interviews conducted in Tunisia between September 2012 and December 2016, this communication proposes to study the contested construction of the legitimacy of Tunisian political actors and institutions. We will deal with both the question of the disqualification of new actors and their politics of respectability as well as that of the conflictual balance of power between the newly empowered Assembly of People's Representatives, the Prime Minister and the presidency.

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